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Imagerie satellitaire pour les territoires : à la recherche du chaînon manquant

| 19 novembre 2018

Catégorie: Données, IDG/IDS, Imagerie, Logiciels, Recherche, Reportages, Satellite/Spatial, Utilisateurs

1420 mots, environ 6 minutes de lecture

Dans un pays riche en données géographiques comme la France, l’imagerie satellitaire reste sous-utilisée par les acteurs territoriaux. Malgré la multiplication des dispositifs d’accès et de nombreux travaux de recherche appliquée, la rencontre a du mal à se faire. Pourquoi ? Et comment y remédier ? Lors du dernier séminaire Theia, plusieurs pistes ont été évoquées.

Couverture annuelle à bases d’images SPOT 6/7, accès facilité aux données Pléiades, correction systématique des images Sentinel, occupation du sol annuelle en 17 classes (voir article ici), extension de la couverture neigeuse, hauteur des grandes masses d’eau, humidité des sols à l’échelle parcellaire pour les grandes cultures… les organismes publics et laboratoires de recherche impliqués dans Theia réalisent produits et démonstrateurs qui devraient intéresser les territoires. Et ils ne sont pas les seuls à œuvrer au développement du satellitaire pour les collectivités et services de l’État. Le nouveau plan d’action satellitaire (PAS) du ministère de la transition écologique vise lui aussi à l’accès aux données d’observation de la Terre dans les services déconcentrés. Depuis deux ans, le CNES s’est doté d’un « service aval » dont la mission est, là encore, de développer l’usage du spatial aux côtés d’un institut comme InSpace, lui aussi positionné sur « les solutions spatiales au service des territoires ».

Malgré cette mobilisation sans précédent, qui tire profit de nombreuses années de recherche, les « produits et services » spatiaux sont peu connus et utilisés en France en dehors du cercle des « télédétecteurs ». Ce leitmotiv est répété à chaque réunion (ce qui ne date pas d’hier, voir ici), et les dernières journées Theia organisées à Montpellier les 17 et 19 octobre n’ont pas fait exception. Derrière cette apparente sous-utilisation, se cachent plusieurs problèmes.

Un constat qui doit être relativisé

Tout d’abord, certaines images satellitaires sont largement utilisées n’en déplaise au CNES et à Airbus. Le fond de Google Maps est entré dans les mœurs, et pas seulement dans le grand public. C’est souvent vers lui que se tournent les professionnels pour identifier un lieu, repérer un trait marquant du paysage, avoir une première vue d’ensemble, etc. Les images satellites météo ne sont pas les seules à avoir envahi les foyers, celles de Digital Globe, Landsat ou autre sont désormais à la base de notre exploration virtuelle du monde.

Pour les professionnels, elles ont cependant leurs limites (absence de métadonnées notamment). Les mosaïques annuelles hautes résolution assemblées et diffusées gratuitement par Geosud/Theia (et souvent téléchargées) sont désormais vues comme un complément essentiel. Régulièrement utilisées en fond d’écran, elles ont une réelle utilité sans doute sous-estimée par des scientifiques qui pensent algorithmes de classification, méthodes automatiques ou semi-automatiques. Il en est des images satellitaires optiques comme des images aériennes, elles servent avant tout de couche image de repérage pour la photo-interprétation (apportant une fraîcheur appréciée des acteurs territoriaux) et les géomaticiens sont plus prompts à utiliser leurs yeux qu’Orfeo Tool Box, aussi complet et gratuit soit-il.

Image Pleiades sur Verdun

Les images satellitaires entrent également régulièrement dans la création de bases de données d’occupation du sol à moyenne et grande échelle, qui deviennent à leur tour des référentiels. Sous cette forme, l’image n’apparaît pas sur les écrans des géomaticiens (ce sont les couches raster ou vectorielles qui sont utilisées), mais l’information qu’elle contient reste essentielle.

Partant du constant qu’il est impossible de transformer les géomaticiens en télédétecteurs, se joue aujourd’hui une course aux produits « prêts à l’emploi », capables d’emporter avec eux des années de travail scientifique sous une forme « packagée ». Sur ce point, les membres de Theia n’ont pas ménagé leur peine. Mais, une fois de plus, malgré de louables efforts (interface, disponibilité, capacité à gérer de grandes surfaces…), les usages peinent à se pérenniser.

Le produit « neige » fournit régulièrement une extension du manteau neigeux.

Des acteurs territoriaux démunis

Les deux tables rondes organisées lors des journées Theia ont mis au jour plusieurs problèmes. Le niveau de compétence en imagerie spatiale des collectivités et services de l’État est très faible. Si certains produits paraissent simples aux membres des CES (Comités d’Expertise Scientifique), ils s‘avèrent encore trop complexes pour les utilisateurs de SIG et tout effort de personnalisation demande des ressources souvent absentes. Passer par des prestataires de services privés qui sont, eux aussi, invités à assurer le transfert des résultats de recherche ? L’approche implique qu’ils trouvent un modèle économique, difficile sur un marché national somme toute réduit.

