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Santé : un secteur en pleine évolution

| 15 janvier 2016 | 0 commentaire

Catégorie: Données, Dossier : Bonne géo-santé !, Environnement, IDG/IDS, Institutions, Logiciels, Open Data, Uncategorized, Utilisateurs, WebMapping

Morcellement institutionnel, enjeux financiers plus forts que jamais, exploitation de données de plus en plus volumineuses, pression de l’open data, obligations d’anonymisation particulièrement fortes… les contraintes qui pèsent sur l’information géographique en santé publique sont nombreuses. Pourtant, elle est en plein développement.

Les organismes publics traitant d’information géographique en santé sont nombreux : hôpitaux et leurs groupements, agences régionales de santé (ARS), observatoires régionaux de santé (ORS), Agence de biomédecine, Institut de veille sanitaire (InVS), caisses d’assurance maladie et de retraite, écoles de santé publique (EHESP…), service statistique du ministère (DREES), instituts de recherche (INSERM, IRDES…), instituts nationaux divers (Cancer par exemple)… Malgré ce morcellement, la géomatique et la cartographie statistique semblent prendre un nouveau souffle.

Des bases mieux adaptées

Cette décennie est avant tout celle du développement de grandes bases de données nationales et du rapprochement entre les données produites par le système de soins (hôpitaux, cliniques) et celles issues de l’assurance maladie.

La diffusion des données PMSI-T2A est essentielle pour le développement de la géomatique. Ce programme de médicalisation des systèmes d’information et la tarification à l’activité, regroupe les nombreuses informations collectées par les établissements de soins hospitaliers privés et publics et assemblées par l’ATIH (agence technique de l’information sur l’hospitalisation). Même si tout n’est pas gratuit et que les déclarations CNIL peuvent être rebutantes, c’est une source fondamentale pour comprendre l’activité médicale en France. Sa partie ouverte permet aux journaux de publier régulièrement leurs palmarès des établissements. Le géocodage se fait à l’échelle du code postal (certains, très peu peuplés sont regroupés pour garantir l’anonymat). Les données sont anonymisées : les noms et prénoms sont remplacés par des identifiants sans signification et les dates de naissance par des âges.

La base de données nationale relative au système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie (Sniiram) est d’un accès encore plus réglementé. Elle comprend de nombreuses données : 1,2 milliard de feuilles de soins par an, mille flux de données agrégés chaque mois, pour constituer dix-sept bases de données dont trois de plus de 25 TO. Elle regroupe des données anonymisées sur les patients, (dont la commune de résidence), sur les prestations remboursées dans le cadre des soins de ville et en établissement (elle intègre une partie du PMSI). La base de suivi des dépenses (DAMIR), qui en fait partie, est publiée en open data depuis février 2015.

D’autres bases de données existent. Les établissements de santé déclarent par exemple certaines molécules et les principales prothèses qu’ils posent. « L’exploitation géographique de dispositifs de surveillance comme SurSaUD (surveillance sanitaire des urgences et des décès), mis en place après la canicule de 2003, démarre à peine », constate Perrine de Crouy-Chanel, géomaticienne à l’InVS.

Le maillage du territoire en matière de santé s’appuie sur divers découpages. Les zonages administratifs classiques sont bien entendu importants. La région en est le maillon fort dans la mesure où c’est l’échelon de la répartition budgétaire via les ARS. La loi de santé de 2009 a également institué les « territoires de santé » et les « zones de proximité ». Ces dernières correspondent aux aires d’attraction des principaux centres hospitaliers et ne sont pas forcément composées de regroupements de communes.

L’étude menée par l’InVS sur Salindres (Gard) est exemplaire des gains en matière de résolution spatiale. Pour cartographier les résultats d’une enquête menée auprès de 1500 habitants, Morgane Stempfelet s’est appuyée sur le carroyage de l’INSEE, montrant bien l’existence d’un gradient spatial des gênes et la cohérence entre la direction du panache et les odeurs ressenties par les riverains.

L’étude menée par l’InVS sur Salindres (Gard) est exemplaire des gains en matière de résolution spatiale. Pour cartographier les résultats d’une enquête menée auprès de 1500 habitants, Morgane Stempfelet s’est appuyée sur le carroyage de l’INSEE, montrant bien l’existence d’un gradient spatial des gênes et la cohérence entre la direction du panache et les odeurs ressenties par les riverains.

