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Diagnostiquer, informer… vaste chantier !

| 14 mars 2016

Catégorie: Cartographie, Données, Dossier : Géomatique et handicap, Entreprises, Institutions, Logiciels, Mobilité, Open Data, Recherche, Réseaux/Transports, Services

Afin de mettre en accessibilité la « chaîne du déplacement », collectivités, organisateurs de transports, État, propriétaires de bâtiments recevant du public ont dû réaliser des diagnostics, définir des schémas directeurs, proposer des plans d’action, faire réaliser des travaux, prouver la mise en conformité de leurs équipements… Autant d’étapes qui s’appuient sur des données géographiques.

Si la loi de 2005 ne permet pas encore à toutes les personnes handicapées de profiter pleinement de la vie de la cité, elle a généré des tonnes de papiers, de tableaux et… de cartes.

Diagnostics et stratégies

Certaines collectivités ont mobilisé leurs bases et outils SIG pour la réalisation des diagnostics. Ainsi, le service géomatique de l’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines a fourni les données qui ont servi de base au relevé de tous les obstacles à l’accessibilité qui a été effectué le long de quelque 650 km de voirie dans le cadre du projet AccesSIG, monté en partenariat avec le CEREMH.

Mais dans l’ensemble, les bureaux d’études en charge des PAVE, Ad’AP et autres diagnostics officiels récupèrent rarement des couches SIG de leurs clients. Certains ont développé leurs propres outils, plus ou moins géographiques. D’autres, comme Wegoto, souhaitent commercialiser des applications de relevés d’équipements et de voirie. Après avoir conçu un « labtrack » petit laboratoire mobile qui mesure instantanément devers et pentes, la startup finalise une application sur tablette baptisée WegoTrack qui lui a déjà servi à relever toute la voirie du domaine universitaire de Grenoble.

WEB-NON-175-dossier-handicap-Wegoto

Aider les acteurs de l’aménagement à être autonomes dans leurs diagnostics, dans la définition de leurs stratégies et dans le suivi de leurs actions, est également à la base du projet GEVU alias « Globale Évaluation Urbaine », mené par le laboratoire TVES (Territoires, Villes, Environnement, Société) de l’université de Lille. L’interface cartographique permet de rendre compte à la fois des différentes compétences territoriales, de l’environnement des quartiers, des réseaux de transports, des équipements commerciaux et publics ainsi que de localiser les plans précis des bâtiments. GEVU a été utilisé par Alcéane, bailleur social au Havre, dans le département du Val-de-Marne, à Trouville…

L’exemple lorientais

L’agglomération de Lorient a développé une application pour permettre à ses communes de gérer leurs données d’accessibilité.

L’agglomération de Lorient a développé une application pour permettre à ses communes de gérer leurs données d’accessibilité.

Si l’agglomération de Lorient est également passée par un bureau d’études (Mobhilis), pour faire réaliser les PAVE de ses communes, elle a mené un important travail pour exploiter la dimension géographique de ses données. L’agglomération a également réalisé son schéma directeur d’accessibilité sur le réseau de transport collectif. Quant aux diagnostics des établissements communaux et communautaires recevant du public, ils ont été réalisés en interne. Les données ainsi récupérées ont été organisées et nettoyées pour alimenter une application qui exploite le websig de GéoBretagne, baptisé Kartenn. Ainsi, les vingt-cinq référents communaux mettent à jour les données d’accessibilité, les complètent si nécessaire, et disposent d’un tableau de bord thématique. Le modèle de données, conçu en partenariat avec les associations et les référents communaux, s’inspire du modèle OpenStreetMap et décline tous les équipements selon neuf catégories de handicaps. « Les données nous permettent aussi de produire des cartes qui alimentent le rapport annuel de la commission intercommunale de sécurité, d’éviter de multiplier les tableaux » ajoute Sylvaine Duceux, la responsable SIG.

