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Cartographie collaborative, comment multiplier les contributeurs ?

Catégorie: Données, Entreprises, Grand public, Logiciels, Open Data, Reportages, Réseaux/Transports, Utilisateurs

980 mots

Pendant des années, les contributeurs OpenStreetMap ont été considérés par les cartographes officiels comme de gentils amateurs. Mais force est de constater que ces passionnés font du sacré boulot. Aujourd’hui, ils se voient eux-mêmes comme des « experts » qui doivent trouver les moyens de s’ouvrir à de nouveaux publics afin de démocratiser leur projet.

© Geber86 pour iStock

Même si OpenStreetMap (OSM) dispose de nombreux outils de saisie et de mise à jour, devenir un contributeur actif n’est ni immédiat, ni particulièrement simple. Il faut ouvrir un compte, le confirmer, choisir son interface, comprendre les modèles de données des différentes thématiques, explorer le Wiki pour s’y retrouver dans la jungle des tags, participer au planning de travail de telle ou telle communauté, oser soumettre sa contribution au regard des autres, etc. Ce mode de fonctionnement, qui s’est peu à peu affiné avec la popularité du projet, permet aujourd’hui à plus de 850 000 personnes* de faire avancer au quotidien l’un des plus grands projets de crowdsourcing ouvert du monde, désormais respecté et soutenu par de nombreuses entreprises privées. Participer au projet et à ses carto parties est même devenu un moyen reconnu d’acquérir des compétences en géomatique, essentiel dans certains pays d’Afrique par exemple.

Le transport, un bon exemple

Mais, aussi motivés et aguerris qu’ils soient, ces centaines de milliers de contributeurs ne peuvent pas tout cartographier en temps réel, et il existe des domaines où beaucoup reste à faire.

Ainsi, dans le domaine des transports en commun, les données produites par les opérateurs de réseaux sont encore lacunaires. « 60 % des villes du monde n’ont pas de plan de transport » rappelle Florian Lainez qui a mené le projet de cartographie des gares franciliennes dans OSM à la SNCF, et initiateur du projet Jungle Bus, présenté officiellement mardi 25 avril à La Paillasse à Paris. À l’heure où chacun compte sur son smartphone pour le guider, disposer de données ouvertes et à jour devient un enjeu majeur.

Mais comment bénéficier de la force de frappe d’une communauté élargie, de sa réactivité, sans renoncer à la qualité des données produites et sans entrer dans un modèle captif, type Waze ou Cityway ?

un écran de l’application Jungle Bus

L’équipe de Jawg a pour cela conçu une application très simple, en s’inspirant d’une expérience menée à Managua. « Jungle Bus permet de diminuer le coût d’entrée à OSM, de favoriser la contribution fléchée » se félicite Loïc Ortola, le directeur général de la start-up. Pour l’instant, l’application, qui tourne sous Android, ne permet que de saisir ou de corriger la position d’un arrêt de bus, en centrant simplement le pointeur à l’écran, puis de lui donner un nom, et enfin de préciser s’il y a un abri ou un banc. Pour arriver à un tel niveau de simplicité, il a fallu hacker OSM pour faciliter l’inscription (qui se fait directement via le compte gmail du contributeur). Florian Lainez s’est chargé du choix des bonnes métadonnées qui permettent à l’interface de « parler » en langage courant et non en tag OSM. Même si l’utilisateur sait qu’il contribue à un projet collectif et ouvert, il n’a pas l’impression de devenir un cartographe pour autant.

Principes communs

« Jungle Bus n’est qu’une instanciation d’une application générique, OSM contributor, que nous pouvons décliner pour toutes sortes de thématiques : vélos en libre-service, parkings, etc. » précise Loïc Ortola.

D’ailleurs, l’application a une cousine utilisée par le personnel de la SNCF afin de mettre à jour des données OSM sur l’intérieur des gares : Map Ma Gare. Là encore, le vocabulaire et l’interface restent très simples et une dose de « gamification » est introduite afin de favoriser les contributions : l’utilisateur voit son score de contribution, il y a des équipes qui se répartissent les thématiques, etc.

Questions de qualité

La présentation de Jungle Bus a suscité de nombreux échanges autour de la question de la qualité de ces nouvelles contributions. D’autant plus que le projet intéresse les organisateurs de transport (Keolis), les développeurs de logiciels (Cityway) et l’Ademe (dans le cadre de la fabrique des mobilités). Tous savent en effet que ce sont les utilisateurs des transports qui sont les mieux placés pour faire remonter des informations précieuses qui complètent leurs propres données techniques.

« Prochainement les utilisateurs pourront prendre une photo de l’arrêt de bus, cela permettra un contrôle qualité par les contributeurs OSM a posteriori » explique Florian Lainez. De plus, l’application Jungle Bus n’est que la partie émergée de l’iceberg et les contributeurs « classiques » travaillent eux aussi à l’amélioration des données transports. Noémie Le Huby a par exemple développé un outil de visualisation qui pointe sur les lignes mal cartographiées en Île-de-France, ce qui a relancé l’intérêt de la communauté. En trois mois, cent cinquante nouvelles lignes de bus ont été saisies et documentées. La diffusion est également l’une des meilleures garanties de la montée en qualité de la base. Là encore, la communauté OSM étudie de nouveaux rendus cartographiques adaptés aux plans de réseaux, exploitant des tuiles vectorielles.

Jungle Bus résume bien les enjeux du crowdsourcing couplé à l’open data. Désormais, les entreprises privées et les services publics en ont bien compris l’intérêt, même s’ils ne sont pas encore prêts à publier toutes leurs données en open data. Quant aux communautés, elles doivent trouver le bon dosage entre ouverture du modèle, ciblage des contributions, qualité des données acquises, valorisation des contributions… D’ici quelques mois, un appel à financement sera lancé pour la poursuite du projet. Avis aux amateurs (dans tous les sens du terme).

 

* Sur les 3,6 millions de contributeurs OSM enregistrés, seuls 850 000 ont déjà contribué. Les autres n’ont fait que créer un compte.

 

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