Un nouvel acteur : les ARS

La création des ARS en avril 2010 a également donné un coup de fouet à la géomatique en santé publique. « Elles ont permis de rassembler différentes compétences venues d’institutions différentes et donc complémentaires », résume Laurence Tandy, directrice de l’appui à la stratégie de l’ARS Limousin. Nouvel acteur dans un jeu institutionnel complexe, certains des médecins qui en dirigent les services ont bien compris tout l’intérêt de la carte, qui aide à mettre tout le monde autour de la table. Même si elles ont des compétences très inégales dans le domaine cartographique et géomatique, les ARS disposent d’équipes de statisticiens. « Nous avons un peu de tout en matière de SIG dans les ARS, explique Xavier Vitry de l’ARS Rhône-Alpes. La gamme ArcGIS est en position dominante, mais beaucoup utilisent Cartes & Données d’Articque. QGIS prend également de plus en plus d’importance. » Elles n’hésitent pas non plus à s’appuyer sur les observatoires régionaux de santé (ORS) pour produire certaines études. C’est ainsi l’ORS Nord – Pas-de-Calais qui a produit l’atlas régional et territorial, qui vient d’être actualisé.

AtlaSanté et C@rtoSanté

Afin de faciliter leur accès à un certain nombre de bases de données et d’indicateurs, une infrastructure de données géographiques a été développée : AtlaSanté. Initiée par l’agence de Rhône-Alpes, mais montée avec l’aide d’autres régions (Languedoc-Roussillon notamment), sa gouvernance est ouverte aux partenaires des ARS (DREAL, IRDES, Agence de biomédecine, InVS). Y sont rassemblés plus de quatre cent trente lots de données géographiques. La plateforme s’appuie sur Prodige et sur Géoclip pour la cartographie des indicateurs statistiques et édition de portraits de territoires. Le fichier FINESS, qui référence tous les établissements de santé, est entièrement géocodé tous les deux mois par l’ARS Picardie. Les bases sont proposées selon différents découpages territoriaux administratifs (jusqu’aux IRIS) et liés à la santé. Certaines régions ont leur propre maillage pour des études spécifiques (taux de fluor dans les eaux en Aquitaine par exemple). Une partie des données est intégrée sous forme de flux comme les sites Seveso et les référentiels IGN ou OpenStreetMap. Au-delà des bases nationales, la plateforme accueille également des bases plus locales. « Nous avons par exemple mis en place un groupe d’experts sur les AVC pour comprendre de quelles données ils avaient besoin, puis nous leur avons construit une carte dédiée » explique Xavier Vitry, le chef de projet. L’heure est à la formation des utilisateurs dans les ARS. « Les fonctions proposées par Prodige et Géoclip répondent à la majorité des demandes, constate Xavier Vitry. Il est possible d’importer ses propres fichiers Excel, ce qui est particulièrement facile et très apprécié sous Géoclip qui est devenu un véritable outil de cartographie statistique pour les agences. » Avec l’aide d’Alkante, certaines fonctions de Prodige ont été étendues pour répondre aux attentes d’AtlaSanté, comme les projections multiples, nécessaires pour intégrer les collectivités d’outre-mer.

La prochaine version d’AtlaSanté absorbera Cart@Santé, qui avait été monté en 2004 par l’URCAM sous Géoclip pour porter à connaissance la consommation de soins de premier recours et la production de soins (nombre d’actes réalisés, distances parcourues…). Sa version pro fournit une assistance aux professionnels de santé qui souhaitent s’installer. Après avoir choisi leur localisation, ils construisent rapidement une étude de marché (potentiel de population, concurrence…).

Pour mieux cerner les disparités dans l’accès aux centres de dialyse en Bourgogne, l’Agence de biomédecine a testé différents modèles gravitaires, qui prennent en compte le nombre de postes disponibles.

Pour mieux cerner les disparités dans l’accès aux centres de dialyse en Bourgogne, l’Agence de biomédecine a testé différents modèles gravitaires, qui prennent en compte le nombre de postes disponibles.