Plusieurs villes proposent des sites Internet ou des applications pour informer les habitants des équipements accessibles. Citons Bordeaux et son site accessible.bordeaux.fr, La Rochelle et son application mobile Handicarto ou les Bouches-du-Rhône et 13accessible représenté ci-dessus. Certaines collectivités ajoutent une couche thématique à leur websig grand public, comme Evian. Le site de la communauté de communes d’Erdre et Gesvres montre, quant à lui, que la problématique ne concerne pas que les grandes villes !

Plusieurs villes proposent des sites Internet ou des applications pour informer les habitants des équipements accessibles. Citons Bordeaux et son site accessible.bordeaux.fr, La Rochelle et son application mobile Handicarto ou les Bouches-du-Rhône et 13accessible représenté ci-dessus. Certaines collectivités ajoutent une couche thématique à leur websig grand public, comme Evian. Le site de la communauté de communes d’Erdre et Gesvres montre, quant à lui, que la problématique ne concerne pas que les grandes villes !

La question du modèle de données

Décrire l’accessibilité d’un commerce, d’une rue, d’un équipement public, d’un parcours dans la ville est complexe. Tout d’abord, celle-ci ne se pose pas dans les mêmes termes et ne concerne pas les mêmes équipements selon les handicaps. Idéalement, il faudrait donc pouvoir prendre en compte les équipements (ou difficultés) par type : moteur, visuel, auditif, cognitif… De plus, elle peut varier d’une personne à l’autre. Un fauteuil électrique franchit des seuils plus importants qu’un fauteuil manuel mais tout dépend de qui est aux commandes. Le sujet dépasse enfin les seules déficiences reconnues comme des handicaps : poussettes, béquilles temporaires, baisse de vision et marche rendue pénible avec l’âge… nous sommes tous concernés ! Plusieurs options sont donc possibles pour qualifier des données géographiques : partir des exigences de la loi, du ressenti des usagers grâce à la consultation d’associations, des caractéristiques physiques qui définissent un profil… et d’un peu de tout cela.

D’un point de vue informatique, les données sont de plusieurs natures : elles peuvent être de simples attributs à ajouter à des objets déjà présents dans le référentiel géographique (qualification d’un bâtiment par exemple, d’un tronçon de trottoir, d’un feu tricolore) ou impliquer la saisie de nouvelles entités géographiques : une bande de vigilance, des potelets. Ces derniers éléments pouvant être localisés et décrits plus ou moins précisément : une place de parking peut être numérisée sous forme de point ou de polygone. Quant au respect d’un graphe topologique, il sera essentiel pour proposer un calculateur d’itinéraires mais inutile pour faire un diagnostic à l’échelle d’une ville ou d’un quartier. La précision du référentiel choisi aura ainsi une influence non négligeable sur la façon dont seront stockées les données.

Il n’existe ainsi aucun modèle de données « type » sur l’accessibilité, même si les travaux menés à Lorient et autour d’OpenStreetMap commencent à faire référence.

Faire vivre les données

Certains ont choisi de publier une partie de leurs données en open data, une façon d’essayer de les faire vivre, ce qui n’est jamais facile. « Sur cette thématique, deux visions s’opposent, analyse Pierre-Antoine Leyrat du CEREMH, soit une vision privative des données, soit une vision collaborative. La première limite les risques d’erreurs mais la deuxième permet de gagner en rapidité. » Les organismes qui misent sur les deux tableaux sont encore peu nombreux.

L’avenir de la mise à jour viendra-t-il de la technique ? Des projets comme Terra Mobilita ont montré que les relevés 3D intensifs (Lidar et photos) peuvent être mobilisés dans ce cadre, notamment dans les vérifications après travaux.

