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Numérique : Magellium propose des clés pour s’y retrouver

| 30 novembre 2017

Catégorie: Données, Entreprises, Grand public, Imagerie, Reportages

1 300 mots, 5 mn de lecture environ

Le 23 novembre dernier, Magellium a organisé un Digisky Day, qui a rassemblé une cinquantaine de participants dans les locaux de Telecom ParisTech. Banque, commerce, définition de prix, voyages spatiaux, avions de ligne, machine learning, ville intelligente, geoint… même si tous les intervenants n’avaient pas le nez dans le guidon de l’information géographique, ils ont montré l’urgence de penser le numérique dans ses multiples dimensions.

(©Wenjie Dong pour iStock)

(©Wenjie Dong pour iStock)

« Magellium se positionne à la croisée de deux révolutions : celle de l’observation de la terre et celle du numérique » justifie en ouverture Pierre Duverneuil, le président de Magellium. Aussi, pour ce premier Digisky Day consacré aux nouveaux enjeux du numérique, l’entreprise toulousaine a réuni une brochette d’intervenants haut de gamme. Qu’ils aient la tête dans les étoiles, qu’ils soient têtes chercheuses, têtes de gondole ou fortes têtes, ils ont partagé leurs idées et connaissances pour mieux penser le numérique d’aujourd’hui et de demain.

Toujours plus

Tout d’abord, le constat. Nous produisons toujours plus de données, et le rythme n’est pas près de ralentir. Rappelons par exemple que chaque microsatellite Dove de Planet (près de deux cents sont actuellement en orbite autour de la terre) est plus performant qu’un SPOT 3. Aujourd’hui, un A320 enregistre 400 paramètres en temps réel. Demain, ce sera 23 000 avec le programme Skywise. Et tout le monde est mis à contribution. À Paris, nous apprend David Jonglez, en charge du développement des smart cities chez Esri France, on réfléchit sérieusement à équiper des rats de capteurs pour cartographier les espaces souterrains.

Intelligence artificielle : du mythe à la réalité

Ensuite, les solutions. L’intelligence artificielle (IA) est au cœur de tous les programmes, de toutes les recherches et de bien de fantasmes. Elle nous permet de faire le tri dans le flux incessant de données, de les organiser, d’en tirer des informations utiles. Mais elle est encore balbutiante et Laurent Alexandre, auteur médiatique de La guerre des intelligences insiste. « Nous sommes à l’heure de l’IA faible. L’IA forte relève des films hollywoodiens. » Stephan Clemençon, professeur de mathématiques appliquées à Telecom Paristech et spécialiste du machine learning montre bien que l’IA a encore de beaux jours d’apprentissage devant elle. « Quand Watson gagne au Jeopardy, la sémantique analysée est essentiellement du comptage. Quand AlphaGo bat le meilleur joueur de Go, même si la combinatoire est complexe, elle reste basée sur des axiomes simples. » Car c’est bien là qu’est la grande nouveauté : l’afflux de données permet aux algorithmes d’apprendre grâce à des exemples de plus en plus nombreux.

L’agenda des chercheurs en intelligence artificielle et en deep learning est encore bien chargé. Ainsi, la théorie des graphes développée dans les années cinquante ne permet pas de représenter des graphes aussi complexes que ceux de Facebook. L’IA pose également beaucoup de problèmes d’optimisation, afin de pouvoir fonctionner en réseau, sans mettre par exemple à plat la batterie de votre smartphone. Le prédictif dont tout le monde rêve ? Stephan Clemençon reste prudent. « Aujourd’hui, on est surtout bon dans l’analyse de moyennes. Comment dans ce cas détecter des signaux faibles essentiels ? Là aussi, nous avons besoin de nouvelles théories mathématiques ». Marie-Pierre Gleizes, professeur et chercheur à l’Institut de recherche en informatique de Toulouse (IRIT) travaille sur des systèmes multi-agents coopératifs, capables de « résoudre des problématiques à grande échelle, qui ont besoin d’une résolution distribuée, sans contrôle central, avec un grand nombre de données, » mais également de s’adapter à une situation qui évolue (changement de priorité, pannes…). Son équipe conçoit des algorithmes qui permettent par exemple à une vingtaine de drones de surveiller efficacement un territoire, sans se rentrer dedans (mais sans plan de vol), intégrant des priorités d’acquisition. Ici, les travaux restent exploratoires et encore peu industrialisés.

Faire voler des drones en escadrille et les laisser s’organiser pour couvrir au maximum le terrain ? C’est l’un des nombreux sujets de recherche de l’IRIT (photo extraite du site du Monde Informatique).

Faire voler des drones en escadrille et les laisser s’organiser pour couvrir au maximum le terrain ? C’est l’un des nombreux sujets de recherche de l’IRIT (photo extraite du site du Monde Informatique).