Nouveaux outils, nouveaux besoins…

Si les données produites par le système de santé ont leur propre granularité, nécessairement limitée pour respecter l’anonymat des patients, elles bénéficient de bases géographiques de plus en plus précises. Ainsi, de nouvelles problématiques peuvent être abordées. « Nos patients habitent quelque part. Il est important de comprendre nos zones de chalandise, nos bassins de recrutement, pour voir quelles actions mener avec les médecins traitants par exemple, car il ne faut pas oublier que plus de la moitié des patients viennent dans le cadre d’actions programmées, orientés par leurs médecins ou des spécialistes » explique Arnaud Hansske, directeur de l’information médicale (médecin DIM) au groupement des hôpitaux de l’Institut catholique de Lille. « Parmi les nouveaux sujets que nous devons creuser, ajoute Olivier Lacoste, directeur de l’ORS Nord – Pas-de-Calais, il y a les mobilités et leurs conséquences sur les réseaux de soins. En effet, la zone d’attractivité d’un hôpital ne peut plus seulement se calculer par rapport à la population résidente. » Trouver le bon maillage territorial, au-delà des bassins de vie largement utilisés, est l’un des enjeux des prochains plans régionaux santé environnement. L’Agence de biomédecine s’est également saisie du sujet « transport » et propose une solution de webmapping aux professionnels de santé et à ses partenaires, impliqués dans les opérations de greffes, afin de leur permettre de gagner du temps.

Si l’information géographique alimente de nombreuses études, elle doit désormais servir des besoins plus opérationnels. Ainsi, les trois mille établissements de santé (hôpitaux et cliniques) qui sont en première ligne dans la constitution du PMSI, sont également consommateurs d’information géographique. Leurs contraintes de gestion sont énormes dans la mesure où leur budget est directement lié aux actes qu’ils pratiquent. « Les services d’urgence, le développement des hospitalisations à domicile… sont deux secteurs où les analyses géographiques sont la clé de l’optimisation des ressources et des tournées des intervenants » insiste Arnaud Hansske. Mais comment faire entrer la géomatique alors qu’il y a déjà plus d’une centaine d’applications dans chaque établissement, certaines fonctionnant 24h/24 ? Une solution comme Cartes & Données d’Articque est appréciée, d’autant plus qu’elle se couple désormais aux systèmes décisionnels (Articque Map for QlikView). Si les médecins DIM sont peu formés à la géomatique, la statistique ne leur fait pas peur. « Comme nous sommes dans un milieu assez politisé avec beaucoup d’enjeux et beaucoup de réunions, les décideurs que sont les médecins et les directeurs d’hôpitaux veulent être en prise avec les données, ils veulent pouvoir les triturer sur leur tablette en réunion. Les outils d’analyse sont des armes. Quand il est question de fermer une maternité, les isochrones deviennent très importants » analyse Éric Mauvière, fondateur d’EMC3, l’éditeur de Géoclip.

Une communauté émerge mais elle a encore du mal à se développer

Malgré les enjeux politiques forts et des situations locales toutes particulières, une sphère de réflexion commune semble émerger. Les travaux des uns sont connus des autres, les rapprochements sont nombreux et passent parfois par des locaux communs (ARS, ORS, antennes de l’InVS…). Les outils partagés comme C@rtoSanté et AtlaSanté entrent dans le quotidien des services. D’autres sont en développement. C’est par exemple le cas pour le géocodeur développé par l’ARS de Picardie. L’IRDES et l’Agence de biomédecine travaillent pour leur part sur un distancier exploitant la BD Topo.

 

  • ARS : Les agences régionales de santé ont pour mission d’assurer le pilotage d’ensemble du système de santé à l’échelle régionale. Elles sont responsables de la sécurité sanitaire, des actions de prévention, de l’organisation de l’offre de soins, y compris dans les structures d’accueil des personnes âgées ou handicapées. Elles ont été créées dans le cadre de la loi de 2009 et regroupent plusieurs anciennes structures (ARH, DRASS, DDASS mais aussi URCAM, une partie des CRAM…).

À lire également dans ce dossier :

 

12/02/2016 : Pour aller plus loin
Anne Quesnel, docteur en géographie spécialisée en analyse spatiale et modélisation de la santé, en fonction au CHRU de Lille, a participé activement à la rédaction de cet article. Elle est également l’initiatrice, la coordinatrice et l’une des co-auteurs d’un article « MED4000 : Géomatique en santé et applications dans le Nord de la France » paru en mars 2016 dans la revue Techniques de l’ingénieur, que nous avons pu consulter avant sa parution. Les autres co-auteurs sont François Dufossez (praticien hospitalier), Arnaud Hansske, Marc Souris (IRD) et David Delerue (Alicante). Deux autres articles seront également publiés dans cette revue dans les prochains mois sur « la géomatique en épidémiologie » et « la géomatique, santé animale et zoonoses ». De quoi suivre la progression de la géomatique dans le domaine de la santé.
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