La multiplication des initiatives est à la fois une force et une faiblesse. Une force car elle a permis de tester plusieurs modèles de données, de mobiliser des partenaires très variés et d’avoir aujourd’hui une vision élargie du sujet. C’est également une faiblesse car elle empêche toute approche globale de la question. Impossible de calculer un itinéraire au-delà des périmètres locaux concernés. Comment construire un référentiel commun et même un standard qui ne soit ni une usine à gaz ni trop simpliste ? Comment faire en sorte que la ville intelligente soit une ville inclusive ? Pour avancer sur ces questions, le Cerema anime un groupe de travail des référents accessibilité dans le cadre de son programme « ville accessible à tous ». Les réunions de Nantes en 2014 puis de Dunkerque en 2015 ont permis de partager les expériences, d’établir des notes de synthèse, et de proposer des stratégies d’action pour une meilleure mutualisation. Ainsi, un état des lieux complet sur SIG et accessibilité devrait bientôt être publié. Un travail est également en cours pour mettre en place un géostandard dans le cadre de la COVADIS pour décrire les données d’accessibilité. À suivre !

 

La loi
Accessibilité, où en est-on ?
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La loi de 2005 prévoit une mise en accessibilité des voiries, des transports en commun et de l’ensemble des établissements et installations recevant du public (soit environ un million d’ERP) au 1er janvier 2015, afin de garantir une fluidité complète de la chaîne de déplacement. Toutes les collectivités de plus de cinq cents habitants (une compétence qu’ils peuvent déléguer à leurs établissements publics de coopération intercommunale) ont dû réaliser leur PAVE avant décembre 2009. Les aménagements ainsi programmés concernent les cheminements, le stationnement, les feux de signalisation et les emplacements de transport collectif. En matière de transports, les schémas directeurs devaient être déposés avant février 2008 pour des travaux pouvant s’échelonner jusqu’en 2018. En cas d’impossibilité technique (métros enterrés par exemple), les organisateurs de transports doivent proposer des alternatives si leur coût pour les personnes handicapées n’est pas supérieur à celui du transport public. Côté ERP, tous ceux qui n’ont pas tenu l’échéance et ne peuvent pas encore présenter leur attestation d’accessibilité, pouvaient encore déposer des dossiers d’Ad’AP en mairie jusqu’en septembre dernier, leur permettant de repousser l’échéance jusqu’à trois ans. À ce jour, il reste encore près de 300 000 établissements non accessibles qui ne sont pas entrés dans le dispositif Ad’Ap.

 

Carte en ville
Handicaps cognitifs, mentaux et psychologiques
Les handicaps cognitifs, psychiques ou mentaux, sont des freins importants à la mobilité, encore peu pris en compte. Pour se déplacer, les cartes qui émaillent l’espace urbain sont des aides précieuses. Encore faut-il les comprendre. Joël Meissonnier du Cerema travaille sur cette question depuis longtemps. Ses rencontres avec toutes sortes de personnes concernées à titre personnel ou professionnel, ses analyses de parcours commentés… lui ont permis de sensibiliser les responsables de l’aménagement et de faire des propositions concrètes en matière de cartographie. « Les plans de ville sont souvent à l’arrière des panneaux publicitaires. Un choix peu judicieux car il privilégie les espaces les plus visibles et non les plus utiles en matière de guidage » remarque le spécialiste. Face à un plan, la première opération cognitive consiste à projeter l’information au sol et à s’orienter. Le magnifique rond « vous êtes ici » est finalement peu utile car il ne donne aucune orientation spatiale. « Au Japon, le panneau que vous regardez est représenté directement sur la carte, sous forme de trait, ce qui facilite l’orientation » note Joël Meissonnier.
WEB-175-dossier-handicap-Japon2Le développement de plans « géo-centrés » aux arrêts de bus, tels ceux fabriqués par Latitude Cartagène pour Grenoble va dans le même sens. Introduire des cercles concentriques donnant une idée du temps nécessaire pour rejoindre telle ou telle rue est une autre piste que certaines villes commencent à introduire.

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