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Galileo haute précision pour tous ?

| 9 avril 2018

Catégorie: Matériel/GPS, Reportages, Satellite/Spatial

En début d’année, dans le cadre du comité de programme Galileo, les États membres de l’Union Européenne ont décidé que le service de haute précision de Galileo serait gratuit et ouvert. Ainsi, en 2020, chacun d’entre nous, avec une puce GNSS de base, pourra se localiser à une vingtaine de centimètres près. Vraiment ?

©CNES/ESA

Galileo à 20 cm gratuit ? La nouvelle est réjouissante et certainement inspirée par les enjeux autour des véhicules autonomes. Elle vise également le grand public et lui permettra peut-être d’apprécier la constellation européenne en cours de déploiement, qui a plus défrayé la chronique pour ses retards que pour ses performances. Un enjeu non négligeable quand chacun bénéficie d’applications géolocalisées de plus en plus présentes et précises, surtout depuis que les données brutes des puces GNSS et des accéléromètres de nos smartphones sont accessibles aux développeurs.

Mais la décision est complexe à mettre en place, car cette augmentation de la précision ne peut se faire sans technique complémentaire. Il ne s’agit pas ici d’annuler un brouillage du signal qui introduisait des mesures aléatoires comme lorsque les Américains ont supprimé la Selective Ability du GPS en 2000, faisant passer la précision de plusieurs dizaines de mètres à moins de deux mètres. Il s’agit de renforcer les performances de localisation du récepteur de l’utilisateur en lui apportant des informations complémentaires sur les différentes sources d’erreurs affectant ses mesures. Quelle technologie sera choisie par l’Europe ?

Crédit Infographie – Galileo, un bond pour la constellation ! Crédits : CNES 2016. Création : nun {atelier de design graphique} Licence CC BY-NC-SA 3.0

Crédit Infographie – Galileo, un bond pour la constellation ! Crédits : CNES 2016.
Création : nun {atelier de design graphique} Licence CC BY-NC-SA 3.0

RTK ?

Dans ce domaine, plusieurs techniques sont possibles et déjà exploitées avec les constellations GPS, Beidou et Glonass. La plus connue, le RTK, exploite une station fixe de référence installée pour l’occasion, ou faisant partie d’un réseau préétabli (Orphéon ou TERIA en France par exemple). Grâce à une communication Internet mobile, votre récepteur GNSS reçoit les données d’une ou plusieurs stations GNSS permanentes parfaitement géolocalisées afin de prendre en compte les erreurs affectant votre zone de mesure. Un système qui fonctionne très bien mais qui nécessite d’avoir une ou plusieurs stations permanentes à moins de 30 km de votre récepteur.

Ou PPP ?

L’autre approche est le PPP, alias Positionnement Ponctuel Précis. Il consiste à modéliser et estimer toutes les erreurs affectant l’équation de mesure GNSS, à savoir les erreurs d’orbites et d’horloges satellites, celles liées à l’atmosphère et au récepteur lui-même. Le CNES a déposé plusieurs brevets et conçu des algorithmes qui sont aujourd’hui exploités par Géoflex. « Quand on fournit des corrections différentielles (RTK-NRTK), explique Romain Legros, directeur général de Géoflex, on ne fait pas la part des choses entre les différentes erreurs affectant les mesures GNSS. La station fixe permet de modéliser leur résultante globale pour l’appliquer au récepteur mobile évoluant à son voisinage. Avec le PPP consistant à estimer intrinsèquement chaque erreur, il est possible de se concentrer uniquement sur celles qui sont dépendantes des satellites eux-mêmes, liées à leurs orbites, horloges et biais d’électronique. Quand nous diffusons ces données « satellites dépendantes » aux utilisateurs, c’est-à-dire tous ceux qui utilisent le même satellite, quelle que soit la position du récepteur dans le monde, les puces peuvent alors mieux synchroniser leurs mesures. De cette façon, nous atteignons une précision de l’ordre de 4 cm pour 95 % des mesures partout dans le monde, sans autre infrastructure au sol qu’une centaine de stations GNSS permanentes, et surtout sans notion de distance entre le récepteur et les stations. » Les observations du réseau de stations permanentes sont remontées en temps réel vers deux centres de calculs redondants, en Europe et en Amérique du Nord. Les utilisateurs accèdent alors aux corrections en temps réel via une communication Internet mobile.

Il y a cependant un temps de convergence d’une trentaine de minutes pour atteindre une précision centimétrique, le temps pour le récepteur d’estimer statistiquement les erreurs d’atmosphère affectant ses mesures ainsi que ses erreurs d’horloges, « Un temps qui peut être réduit par l’exploitation de stations GNSS fixes permettant d’envoyer un estimateur de ces erreurs sur la zone afin de partir de moins loin dans l’estimation, » complète Romain Legros. Géoflex travaille actuellement avec des acteurs du monde agricole, maritime, mais également avec la SNCF et les constructeurs automobiles pour fournir des services de positionnement de haute précision.

Aujourd’hui, seuls les récepteurs GNSS bi-fréquences accèdent à des corrections différentielles (RTK/NRTK) ou PPP pour atteindre un niveau de précision centimétrique. Demain, l’enjeu est également de permettre aux puces GNSS monofréquences de nos Smartphones d’accéder à une précision décimétrique pour massifier les usages. « En ce moment, nous travaillons sur la partie mobile. Comment mettre plus d’algorithmie au plus près du récepteur pour plus de qualité, la partie génération des corrections étant bien maîtrisée ? » précise Romain Legros. Géoflex diffuse ses corrections selon un format ouvert (RTCM3) et propose également des kits de développement logiciels et matériels… et espère bien qu’un fabricant de puces GNSS intégrera prochainement sa technologie, ce qui changera la donne.

Au-delà de l’annonce politique, beaucoup de chemin, technique et commercial reste à faire. Car les opérateurs privés devront revoir leur modèle économique et renoncer à une partie de leur marché, notamment pour les applications les moins exigeantes en termes de précision de localisation. À l’heure où nous écrivons, aucun appel d’offres n’a été émis pour sélectionner le ou les opérateurs qui fourniront en temps réel les corrections nécessaires. À suivre…

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