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CaribeWave 2018 : Un tsunami peut en cacher un autre

| 13 mars 2018

Catégorie: CaribeWave2018, Données, Institutions, Logiciels, Matériel/GPS, Open Data, Reportages, Sécurité/défense, Utilisateurs

Caribewave2018 : Episode I

Toute la semaine, nous suivons l’équipe de Hackers Against Natural Disasters (HAND) qui participe à l’exercice mondial d’alerte tsunami dans les Caraïbes. Ce lundi, mise en contexte.

Ne vous y trompez pas ! Le vrai tsunami n’est pas celui qui va être simulé ce jeudi 15 mars 2018 dans le cadre de l’exercice mondial d’alerte CaribeWave. Le vrai tsunami, c’est cette bande de « hackers against natural disasters » (HAND) qui participent à l’exercice. Ils ne sont pas nombreux mais rapides, et ils ont bien l’intention de changer en profondeur le paysage de la Guadeloupe. Rassurez-vous, il n’y aura pas de victimes, hormis de nombreux paquets de café.

Une cartographie des tsunamis qui ont eu lieu dans la zone caraïbe entre 1493 et 2013

Une cartographie des tsunamis qui ont eu lieu dans la zone caraïbe entre 1493 et 2013

Des ondes venues de loin

« La première fois qu’on a participé à l’exercice, c’était en 2011 » se rappelle Gaël Musquet, le fondateur de HAND, alors président d’OpenStreetMap France. Depuis le séisme en Haïti, la communauté OSM a montré sa capacité à se mobiliser et à produire en urgence de l’information géographique utile. Une nouveauté qui n’a pas échappé aux équipes de l’UNESCO qui organisent alors CaribeWave pour la première fois. Cahier d’exercices en main, une poignée de contributeurs OSM et de développeurs se réunissent un après-midi à La Cantine. Ils utilisent la plateforme Ushaïdi pour créer un faux événement, puis font remonter des messages fictifs sur Twitter. La démonstration est réussie. Elle sera reprise et approfondie les trois années suivantes, mais reste peu visible et totalement ignorée des services de l’État. En 2015, l’équipe décide de faire l’exercice in-situ et embarque pour la Guadeloupe, terre d’origine de Gaël. « Il fallait montrer que nous pouvions être opérationnels » explique Jean Karinthi, qui accompagne l’aventure depuis le début. Elle y retrouve les anciens copains d’école de Gaël qui ont fondé le FabLab de Jarry et rencontre la communauté Linux de l’île. Une liaison d’urgence à haut débit, alimentée par une simple batterie, est réalisée avec La Désirade. La petite île est détaillée sur OSM grâce à une carto-partie. En 2016, une campagne de financement participatif sur Ulule, réunit 33 000 euros et une délégation de douze personnes fait le déplacement. Cette fois-ci, sous l’égide de HAND nouvellement créé, l’équipe s’installe dans un gîte à Marie-Galante : un endroit haut et isolé, un vrai cas d’école pour imaginer comment réagir en cas de catastrophe. Du matériel est acheté, les dronistes d’Aeromapper créent une orthophotographie des parties basses de l’île et génèrent un modèle numérique de surface qui permet d’améliorer les modèles scientifiques de pénétration de la vague. Un capteur sismique et un marégraphe sont fabriqués. En 2017, la Caisse d’Épargne de Provence-Alpes-Corse et OSM financent la délégation qui travaille une fois de plus sur les télécommunications, conçoit un drone maritime, une application pour trouver des points refuges, l’équipe capte les signaux des balises AIS des bateaux, améliore la carte OSM. Une aventure suivie au jour le jour par Camille Gévaudan et publiée dans Libération. « Nous avons été invité à prendre la parole dans des conférences, on a commencé à nous connaître, » se réjouit Gaël Musquet.

