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L’avenir de l’IGN sera partenarial ou ne sera pas.

| 19 avril 2018

Catégorie: A l'actu, Cadastre, Cartographie, Données, Entreprises, Environnement, IDG/IDS, Institutions, Marché, Open Data

1180 mots, environ 5 mn de lecture

Hier, l’IGN fabriquait des cartes. Aujourd’hui, il produit principalement des référentiels géographiques. Demain, quel sera son rôle ? Entretien exclusif avec Daniel Bursaux, directeur général de l’IGN, qui peaufine le nouveau projet d’établissement de l’institut.

Daniel Bursaux - IGNDécryptaGéo : Est-ce le bon moment pour engager l’IGN dans un futur projet d’établissement alors que la mission parlementaire confiée à Valéria Faure-Muntian par Nicolas Hulot en février est encore en cours ? Ne faudrait-il pas en attendre les conclusions ?

Daniel Bursaux : Les deux mandats sont très cohérents et j’ai personnellement insisté pour que cette mission parlementaire soit lancée en parallèle de la rédaction d’un nouveau projet d’établissement. Madame Faure-Muntian travaille principalement sur la notion de données souveraines, un sujet qui dépasse l’IGN, même s’il est crucial pour son avenir. Je l’ai rencontré deux fois et nous sommes en contact étroit avec le conseiller d’État qui l’assiste. Elle doit rendre son rapport intermédiaire à la fin du mois d’avril, puis son rapport définitif au plus tard en juillet. De mon côté, je viens de présenter au ministre de l’Écologie les principales propositions du projet d’établissement qui couvre la période 2018-2021 et elles semblent convenir. Bien sûr, il y aura des évolutions, des éléments à affiner grâce à la mission parlementaire et à la consultation interministérielle qui suivra, mais je pense que nous sommes tous d’accord sur les grands principes qui ont d’ailleurs été présentés au personnel. Mon objectif est de démarrer l’année 2019 sur la base d’une nouvelle organisation.

Aujourd’hui, l’IGN est soumis à forte pression : d’un côté diminution des budgets et des moyens. De l’autre, développement de l’open data et des services gratuits. Cette mission parlementaire ne va-t-elle pas faire monter un peu plus la pression ?

Au contraire, c’est l’occasion de rappeler les missions de l’IGN aux principaux ministères concernés par l’information géographique : nous sommes un établissement public à caractère administratif qui aide l’État dans la mise en œuvre de ses politiques publiques, qu’elles soient régaliennes ou pas. C’est notre raison d’être. Mais il y a d’autres services de l’État qui produisent et utilisent des données géographiques. Il est temps d’optimiser nos ressources tous ensemble. En tant que producteur de données, nous sommes un acteur du numérique, de la dématérialisation des procédures, de la mise à disposition des données, de l’aide à la décision… nous avons un savoir-faire unique, que nous devons mettre au service de l’évolution de la sphère publique.

Quelles sont les principales orientations de ce nouveau projet d’établissement ?

C’est justement de dessiner les moyens d’exister dans ce contexte contraint mais qui attend beaucoup de nous, à juste titre. Au-delà de notre subvention pour charge de service public (SCSP) qui a peu de chances d’augmenter dans les années qui viennent, je souhaite développer des programmes précis avec les acteurs publics, comme nous le faisons par exemple avec le ministère de l’Agriculture autour du Référentiel Parcellaire Graphique, avec l’Agence Française de Biodiversité autour de la BD Topage, avec les collectivités autour de Litto3D, de certains projets d’orthophotographies, d’occupation du sol, etc. Je suis persuadé qu’il y a plein de projets à mener pour éviter les doublons, pour optimiser la production de données.

L’avenir de l’IGN est-il vers les plus grandes échelles ?

