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IDG : comment ne pas exploser en vol ?

| 15 janvier 2016 | 0 commentaire

Catégorie: Cartographie, Données, Environnement, IDG/IDS, INSPIRE, Institutions, Logiciels, Open Data, Reportages, Réseaux/Transports, Services, Utilisateurs

Les infrastructures de données géographiques (IDG) sont soumises à rude épreuve. Même si la loi NOTRe leur donne une nouvelle légitimité, elles doivent faire face à une recomposition de leurs partenariats et être capables de rendre service au plus petit EPCI tout en s’insérant dans les stratégies des grands opérateurs nationaux. Un exercice qui relève parfois de la haute voltige, comme semble l’expérimenter le CRIGE PACA.

Le comité technique du CRIGE : un moment privilégié d’échanges entre les pôles métiers et de rencontre avec les utilisateurs, venus des six coins de la région.

Le comité technique du CRIGE : un moment privilégié d’échanges entre les pôles métiers et de rencontre avec les utilisateurs, venus des six coins de la région.

Rétrospectivement, le monde des IDG régionales semblait simple autrefois. Il fallait certes être doté d’une âme de pèlerin pour arriver à convaincre une dizaine d’élus des bienfaits de la mutualisation, mais le cahier des charges était ensuite assez rudimentaire : région, État et départements n’avaient qu’à se mettre autour de la table pour faire leur chèque à l’IGN. La manne ainsi acquise profitait à l’ensemble des grandes collectivités, services déconcentrés de l’État, associations et établissements publics variés.

Dix ans plus tard, le monde des IDG est beaucoup plus complexe. Même si chaque région a ses spécificités, la situation du Centre régional de l’information géographique de Provence-Alpes-Côte-D’azur (CRIGE PACA) est emblématique à bien des égards, d’autant que ce dernier n’est pas perturbé par la recomposition territoriale des régions (juste par un changement de majorité politique, devrait-on ajouter).

Le succès n’a pas que des avantages

D’abord, la structure est un succès. Mille cinq cents organismes inscrits sur le géoportail régional, rassemblant environ trois mille cinq cents personnes, deux cent cinquante données cataloguées, deux cent soixante-dix cartes, près de vingt mille téléchargements depuis son ouverture, une équipe de huit personnes… Le CRIGE PACA est devenu incontournable. Dans le cadre du nouveau contrat de plan État/région, il est reconnu comme l’un des bras armés de la région en matière d’ingénierie territoriale au service du développement solidaire des territoires. Mais, comme le montrait l’évaluation approfondie menée en 2014 par Edater, ce succès ne doit pas occulter les nouvelles difficultés auquel il doit faire face : multiplication des acteurs compétents en information géographique allant jusqu’au grand public, multiplication des thèmes d’intérêt qui concernent de nombreux métiers, multiplication des échelles d’intervention qui sont de plus en plus détaillées.

À l’occasion de son comité technique consultatif organisé le 4 décembre dernier devant une centaine de personnes, le CRIGE a bien montré comment cette triple multiplication devait être prise en compte. Ainsi, une vingtaine de grands EPCI (métropoles, agglomérations) a été sollicitée pour participer au financement du CRIGE. « Treize ont répondu à l’appel, s’est félicitée Christine Archias la directrice du CRIGE, ils vont devoir désigner des élus pour être dans la gouvernance. En mai, la signature du contrat de plan nous a donné une visibilité sur nos actions à moyen terme, jusqu’en 2020. Nous poursuivons la stratégie menée depuis l’origine, notamment sur l’acquisition de référentiels. Mais désormais, tous les échelons du territoire ont un rôle à jouer pour améliorer la qualité des actions publiques.»

Alors, même l’acquisition de référentiels peut devenir un casse-tête. Il a fallu pas moins de cinq séances de comités techniques exceptionnels pour définir une stratégie d’acquisition d’orthophotographies régionales. Un portage départemental, une résolution de base de 20 cm… jusque-là, rien que du classique. Mais si des zooms sont rajoutés à 10 cm de résolution sur les zones urbaines ou à enjeux, si la licence est étendue pour une publication en open data… l’addition monte vite (les tarifs annoncés sont de 200 €/km2 à 10 cm) et les financeurs risquent de manquer.