Un séisme sous-terrain

En septembre 2017, ce n’est pas à proprement parlé un séisme sous-terrain qui déclenche un tsunami, c’est un ouragan de catégorie 5 qui frappe les Antilles. Saint-Martin est durement touché mais ce n’est pas la seule île, loin de là. Et les services de L’État ont bien du mal à faire face. C’est le black-out, les infrastructures électriques ne tiennent pas, les télécommunications suivent rapidement. En deux jours, le FabLab de Jarry se mobilise. HAND envoie 200 kg de matériel dont des panneaux solaires offerts par un fabricant de Béziers. Télécoms Sans Frontières fait parvenir une kit satellite. Les bénévoles du FabLab peuvent alors intervenir à la Dominique et à Saint-Martin. « Ce fut le véritable baptême du feu, nous avons pris conscience de ce que nous avions construit, techniquement mais surtout humainement, » se félicite le fondateur de HAND.
Irma fût un véritable séisme pour les services de L’État, qui ont pris conscience de leur impréparation et de leur fragilité. « Aujourd’hui, lors d’une crise majeure, dès que les secours arrivent, les gens ne demandent pas de l’eau, mais les moyens de prévenir leur famille, de retrouver leurs proches » insiste Gilles Martin, le fondateur de VISOV. Désormais, HAND et le FabLab sont invités à discuter avec les services de l’État en charge de la crise. Le regard a changé, mais Gaël Musquet craint toujours que la tension ne retombe. « Mal utilisé, le numérique créé du chaos supplémentaire en propageant de fausses nouvelles. Bien utilisé, c’est un outil essentiel, mais ça se prépare, » conclut Gaël Musquet.

La délégation HAND 2018

La délégation HAND 2018

Cette édition de CaribeWave s’annonce donc un peu différente et jeudi, c’est un véritable show room des réalisations de la semaine qu’il faudra présenter. Cartographie, orthophotographie détaillée sur une grande partie du territoire, télécommunications résilientes, tests d’envoi d’informations médicales, tableau de bord cartographique rassemblant l’ensemble des données accessibles, dont le transport aérien et maritime en temps réel… il y a encore beaucoup à faire d’ici jeudi 10h.

Un milieu liquide

La propagation des ondes du tsunami HAND s’appuie sur un milieu fluide, motivé mais qui laisse à chacun le soin d’y inscrire son parcours. Ici, pas de grands discours si ce n’est le souhait d’éviter des morts en cas de catastrophe, car chacun sait que la catastrophe va arriver. L’aventure du FabLab se poursuit et elle accueille de plus en plus de monde. Lors de la conférence de presse organisée samedi dernier au Spot de Jarry, un espace de co-working, plus de quarante personnes étaient présentes, prêtes à s’impliquer pour déployer des solutions technologiques originales. Les bénévoles du FabLab vont participer aux exercices communaux à la Désirade, et se brancher sur une plateforme de modélisation de la vague, développée à l’université de Montpellier. Un petit réseau WiFi local sera mise en place. Depuis le FabLab, certains vont montrer aux curieux comment modifier une ampoule pour fonctionner en courant continu et transformer un moteur de four à micro-ondes en générateur. Les étudiants de l’École informatique Simplon de Marie-Galante sont également impliqués. Les différentes équipes de la délégation HAND leur présentent ce qu’elles font, ils font leurs premiers pas en tant que radioamateurs ou contributeurs OSM, ils sont invités à participer à la finalisation du tableau de bord tactique… et les plus motivés pourront même venir faire un tour à la Station F à Paris afin de participer au Hackathon organisé par l’Agence nationale des fréquences (ANFR) en juin sur les communications d’urgence.

Conférence de presse et briefing de CaribeWave 2018 au Spot de Jarry

Conférence de presse et briefing de CaribeWave 2018 au Spot de Jarry

Une vague de grande hauteur

Cartographie, télécommunications, drones, développement open source… c’est le frottement de toutes ces communautés qui créé la vague de mobilisation. C’est une nouvelle façon d’agir qui émerge, où des citoyens mettent leurs compétences techniques au service d’une nouvelle façon de se préparer et d’agir en temps de crise, complémentaire des services de l’État. La résilience est à ce prix.

 

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