La question n’est pas tant de se lancer dans la production d’un référentiel à très grande échelle, mais de répondre à de nouveaux besoins, qui font appel à des données de plus en plus précises. Pour la PAC, nous devons désormais être capables d’exclure les affleurements rocheux et les buissons des surfaces agricoles par exemple. Mais les très grandes échelles sont un domaine où il y a une multiplicité d’acteurs, des organisations très différentes. C’est pourquoi cela ne peut se faire sans partenariats, d’où l’importance de plus en plus grande du mode collaboratif.

Quid de l’open data ?

Nous avançons bien sûr sur ce sujet. D’ailleurs, c’est l’un des bénéfices des projets menés en partenariat, ils aboutissent plus facilement à des données en open data comme pour Litto3D ou la BD Topage, car nous sécurisons les financements en amont. Pour le RGE, nous sommes en discussions avec Etalab pour trouver la bonne licence avec obligation de repartage tout en gardant la possibilité de vendre nos données à certains acteurs industriels… mais en face, nous devons trouver les moyens de combler le manque à gagner que nous estimons à 6 millions d’euros. Et cela passe par des gains de productivité et un fonctionnement plus collaboratif ! Nous avons déjà mis en place beaucoup de choses avec les SDIS, les collectivités par exemple (voir article ici, N.D.L.R.), mais nous devons aller plus loin afin de concentrer nos efforts là où ils sont nécessaires.

Et le Géoportail ?

Le Géoportail va également refléter cette évolution. Dès cet été, il va migrer dans l’offre de service d’hébergement interministérielle OSHIMAE, portée par le ministère chargé de l’agriculture et le ministère chargé de l’écologie. Mais nous souhaitons le faire évoluer de façon à ouvrir notre infrastructure technique à d’autres acteurs : transformer le Géoportail en Géoplateforme. Aujourd’hui, nous devons charger nous-mêmes les données de nos quelque soixante-dix partenaires, effectuer des copies et des mises à jour à intervalles réguliers. Demain, nous souhaitons que les partenaires administrent eux-mêmes leurs données, qu’ils pourront ensuite exploiter sur la Géoplateforme, mais également sur leurs propres SIG et portails de diffusion. Bien sûr, cela ne va pas sans développement d’API adaptées, pour proposer des fonctions diverses et organiser les flux. Cela nous permettra d’introduire la composante géographique au plus près des procédures administratives par exemple. Plutôt que de demander aux collectivités de saisir leurs adresses sur le guichet adresse, une API devrait être capable de récupérer directement l’information géographique du PV qui alimenterait alors une base de données accessible à tous depuis la Géoplateforme.

Tout cela va avoir un coût, n’est ce pas contradictoire avec votre souci d’économies ? Et comment être sûr que les collectivités vont changer d’hébergeur pour leurs données géographiques ?

Effectivement, une telle évolution va devoir être financée. Nous allons demander des subventions dans le cadre du Grand plan d’investissement car c’est toute l’action publique que nous aiderons ainsi à optimiser. Je suis sûr que notre proposition intéressera beaucoup de partenaires, collectivités comprises, mais nous respecterons bien entendu ceux et celles qui, ont déjà mis en place de grosses infrastructures de ce type, et ne souhaiteront pas changer d’infrastructure mais aussi celles qui souhaiteraient garder leur autonomie.

En résumé, le projet d’établissement vise à sécuriser l’avenir de l’IGN en le positionnant clairement comme l’opérateur de l’État en charge de la composante géographique des politiques publiques. Pour cela, face à l’impossibilité de faire évoluer votre subvention, vous misez sur les partenariats, sur des collaborations de plus en plus étroites avec toutes sortes de producteurs et d’utilisateurs de données géographiques. Il va bientôt y avoir plus d’animateurs à l’IGN que de producteurs de données, n’est ce pas un problème ?

Une telle transformation est effectivement un grand défi en matière d’évolution des métiers et des compétences. À nous de bien accompagner nos équipes. Mais notre savoir-faire technique sera toujours essentiel.

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