Données métiers : éloge de la lenteur

Produire des données métiers ? C’est sans doute là que se joue l’âme profonde des IDG. Car c’est cet exercice long et parfois douloureux qui permet aux organismes participants de se connaître et de mettre en pratique la collaboration. Les initiatives foisonnent. Aujourd’hui, l’animation des pôles métiers par le CRIGE mobilise deux personnes à plein-temps, « sans compter tout le travail effectué par les animateurs de pôles et par ceux qui participent aux différents groupes de travail » rappelle Romain Buchaut du CRIGE, qui suit plusieurs de ces pôles. Définir concrètement un projet commun peut prendre plusieurs années. Il a par exemple fallu quatre ans pour mettre autour de la table les acteurs publics et économiques de la forêt afin de définir les spécifications d’une base de données des dessertes forestières (recueil des besoins, recensement des données existantes, définition de la notion de desserte forestière en fonction des usages… ). C’est à partir d’une initiative des géomaticiens des Alpes-du-Sud datant de 2008 qu’ont pu émerger des modèles de données et des exemples de cahiers des charges techniques pour les données sur les réseaux (assainissement, eau potable, mais également éclairage public…). Quant au projet de base de données sur les équipements publics et les établissements recevant du public (ERP), il remonte à 2006. Sur ce dernier sujet, la constitution d’une base régionale démarre à peine même si la nomenclature élaborée par le pôle métier est exploitée depuis longtemps.

Trop de données produites dans les pôles métiers ne sont pas suffisamment connues, valorisées et utilisées... d’où l’intégration de blogs qui seront mieux mis en avant dans le futur portail du CRIGE.

Trop de données produites dans les pôles métiers ne sont pas suffisamment connues, valorisées et utilisées… d’où l’intégration de blogs qui seront mieux mis en avant dans le futur portail du CRIGE.

Quand le régional se frotte au national

Cette lente maturation doit faire face à de nouveaux projets, émanant en cours de route d’autres structures et pas forcément pleinement compatibles. Ainsi, la démarche construite patiemment par le pôle urbanisme et soutenue par la région autour des bases d’occupation du sol à grande échelle se frotte aujourd’hui au projet de l’IGN. Naturellement, la nomenclature régionale a été construite autour de Corine Land Cover, référence incontournable à l’époque. Désormais, elle se trouve en contradiction avec celle de l’IGN, INSPIRO-compatible, mais à peine sortie des cartons. « L’occupation du sol nationale n’est pas notre priorité, résume Christine Archias, mais nous travaillons à évaluer les efforts à fournir pour évoluer vers ce standard. »

Mobilisées tôt sur certaines problématiques, les régions doivent faire face aux initiatives nationales qui se multiplient. Occupation du sol, adresses, équipements publics, hydrologie, orthophotographies à très haute résolution… sur tous ces sujets le CRIGE PACA doit composer avec l’IGN. Une situation qui peut accélérer certains projets et en ralentir d’autres. Ainsi, la région accueille l’un des quatre sites pilotes nationaux d’expérimentation de la BD Topage. L’IGN a produit la base sur le bassin de l’Argens (2 700 km2, soit 70 % du département du Var) que les participants du pôle métier vont tester. Un rapport d‘analyse sera remis à l’IGN fin janvier. Côté desserte forestière, le groupe de travail s’est naturellement inséré dans la réflexion menée par l’IGN et le FCBA et des tests d’appariement sur la BD Topo ont été effectués. Côté outil de saisie et de consolidation, le travail régional a été mené avec le Languedoc-Roussillon et l’association pyrénéenne pour l’économie de montagne qui disposaient déjà d’un outil. Une expérience pilote sera menée dans les Alpes-de-Haute-Provence en partenariat avec l’IGN, qui permettra d’évaluer l’opérationnalité du projet, pour constituer au moins un socle de base. Mais l’approche économique reste à définir.

La mobilisation du pôle métier Eau va permettre une analyse complète de la BD Topage sur le bassin versant de l’Argens dans le Var car les incohérences entre la BD Carthage et la BD Topo sont nombreuses (extrait présentation du 10 septembre 2015 du groupe de travail)

La mobilisation du pôle métier Eau va permettre une analyse complète de la BD Topage sur le bassin versant de l’Argens dans le Var car les incohérences entre la BD Carthage et la BD Topo sont nombreuses (extrait présentation du 10 septembre 2015 du groupe de travail)

Sur un même sujet, plusieurs initiatives régionales, locales et nationales peuvent coexister. C’est par exemple le cas en hydrologie. Construire un référentiel sans prendre en compte l’hydraulique agricole dans une région où l’irrigation est très prégnante ne semble pas très raisonnable, mais les pôles métiers eau et agriculture communiquent peu. Certaines informations des bases d’occupation du sol sont également à intégrer. D’autant plus que ces démarches doivent également être menées en cohérence avec la cartographie des cours d’eau réalisée par les DDT et avec la BD Topage. S’assurer que ces démarches s’enrichissent les unes les autres, qu’un modèle national sera complété par une approche régionale, semble plus facile à dire qu’à faire !

Aujourd’hui, les projets doivent aussi s’ouvrir à de nouveaux publics, via des plateformes plus collaboratives. Pour construire une base des équipements et des établissements accueillant du public, les acteurs régionaux comme l’IGN comptent sur les contributions « citoyennes » ou communautaires. Idem pour les dessertes forestières qui peuvent à terme bénéficier des apports de toutes sortes d’associations. Mais il va falloir éviter de multiplier les plateformes, une situation qui pèse également sur le projet de base nationale d’adresses.

 

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