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Du passé, faisons table pleine

| 8 septembre 2016 | 0 commentaire

Catégorie: Cartographie, Portraits

 

Jean-Yves Sarazin est décédé le 04 septembre 2016, après des mois de lutte contre la maladie. Ceux qui l’ont connu, dont je fais partie, l’ont beaucoup apprécié. Je me souviendrai longtemps de nos échanges autour des portulans… Voici son portrait, que nous avions publié en décembre 2012.

 

142-jean-yves-sarazinJean-Yves Sarazin aime les cartes, c’est indéniable. Intarissable pour présenter les différentes écoles de cartographie, pour raconter, cartes à l’appui, les grandes explorations, pour repérer tel ou tel détail original. Cet amour, il le clame d’ailleurs au grand jour, grâce à l’exposition sur l’âge d’or des cartes marines, dont il a dirigé l’organisation, en tant que directeur du département des cartes et plans de la Bibliothèque nationale de France. Mais à ses yeux, ce passé n’est pas assez utilisé au présent.

C’est dans les livres de Decaux et Castelot que Jean-Yves Sarazin, issu d’un milieu modeste, a découvert l’Histoire avec un grand H. Ces grands récits historiques étaient les livres préférés de sa mère. « Pour moi, faire de l’Histoire était une évidence, même si j’ai découvert rapidement que la discipline ne se résumait pas à la vie des rois et des reines » avoue-t-il. Mais heureusement, il a aussi eu de bons professeurs de géographie et c’est donc naturellement qu’il a fait un double cursus en histoire et géographie dans ses premières années universitaires.

Pas d’histoire sans géographie

Alors qu’il se destinait à une carrière de professeur, il rencontre une femme qui le stoppe dans son élan. « Elle m’a dit que je n’étais pas fait pour être enseignant. Je suis certes un vulgarisateur et j’y prends un grand plaisir mais j’aurais été un piètre pédagogue. C’est elle qui m’a dirigé vers l’École des chartes. » Nous sommes alors en 1992 et Jack Lang, alors ministre la Culture, a mis en place un concours parallèle, afin d’élargir le spectre social de l’école. « Nous étions une trentaine de postulants pour trois postes. J’ai été pris. À cette époque, je ne connaissais pas les cartes et plans, je ne savais même pas que le département existait. » On lui conseille pourtant d’aller le visiter et il y est reçu par Monique Pelletier, alors directrice. « Nous étions au début de l’année 1995, elle m’a accueilli gentiment, m’a présenté ses collaborateurs. Le département m’a tout de suite plu. Peu de temps après un poste s’est ouvert, j’ai naturellement postulé et j’ai été pris. »

Détour par la restauration

L’histoire aurait pu continuer en ligne droite, mais Jean-Yves Sarazin aime aussi dessiner des détours et des méandres sur la carte de son existence, il apprécie de changer de cap. Il quitte le département des cartes et plans en 2005, alors sous la responsabilité d’Hélène Richard, pour prendre la direction du service de la restauration sur le site de Richelieu, en charge de tous les documents, manuscrits ou imprimés. Il y apprend beaucoup et y fait ses armes de manager. « En 2009, quand Hélène Richard, m’a annoncé qu’elle partait, je n’ai pas réfléchi et je me suis présenté, ce que je n’aurais pas pu faire si j’étais resté dans le département. »

Le voilà ainsi à la tête d’un million de documents, qui vont devoir déménager dans les prochaines années, le temps que le site de Richelieu soit refait de fond en comble. Et à pied d’œuvre pour mettre en place une exposition exceptionnelle, décidée du temps d’Hélène Richard, qui a d’ailleurs participé activement à son montage, malgré sa retraite.

Pas simple de se rapprocher des cartographes contemporains

« J’ai toujours été fasciné par les cartes. Et je pense que nous sommes de plus en plus nombreux car il y a maintenant un rapport quotidien à la carte, à travers nos smartphones et compagnie. » Pourtant, Jean-Yves Sarazin regrette que cette fascination populaire n’amène pas plus de visiteurs au département des cartes et plans.

« Je ne suis pas sûr qu’il y ait une véritable continuité entre les cartes anciennes et la géomatique. En tout cas, ce sont deux cultures très différentes. Du coup nos ressources sont sous-exploités par les professionnels que sont les géographes, qu’on ne voit plus, ou les cartographes que l’on ne voit jamais. Nous sommes le seul département qui n’attire pas ses professionnels. Le département des arts du spectacle attire les professionnels du spectacle vivant. Le département musique attire les musiciens, les compositeurs… Les professionnels de la carte ne viennent pas nous voir. Seuls viennent les architectes, les universitaires… Alors qu’il y a des leçons à apprendre des cartes anciennes. »

Isolé sur le site de la rue de Richelieu, auprès des estampes, il a peur que son département ne devienne un musée de la carte. La dimension artistique est certes importante, mais elle ne concerne qu’un petit nombre de documents par rapport à la masse des cartes gérées par la BNF. « Nos fonds sont assez méconnus. Nous avons beaucoup de documents techniques et thématiques, telles que les cartes du SHOM. » À l’heure d’Internet et des scanners, « venir » ne veut pas forcément dire se déplacer en salle de lecture. Et Jean-Yves Sarazin et son équipe savent aussi répondre aux sollicitations par mail ! Avis aux amateurs.

 

Encadré

Globe de Martin Behaim (1459-1507) Nuremberg, 1492. Plâtre peint. Fac-similé de 1847 BnF, département des Cartes et Plans, CPL GE A 276 (RES). Cartographe à Nuremberg, Martin Behaim partage avec Christophe Colomb la même conviction d'une voie océane permettant de gagner l'Asie. Entre 1484 et 1490, il séjourne à Lisbonne et navigue pour le compte du roi du Portugal. L'année même où Colomb s'élance vers le Nouveau monde, Behaim compose ce globe terrestre qui est la plus ancienne sphère occidentale conservée. Toute la nomenclature provient de Marco Polo à qui Colomb fera lui aussi une confiance exagérée. Avec ses inexactitudes, ce globe traduit les certitudes et les espérances des milieux maritimes portugais.

Globe de Martin Behaim (1459-1507) Nuremberg, 1492. Plâtre peint. Fac-similé de 1847 BnF, département des Cartes et Plans, CPL GE A 276 (RES).
Cartographe à Nuremberg, Martin Behaim partage avec Christophe Colomb la même conviction d’une voie océane permettant de gagner l’Asie. Entre 1484 et 1490, il séjourne à Lisbonne et navigue pour le compte du roi du Portugal. L’année même où Colomb s’élance vers le Nouveau monde, Behaim compose ce globe terrestre qui est la plus ancienne sphère occidentale conservée. Toute la nomenclature provient de Marco Polo à qui Colomb fera lui aussi une confiance exagérée. Avec ses inexactitudes, ce globe traduit les certitudes et les espérances des milieux maritimes portugais.

L’exposition « L’âge d’or des cartes marines » a été montée par une petite équipe de quatre personnes pendant deux ans. Elle donne un coup de projecteur sur un patrimoine rarement mis en avant. Elle a coûté environ 450 000 euros (catalogue inclus), ce qui représente un budget moyen pour une telle exposition. Esri France a participé à son financement. Malheureusement pour celles et ceux qui ne pourront pas la voir, ce n’est pas une exposition qui circulera, car elle pose trop de problèmes de conservation de documents. Reste l’exposition virtuelle http://expositions.bnf.fr/marine/

 

 

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