Avec son portail spatial.ign.fr, l’IGN essaye lui aussi de proposer des interfaces simples d’accès aux images (Pléiades et SPOT). Un service en ligne de comparaison d’images (interface « remonter le temps ») et de détection visuelle de changement (service SPOTIT) sont aujourd’hui proposés.

Avec son portail spatial.ign.fr, l’IGN essaye lui aussi de proposer des interfaces simples d’accès aux images (Pléiades et SPOT). Un service en ligne de comparaison d’images (interface « remonter le temps ») et de détection visuelle de changement (service SPOTIT) sont aujourd’hui proposés.

Les chercheurs reconnaissent bien volontiers qu’ils sont éloignés des besoins opérationnels des utilisateurs finaux et ont du mal à traduire leurs modèles, algorithmes et chaînes de traitements en produits au service des politiques publiques. D’autant que beaucoup de travaux de recherche portent sur les données Sentinel à moyenne résolution, tandis que les acteurs territoriaux ont plutôt les yeux rivés sur Pléiades et ses 70 cm de résolution. C’est entre autres pour cela que Theia a mis en place les ART, alias Animations Régionales Theia, censées faire le lien entre utilisateurs opérationnels et CES. Malheureusement, la dernière rencontre de Montpellier n’a accueilli que 20 % participants hors de la sphère recherche. Manque de sensibilisation ? Pas uniquement. Si chaque région a officiellement une ART, la réalité de l’animation varie complètement d’une région à l’autre, selon la structure porteuse (infrastructure d’information géographique comme dans le Sud, centre de recherche comme dans le Sud-Ouest ou l’Est…) et le temps qu’elle est capable d’y consacrer. Ce travail bénévole devient rapidement chronophage et vient en concurrence des missions quotidiennes de chacun : activité scientifique d’un côté et tâches opérationnelles pour les autres.

Une occupation du sol en 17 postes est produite annuellement par le CESBIO

Une animation à renouveler

Manifestement, il manque encore un maillon dans la chaîne qui va des pixels tombés du ciel aux outils d’aide à la décision et à la gestion territoriale. Rapprocher la recherche, les entreprises et les utilisateurs demande une expertise qui doit être reconnue en tant que telle. De nouveaux postes sont à créer associant un savant mélange d’animation, de design de produits, de compétences financières, réglementaires et de chef de projets pour construire des démonstrateurs, des POC (Proof of Concept) ou les industrialiser, au service d’une information géospatiale utile. Mais il faut également les financer et les installer de façon pérenne. Basée sur la confiance, l’animation ne peut s’envisager que sur le long terme. Qui est prêt à payer ?

– Présentations des journées Theia 2018 : http://www.theia-land.fr/fr/actualites/theia-2018-toutes-contributions

 

Après Geosud, DINAMIS

Le programme Geosud en tant qu’Equipex arrive au terme de son financement en 2019. Il a permis la construction d’une station de réception directe (Pléiades, SPOT 6/7) à la Maison de la Télédétection à Montpellier, et la mise en place d’une infrastructure technique de données et services autour de l’imagerie satellitaire d’observation de la Terre. C’est Geosud qui assure la couverture annuelle de la France métropolitaine en haute résolution par exemple, et la met à la disposition des acteurs publics et de la recherche. Désormais plus ou moins fondu dans le pôle Theia pour sa partie avale (mise en réseau, formation, animation), il restait à imaginer sa suite côté amont (acquisition d’images). C’est ainsi qu’est né le projet DINAMIS, alias Dispositif Institutionnel National d’Approvisionnement Mutualisé en Imagerie Satellitaire, un méta portail unifié permettant aux acteurs institutionnels et de la recherche d’accéder à l’ensemble des données satellitaires disponibles, qu’elles soient gratuites (Sentinel, Landsat) ou payantes (SPOT, Pléiades). DINAMIS entend également aider les acteurs à exprimer leurs besoins. Aujourd’hui, l’heure est au financement du projet imaginé par l’IRSTEA et le CNES. Le premier cercle sera sans surprise celui de Theia, mais les autres adhérents Geosud/Theia seront également invités à participer à cette plateforme de mutualisation.
En savoir plus : http://www.theia-land.fr/sites/default/files/imce/Theia2018_session1_Dinamis.pdf

 

 

Au fait, Theia, c’est quoi ?

Créé en 2012, le pôle de données et de services surfaces continentales Theia rassemble une douzaine d’organismes (CEA, Cerema, CNES, CNRS, IGN, INRA, IRD, IRSTEA, Météo France, ONERA, AgroParisTech). Il a pour objectif d’accroître l’utilisation par la communauté scientifique et les acteurs publics de la donnée spatiale. Il met à disposition des acteurs publics nationaux, des scientifiques (nationaux et internationaux), et des acteurs privés, des données et produits à valeur ajoutée issus de la télédétection par satellite. Il vise aussi à structurer la communauté scientifique nationale, à mutualiser les données image, les traitements et l’expertise scientifique, et à rendre visibles les réalisations nationales à l’échelle internationale.  Le pôle est structuré en une Infrastructure de Données Spatiales (IDS) distribuée entre plusieurs acteurs, un réseau de Centres d’Expertise Scientifique (CES) et d’Animation régionale Theia (ART) dans les différentes régions métropolitaines et les territoires français d’outre-mer.

 

 

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