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Géovisualisations 3D : objets pluriels

| 17 février 2014 | 0 commentaire

Catégorie: 3D, Recherche, Reportages

Les géovisualisations 3D sont de plus en plus utilisées dans l’aménagement du territoire. Quel statut donner à ces images ? Est-il possible d’associer certains types de représentations à certains usages ? Dans sa thèse, Florence Jacquinod apporte des réponses originales, qui ouvrent des perspectives sur la façon de penser les représentations spatiales.

Exercice complexe et demandant beaucoup de persévérance que la thèse Florence Jacquinod, soutenue mi-janvier à l’université de Saint-Étienne. Sept ans de travail, deux contrats CIFRE, l’un avec une entreprise privée (GVA) et l’autre avec un service de l’État (la direction départementale des territoires de la Loire) ont permis à la chercheuse de recueillir de nombreux témoignages sur l’usage des représentations 3D dans l’aménagement du territoire.

Impossible classification

En tant qu’objets, les géovisualisations 3D (qu’elle définit comme des représentations numériques, géoréférencées, dont la troisième dimension représente l’altimétrie ou la hauteur des bâtiments) posent problème. Ceux qui ont tenté d’en évaluer l’efficacité n’arrivent pas à se mettre d’accord et les propositions de typologies (par niveau de réalisme ou de détail) ne résistent pas à l’examen des productions, qui associent plusieurs types d’éléments 3D (de simples blocs et des éléments modélisés dans leurs moindres détails cohabitent le plus souvent). Il y a pourtant urgence à évaluer l’apport de ces représentations spatiales dans l’aménagement du territoire, à l’heure où la plupart des SIG se dotent d’un module 3D et où l’offre désormais pléthorique rencontre une demande de plus en plus politique, même si les financements ne sont pas toujours au rendez-vous.

Les leçons de l’usage

Florence Jacquinod a choisi la voie de la recherche-action, s’impliquant à la fois dans la production des représentations, qui font qu’elle est aujourd’hui reconnue comme une professionnelle aguerrie de la 3D, et analysant les expérimentations par l’observation ethnographique des acteurs. La matière ne manque pas et elle est riche d’enseignements. Ainsi, des conseilleurs municipaux ne sont pas tous du même avis face à une même représentation de leur territoire et de ses projets. Bien perçue et symbolisant le dynamisme de la ville, rejetée en tant qu’opération « com » ou critiquée point par point mais permettant au final une meilleure appréciation de chaque projet… Toutes sortes de réactions ont été observées. Même complexité dans les choix effectués lors de la production. La chercheuse montre ainsi comment les modes de représentations (quel niveau de détail et de réalisme pour quel élément) sont choisis en fonction des objectifs à atteindre (faire comprendre le risque inondation par exemple).

Une géovisualisation 3D intègre des éléments provenant de différentes sources (CAO, DAO, SIG, bibliothèques d’objets, photos…) et présente souvent des modélisations plus ou moins détaillées selon les bâtiments. Cet extrait de Genève en 3D en est un bon exemple (© SITG)

Une géovisualisation 3D intègre des éléments provenant de différentes sources (CAO, DAO, SIG, bibliothèques d’objets, photos…) et présente souvent des modélisations plus ou moins détaillées selon les bâtiments. Cet extrait de Genève en 3D en est un bon exemple (© SITG)

Revoir la notion d’efficacité

Florence Jacquinod en tire une première conclusion : « La 3D n’existe pas. » Elle est par nature multiple, plurielle, recouvrant des cultures techniques hétérogènes. Comment dès lors penser l’efficacité de ces représentations ? La chercheuse propose d’explorer cette notion selon deux angles, l’efficacité interne (les choix de représentation) et l’efficacité externe (la capacité des représentations à influer sur le cours des choses, à faire passer une idée…). Dans ce dernier cas, tous les éléments permettant de caractériser la manipulation en contexte sont importants : l’explication de la géovisualisation présentée, le discours qui l’accompagne, le temps laissé à l’appropriation ainsi que le mode de manipulation proposé au public. Florence Jacquinod défend alors l’idée que les géovisualisations 3D doivent être considérées comme des objets intermédiaires, ou objets frontières, qui ne peuvent être compris quand dans le contexte de leur utilisation. Cette notion a été introduite par le sociologue Bruno Latour et reprise notamment par Dominique Vinck. Ainsi, celles et ceux qui attendaient une belle typologie permettant d’associer usages et modes de représentation en seront pour leurs frais. Florence Jacquinod s’y refuse car l’exercice serait vain et pourrait donner à croire qu’il suffit de maîtriser la nature de l’objet pour en maîtriser l’usage.

Elle n’en ouvre pas moins de nombreuses perspectives pour mieux comprendre les représentations spatiales dans l’action, pour développer une éthique qui ne se contente pas d’édicter des règles de contrôle des productions, et s’interroger, de façon plus globale, sur l’effet des images. Une position originale, exigeante, qui a retenu toute l’attention du jury qui lui a accordé une mention très honorable avec félicitations. Bravo !

 

  • Production, pratique et usages des géovisualisations 3D dans l’aménagement du territoire, thèse de géographie sous la direction de Thierry Joliveau soutenue par Florence Jacquinod le 16 janvier 2014 à l’université de Saint-Etienne.
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