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La cartographie participative en question

Catégorie: Cartographie, Données, Grand public, Institutions, Recherche, Reportages, Secteur public

Geoweb et démocratisation des outils d’un côté, injonction participative de l’autre… tout est en place pour faire de la carte un outil puissant au service des habitants, citoyens, minorités, associations, bref de tous ceux qui veulent faire entendre leur voix. Est-ce si sûr et si simple ? Les chercheurs s’interrogent et proposent deux séries d’articles qui bousculent les idées reçues, même les plus récentes.

En quelques décennies, sommes-nous passés de la carte objective réalisée par des autorités reconnues et expertes à la carte pour tous et par tous ou plutôt pour chacun et par chacun ? « On doit éviter tout jugement manichéen sur une cartographie alternative qui serait par essence démocratique et émancipatrice face à une cartographie d’agences gouvernementales, vecteur de domination et de manipulation » rappelle Gilles Palsky, professeur à l’université de Paris-1. Le sujet n’en mérite pas moins d’attention, tant les nouveaux processus de fabrication de la carte, souvent liés au numérique, bousculent les métiers traditionnels de la cartographie, mais également de l’aménagement, de l’urbanisme, de l’environnement, etc. Deux recueils d’articles scientifiques, issus de séminaires tenus en 2012 et 2013, aident à apprécier plus finement l’impact des processus participatifs dans la fabrique de la ville (Cahier Ramau 6 sous la direction de Véronique Biau, Michael Fenker et Elise Macaire) et dans celle de la carte (volume 77 de L’Information géographique coordonné par Matthieu Noucher).

Un sujet pluriel

Comment définir la cartographie participative ? Pour Matthieu Noucher, chargé de recherche au CNRS (UMR Adess), c’est avant [CS1] « un processus, plus ou moins collaboratif, de mise en ordre du monde ». Gilles Palsky y voit une « cartographie indisciplinée » où se mêlent les cartes élaborées dans le cadre de pratiques participatives au service du développement, OpenStreetMap et Waze. Thierry Joliveau, professeur à l’université Jean-Monnet de Saint-Étienne évoque une cartographie 2.0 plus « contributive » que participative, dans la mesure où « elle fait de la carte l’objet, plus que le support de la participation ».

Du pouvoir au contre-pouvoir ?

Objet manifestement insaisissable car en perpétuelle évolution, la cartographie participative pose de nombreuses questions aux chercheurs. L’implication des populations est-elle un mythe ou une réalité ? La question peut être posée de multiples façons et les pistes de réponse proposées s’appuient sur des exemples variés.  Xavier Amelot, maître de conférence et membre du laboratoire Adess propose une grille de lecture en trois dimensions pour évaluer la cartographie participative en prenant à la fois en compte le degré de participation (de la contrainte illégale à la délégation de contrôle), les acteurs impliqués et les usages. Il l’applique à quatre projets de développement menés à Madagascar et montre ainsi que le terme « participatif » est parfois bien exagéré. Denis Rétaillé, professeur au laboratoire Adess pointe les limites de la cartographie face au nomadisme tandis qu’Hubert Mazurek, directeur de recherche à l’IRD s’interroge sur sa place dans certaines sociétés d’Amérique du Sud. À travers l’objet carte, ces chercheurs interrogent ainsi les processus de participation, comme le font les auteurs des articles réunis sous le titre « L’implication des habitants dans la fabrication de la ville : métiers et pratiques en question ».

 Ce cube, proposé par Xavier Amelot offre une bonne grille d’analyse des processus participatifs.

Ce cube, proposé par Xavier Amelot offre une bonne grille d’analyse des processus participatifs.

Comme un néomapper dans un jeu de quille

Mais la cartographie participative pose également d’autres questions dans la mesure où elle remet en cause le jeu traditionnel des acteurs. Les cartographes au premier chef, qui voient leur savoir-faire remis en cause par ces « neomappers » et « produsers » (contraction de producteurs et utilisateur en anglais) qui se fichent des sacro-saintes règles de la sémiologie graphique. Les institutions ensuite, qui doivent trouver le moyen de collaborer, elles aussi, avec les communautés émergentes. Les professionnels de l’aménagement ensuite, élus, architectes, urbanistes, techniciens de collectivités qui ne voient pas tous d’un même œil le développement des pratiques participatives, quels que soient les outils techniques sur lesquelles elles s’appuient. Pour certains ce n’est qu’un surcroît de travail, pour d’autres, c’est une occasion de valoriser son service et d’apprendre.

Les formes de la carte sont elles aussi interrogeables dans la mesure où « les bases de données géographiques sont “malléables”, c’est-à-dire qu’elles sont suffisamment flexibles pour être façonnées à partir de traitements divers (sur leur géométrie, leur représentation graphique, leur sémantique) en fonction des besoins des utilisateurs » comme le rappelle Thierry Joliveau. À lire et à méditer…

 

 

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