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La cartographie statistique à l’épreuve du XXIe siècle (part I)

| 12 juillet 2017 | 0 commentaire

Catégorie: Cartographie, Données, Livres, Arts, Expos, Logiciels, Recherche, Reportages

(621 mots)

Chapitre I : Entre continuité et ruptures

Depuis sa naissance au XIXe siècle, la cartographie statistique* a vécu une révolution majeure : l’apparition des ordinateurs. Leurs puissances de calcul, leurs capacités graphiques, d’animation, de diffusion… ont profondément modifié les cartes statistiques. La discipline peut-elle encore se réinventer au XXIe siècle ? Les spécialistes se sont penchés sur la question lors du colloque Cartostats organisé le 9 juin dernier à Paris.

Nous sommes en 1987. C’était l’époque où l’on découvrait la « cartomatique ». Déjà, Roger Brunet, l’inventeur des chorèmes, s’étonnait : « L’apparition de la cartomatique a fait éclore des sujets cartographiques nouveaux, mais n’a guère changé l’aspect de la carte » (in La carte : mode d’emploi). Trente ans plus tard, Jacques Lévy, directeur du laboratoire Chôros, en appelle au « tournant cartographique » (A Cartographic Turn, EPFL Press, 2017) afin de représenter notre monde structuré par de nouvelles spatialités. « Mais les propositions sont loin d’être inédites ou s’éloignent de la cartographie » souligne Gilles Palsky, professeur à Paris 1 et fin connaisseur de l’histoire des cartes.

Des formes inventées avant l’ordinateur

En effet, ce serait faire preuve d’anachronisme que de penser que cercles et symboles proportionnels, effets 3D et anamorphoses sont nés avec l’informatique. Gilles Palsky en a retrouvé des exemples dès le début du XXe siècle. Il note également que la grammaire de la cartographie statistique n’a cessé d’évoluer et certaines méthodes, pourtant efficaces, n’ont vécu que quelques années. Ainsi en est-il des centres statistiques essayés par Joseph Minard en 1865 puis repris dans des grands atlas américains au début du XXe siècle, ou des points Bertin développés dans les années soixante.

Gilles Palsky a découvert des cartes par densité de point datant du milieu du XIXe siècle. Ici, une carte statistique de population réalisée par l’officier suédois Thure Alexander von Mentzer en 1859.

Gilles Palsky a découvert des cartes par densité de point datant du milieu du XIXe siècle. Ici, une carte statistique de population réalisée par l’officier suédois Thure Alexander von Mentzer en 1859.

La technique des cartes par point est toujours populaire comme le montre cette carte de population des États-Unis basée sur les statistiques ethniques publiée en 2013 par Dustin Cable de l’université de Virginie en 2013 (un point = 1 personne). http://demographics.virginia.edu/DotMap/

La technique des cartes par point est toujours populaire comme le montre cette carte de population des États-Unis basée sur les statistiques ethniques publiée en 2013 par Dustin Cable de l’université de Virginie en 2013 (un point = 1 personne). http://demographics.virginia.edu/DotMap/

Même la 3D existait avant les ordinateurs comme le montrent ces représentations du cartographe américain Erwin Raisz qui datent du milieu du XXe siècle.

Même la 3D existait avant les ordinateurs comme le montrent ces représentations du cartographe américain Erwin Raisz qui datent du milieu du XXe siècle.

Quelle révolution numérique ?

Fixée par Jacques Bertin dans La sémiologie graphique il y a tout juste cinquante ans, la cartographie statistique n’aurait-elle donc rien tiré du numérique ? Se serait-elle figée ? Si les ordinateurs n’ont pas réellement permis d’inventer de nouvelles formes, ils ont profondément changé les pratiques. Ils ont d’abord signé le retour sur le devant de la scène de la carte après un début de XXe siècle friand de tableaux. Car ce n’est que dans les années soixante, alors qu’émerge la géographie quantitative, que les cartes statistiques redeviennent à la mode. Certaines formes anciennes connaissent également des regains de popularité comme les « dot maps » (cartes par densités de points), très utilisées pour représenter des données volumineuses ou les symboles figuratifs qui reprennent du service dans la cartographie de presse notamment. L’informatique a en outre facilité certains procédés, très lourds à mettre en œuvre manuellement : lissages, effets 3D et, bien entendu, animations.

 

Nouveaux codes de lecture

La prolifération des supports a également mis l’accent sur le récepteur de la carte, celui qui la lit. Comment réagit-il ? Que comprend-il vraiment ? Une anamorphose qui peut sembler évidente à un cartographe l’est-elle pour un néophyte ? Les commentaires injurieux qu’a suscités une déformation du Royaume-Uni sur les réseaux sociaux présentés par Étienne Côme de l’IFSTTAR montrent que la question mérite d’être posée. Au-delà de la sémiologie graphique, ce sont les règles de base de la sémiologie visuelle qu’il faut prendre en compte : comment fonctionne un œil ? Quel peut être le rôle de l’émotion ? Autant de pistes pour enrichir la palette du cartographe. Dans ce domaine, Claire Cunty de l’université de Lyon 2 a présenté des travaux de recherche sur la perception de l’incertitude dans les cartes présentant des points d’intérêt tout à fait intéressants.

Les « mauvaises cartes » ne sont pas toujours une question de mauvaise rédaction. Elles peuvent n’être tout simplement pas comprises, comme le montre ce commentaire sur une carte par anamorphose.

Les « mauvaises cartes » ne sont pas toujours une question de mauvaise rédaction. Elles peuvent n’être tout simplement pas comprises, comme le montre ce commentaire sur une carte par anamorphose.

C’est finalement surtout en multipliant émetteurs, récepteurs et outils que le numérique a le plus profondément changé la cartographie statistique, comme nous l’explorons dans le deuxième chapitre de notre dossier.

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Définition

Qu’est ce que la cartographique statistique ?

S’appuyer sur une carte pour présenter des données chiffrées, des taux, des catégories, des typologies… tel est le vaste champ de la cartographie statistique, qui mériterait sans doute une meilleure définition.

 

  • Lien direct vers le colloque Cartostats (programme, résumés, supports de présentations des intervenants)
  • À lire également : Troubles dans le genre, reportage sur le colloque Temps, Art et Cartographie qui s’est tenu à Strasbourg en mars 2016
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