No Banner to display

Mapbox, la petite boîte qui monte, qui monte…

Catégorie: Cartographie, Données, Entreprises, Grand public, Logiciels, Marché, Mobilité, Open Data, Reportages, WebMapping

1170 mots

En sept ans, Mapbox s’est imposé sur le marché de la cartographie en ligne et des outils de développement d’application. Venu du libre et très engagée dans la communauté OpenStreetMap, au carrefour du design, des sciences et de l’informatique, l’entreprise attire désormais les investisseurs. Son modèle économique basé sur des abonnements liés au nombre d’utilisateurs et aux fonctions accessibles a séduit de nombreux clients prestigieux comme Foursquare, the Financial Times, Snapshat, Tableau, Le Monde, la SNCF… Rencontre avec Eric Gundersen, son président fondateur.

Eric Gundersen à Statsummit (© Mapbox)

« Je n’ai pas un profil classique de créateur de startup de la Silicon Vallée. Je ne me suis pas levé un matin en pensant que j’allais rivaliser avec Google. » À vingt ans, Eric Gundersen avait d’autres ambitions : il voulait changer le monde.

Des décideurs sans cartes

Après ses études d’économie et de développement international, il travaille pour les agences gouvernementales. « J’ai été frappé de découvrir que des gens par ailleurs très engagés dans ce qu’ils faisaient, prenaient des décisions importantes sans aucune donnée. » Jeune, idéaliste mais également féru de logiciel libre, Eric Gundersen se rend vite compte que pour permettre aux décideurs d’accéder aux données, il faut leur fournir autre chose que des PDF, même remplis de cartes et de tableaux. Nous sommes au début des années 2000 et les SIG sont encore entre les mains des seuls techniciens. Eric développe ses premiers outils mais butte rapidement sur un autre problème : l’absence de fond cartographique de qualité. Alors, à chaque mission de terrain, au Pakistan, en Afghanistan, dans plusieurs pays d’Afrique… il revient chargé de tubes de cartes après avoir visité les agences cartographiques locales.

Premières briques

Rapidement, il prend son indépendance et monte une société de conseil : Development Seed, toujours au service des agences de développement, et toujours à courir le monde pour réaliser des cartes compréhensibles. « Cela nous a permis de développer les produits dont nous avions besoin pour remplir nos missions, sur la base de composants open source. Notre premier logiciel ressemblait à une sorte de Photoshop pour carte. » En 2008, Eric et ses collègues décident de rassembler leurs développements et d’en faire un vrai produit. Nom de code : Mapbox. « J’ai acheté l’URL et nous avons commencé à publier des éléments, petit à petit ». Reste la question des fonds cartographiques. Le chantier est énorme et il n’est pas facile de convaincre les gouvernements de publier leurs données, même si Eric y passe beaucoup de temps. OpenStreetMap s‘impose comme la fondation sur laquelle déposer les données que l’équipe arrive à récolter. Elle développe plusieurs outils pour faciliter l’édition de données et la publication sur OSM (TileMill, CartCSS…).

L’entreprise MapBox est créée en 2010. Les produits avancent rapidement et s’orientent vers la mise à disposition de composants pour intégrer des briques de géolocalisation et de cartographie dans des applications. « Nous avons eu de la chance. Nous avons sorti notre solution au moment où Google a changé ses conditions d’utilisation. Du coup, nous avons rapidement signé avec FourSquare ». En 2012, l’équipe compte 35 personnes, basée à Washington DC, et elle réalise des profits. En 2013, Waze est racheté par Google, attirant l’attention des investisseurs sur l’or noir de la géolocalisation. MapBox effectue une première levée de fonds de 10 millions de dollars. Elle sera suivie par une deuxième en 2015 à hauteur de 52,5 millions de dollars.

Une équipe sous le signe de la diversité

Aujourd’hui, l’équipe compte plus de deux cents personnes, réparties entre les nouveaux bureaux de Washington DC (adieu le garage des débuts !), San Francisco, Bangalore et Ayacucho au Pérou. De nouveaux bureaux et partenariats sont en cours de montage à Berlin, en Finlande, en Chine… Eric Gundersen a attiré toutes sortes de talents (46 % de femmes en 2016), venus des quatre coins de monde (il fait partie des entrepreneurs qui s’opposent aux décrets de Trump sur l’immigration). « Ce que nous valorisons le plus en interne ? La confiance et le minimalisme. Franchement, je regarde peu les CV, ce qui compte, ce sont les gens. » Il lui faut maintenant mettre en place la bonne organisation hiérarchique, adapté à sa jeune équipe.

La gamme s’est considérablement étendue. Outre MapBox Studio permettant de créer des cartes en ligne, l’éditeur propose toute une série d’outils de développements (API et SDK) pour géocoder, publier des cartes, calculer une géolocalisation ou des itinéraires, visualiser des données volumineuses, réaliser des analyses spatiales… sur mobile ou sur le Web, en exploitant un ensemble de fonds (OpenStreetMap, modèle numérique de terrain maison, imagerie Landsat, DigitalGlobe, etc.), le tout via AWS, le Cloud d’Amazon.

L’or noir de la géolocalisation

« Je ne vais pas gagner un client parce que j’ai une route en plus. Par contre, je peux en perdre si je n’ai pas assez de routes. Les données de base sont essentielles mais ne sont plus une valeur que l’on peut mettre en avant. ». Qu’est ce qui fait la valeur d’une carte ? « Ce sont les données en temps réel. Nous mettons à jour nos fonds toutes les dix minutes, nous qualifions en continu des données qui remontent de 44 pays. Nous certifions ces données, nous nous assurons qu’elles sont aptes à la navigation. » Avec 7 750 entreprises et développeurs payants (et plus de 200 000 gratuits), les cartes générées à l’aide des outils Mapbox sont présentes dans plus de 300 millions de portables, se félicite Eric Gundersen. « MapBox récupère les traces anonymisées de tous les utilisateurs sous forme de géolocalisations associées à un marqueur temporel, sans aucun identifiant. Aujourd’hui nous en savons plus sur le trafic, sur les déplacements que l’ensemble des GPS installés dans des voitures. Et cela nous permet de mettre à jour nos bases. » C’est sur ce nouvel or noir que l’entreprise a bien l’intention de prospérer dans les années à venir : l’aide à la mobilité, les véhicules connectés puis autonomes, l’Internet des objets… Mapbox vient par exemple de racheter la petite équipe de Human, éditeur d’une application de suivi d’activité physique qui sait en déduire des modes de déplacement et des profils d’utilisateurs. Avec des composants pour Unity, l’entreprise a également décidé de mettre en pied dans le monde du jeu, de la réalité augmentée et virtuelle… un domaine bien connu de certains de ses développeurs.

Aux yeux d’Eric Gundersen, le monde de l’information géographique n’a pas fini d’évoluer. « Les premières pages des journaux sont envahies par des questions liées à la géolocalisation. Hier, c’était le patron de Ford qui était viré pour n’avoir pas anticipé le marché du véhicule autonome. Notre métier n’est plus de fournir des cartes mais des couches de données sur lesquels vous allez raconter votre propre histoire. Nous développons la plateforme qui rend ces applications possibles. »

Finalement, même s’il ne l’a pas vraiment décidé, et même si sa vision a suscité pas mal de moqueries dans sa ville natale, Eric Gundersen semble bien décidé à rivaliser avec Google !

 

Print Friendly, PDF & Email
Signaler un contenu

Laisser un commentaire

No Banner to display

No Banner to display