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L’impact des mesures de confinement : les leçons d’une étude américaine

Catégorie: A l'actu, Cartographie, Données, Entreprises

Par Thierry Rousselin, consultant GEOINT

Quelles sources de données sont mobilisables pour comprendre l’impact des mesures de confinement ? Une analyse publiée dans le New York Times permet de rappeler que la géolocalisation des téléphones portables ne fait pas tout.

L’impact des consignes des institutions est une préoccupation essentielle pour apprécier la propagation spatiale de la pandémie et pour estimer les meilleures options de sortie de crise. À côté des multiples cartographies sur la progression du COVID-19, certains travaux se concentrent sur le comportement des populations (distanciation sociale, confinement, quarantaine…). Décryptagéo avait déjà mis en avant les travaux d’Unacast et le récit cartographique de l’universitaire John Nelson qui propose un index de vulnérabilité sociale. Le 2 avril, le New York Times a publié un long article intitulé « Where America Didn’t Stay Home Even as the Virus Spread  ». Cet article s’appuyant sur les travaux de Cuebiq, c’est une opportunité de comprendre les ressorts de ce type d’analyses : Quelles sources sont en jeu ? Comment sont-elles traitées ? Quelle est la précision et la représentativité des résultats et partant, quelle confiance peut-on leur accorder ?… Hormis de constater une fois de plus que Donald Trump est un idiot… mais qu’il n’est pas tout seul.

impact confinement

L’une des cartes publiées par le New York Times qui montre une baisse des mobilités très contrastée aux États-Unis pendant la pandémie de Coronavirus

On a d’abord vu des chiffres sur les mouvements de population liés aux décisions de confinement. En France, le directeur de l’AP-HP a indiqué le 20 mars que 17 % des parisiens avaient quitté la ville dans les 2 jours précédant le confinement, en se basant sur la baisse de la consommation électrique parisienne (Linky mon amour !) et sur la baisse de la production de déchets ménagers. De façon assez surprenante, Orange, en analysant statistiquement les données de bornage téléphonique, sur une période différente (du 13 au 20 mars), est arrivé le 26 Mars au même chiffre de 17 %. Des chiffres de même nature ont été publiés concernant les « New-Yorkers Fleeing the City ». Ces déclarations ont déclenché des polémiques mélangeant largement informations de géolocalisation des téléphones, statistiques de consommation et exploitation de multiples données générées par l’Internet des Objets (dont toutes celles actives dans les smartphones). Le Canard Enchainé a d’ailleurs commenté ironiquement le 25 mars sur « un exode viral un peu téléphoné ».

Accumulation de sources

Les applications proposées par Unacast et Cuebiq permettent de mieux comprendre comment il est possible d’arriver à des mesures fiables… sans obligatoirement utiliser la localisation des portables.

Ces travaux portent sur les États-Unis et ne sont pas directement transposables à la France : législation différente sur l’utilisation des données personnelles, découpage différent des indicateurs statistiques administratifs et de consommation, mais surtout décisions sur les démarches de distanciation sociale laissées à l’appréciation des gouverneurs d’États, voire des Comtés ou des municipalités.

 

Le tableau de bord Cuebiq

Et c’est ce qui est passionnant dans l’étude Cuebiq. Sachant qu’il y a eu des dizaines de décisions prises à des dates différentes, elle analyse quand et comment les citoyens les ont appliquées ? Alors comment Cuebiq et Unacast font-ils ? Ces deux entreprises de marketing ont développé des outils pour suivre les consommateurs. Ils placent des SDK dans les apps que vous téléchargez sur votre smartphone (oui, votre appli météo ou votre jeu préféré). Et c’est leur source clé pour vous localiser : « Our preferred data source is the Unacast SDK  » ; « Our Measurement solution helps you identify whether or not your cross-channel advertising is generating incremental store visits ». Cela signifie-t-il qu’ils ne s’intéressent pas à la localisation de votre portable ? Bien au contraire. Ils s’intéressent… à tout : à vos habitudes de consommation et à la manière dont elles sont perturbées par la situation actuelle ; à votre usage de la voiture (rappelons que les Américains utilisent leur voiture pour tout déplacement de plus de 10 mètres). Et ce sont ces données, accumulées sur une longue période et qualifiées progressivement qui permettent d’être aussi précis en période de crise.

Parler de géolocalisation, c’est plus facile

Alors évidemment quand on veut expliquer de façon simpliste, c’est plus rapide de parler de « géolocalisation de portables ». Mais s’il y a un enseignement à tirer des développements « GEOINT » de ces 10 dernières années, c’est bien que la source mise en avant n’est jamais la source unique (et heureusement), que les processus d’analyse sont toujours plus complexes que ce que le discours public affiche, mais que la source mise en avant est le plus souvent la plus facilement compréhensible, la plus acceptable socialement… ou la plus légale.

Mais il y a également une leçon positive. Quand les data sont bonnes, les journalistes (même confinés à Manhattan) peuvent faire leur métier. Lisez « Location Data Says it All : Staying at Home During Coronavirus Is a Luxury  », la story que le New York Times a publié le 3 avril à partir de l’exploitation des données Cuebiq. Du journalisme, du vrai.

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