Il n’en reste pas moins que cette IA, même faible et perfectible a envahi nos vies et nos métiers. Thierry Rousselin, consultant spécialiste du GEOINT (et contributeur régulier de DécryptaGéo) est revenu sur cette révolution « Compter des voitures sur des parkings ? On faisait cela dans les cours de télédétection il y a 40 ans. Mais compter les voitures dans 55 000 parkings chaque jour pour en déduire l’état de l’activité commerciale, secteur par secteur tel que le fait Orbital Insight, c’est impossible manuellement. » Et les scénarios les plus excitants (retrouver la localisation d’une base aérienne en Somalie à partir d’une mauvaise vidéo en observant les structures agricoles et la ligne d’horizon…) aujourd’hui réservés aux photo-interprètes chevronnés, seront demain totalement automatisables.

Impacts au quotidien

À quoi ressemblera le monde de demain, s’interroge Laurent Alexandre. Sera-t-il dirigé par Mark Zuckerberg pendant que nous vivons nos vies rêvées dans des casques de réalité virtuelle ? (© Facebook)

À quoi ressemblera le monde de demain, s’interroge Laurent Alexandre. Sera-t-il dirigé par Mark Zuckerberg pendant que nous vivons nos vies rêvées dans des casques de réalité virtuelle ? (© Facebook)

Les conséquences sont nombreuses dans bien des aspects de nos vies, et pas seulement pour nous proposer un livre que nous aimerons bien : en partageant les données issues de ces 23 000 capteurs avec tous les acteurs de l’aviation en ligne, Airbus entend améliorer la performance des avions et limiter les retards. L’IA permet à une société comme Brennus Analytics d’adapter très finement les prix des produits en prenant en compte le consentement à payer du client tout comme le prix des matières premières (entre autres). C’est encore cette IA faible qui permet un marketing de plus en plus ciblé, comme l’a rappelé Samuel Boury de Ubleam. « À mes yeux, l’exploitation des données, devenues essentielles dans le domaine de l’aménagement urbain aura à terme plus d’impact sur une ville comme Paris que n’en a eu le Baron Haussmann » prédit David Jonglez. Émergent de nouveaux acteurs (qui aurait cru qu’un moteur de recherche serait le plus grand producteur de cartes et de données géographiques au monde ?), les silos se cassent, les gouvernements locaux ne peuvent plus avancer sans l’implication des citoyens et des entreprises… Mais la ville ne retrouverait-elle pas sa vraie nature ? « Les villes sont nées car elles étaient des places de marché, on y apportait des produits via les fleuves, on y commerçait. Demain, les villes plateformes seront les nouvelles market places » poursuit David Jonglez. Demain, l’IA entrera même dans les vols spatiaux, qui ont pourtant une longue tradition d’informatique embarquée réduite au minimum, comme l’a rappelé avec humour l’ancien astronaute Jean-François Clervoy. Car dans l’espace, on ne peut pas renvoyer le matériel à l’atelier et tout doit être durci pour résister aux fortes poussées et températures liées au décollage. Mais un super ordinateur Hewlett Packard à haute capacité de traitement vient d’embarquer sur la station spatiale internationale.

Vous pensez qu’une navette spatiale est truffée d’informatique ? Détrompez-vous. Les exigences des vols spatiaux sont telles que le matériel et les logiciels embarqués doivent être renforcés… et généralement en retard de plusieurs générations. Mais les temps changent et le monde du spatial se met au numérique… avec prudence. (photo extraite de www.une-saison-en-guyane.com)

Vous pensez qu’une navette spatiale est truffée d’informatique ? Détrompez-vous. Les exigences des vols spatiaux sont telles que le matériel et les logiciels embarqués doivent être renforcés… et généralement en retard de plusieurs générations. Mais les temps changent et le monde du spatial se met au numérique… avec prudence. (photo extraite de www.une-saison-en-guyane.com)

Que reste-il de l’humain ?

Tous les métiers sont impactés par les révolutions liées au numérique. Tous les géomaticiens, photo-interprètes, spécialistes de la télédétection, cartographes, urbanistes, géographes… seront-ils bientôt au chômage ? Sans doute pas, car l’aide à la décision « qu’on avait un peu oubliée mais qui revient au centre de l’activité » comme le rappelle Thierry Rousselin, a encore besoin de cerveaux humains. D’ailleurs, la NGA, l’agence géospatiale de l’armée américaine, mobilise ses opérateurs afin d’étiqueter quelque dix millions d’images pour l’entraînement de ses algorithmes de reconnaissance. « L’humain a l’habitude de gérer les compromis, il est très multicritère, ce qui est difficile pour des machines » insiste Stephan Clemençon. Seul problème soulevé par Laurent Alexandre : « il faut environ trente ans pour fabriquer un cerveau biologique, qui communique à la vitesse de 10 octets à la seconde quand deux machines s’échangent des informations à mille milliards d’octets par seconde. » Face à la montée en puissance des IA faibles, l’ancien médecin craint l’émergence de nouvelles dictatures, dirigées par des GAFA et autres BATX* aux visées transhumanistes et ultralibérales, dominant des « sujets » peu formés à exploiter les IA. À ses yeux, il faut mettre les moyens sur l’éducation et aider nos politiques à prendre conscience de cette guerre des intelligences. Pour éviter de panser le monde de demain, il est urgent de le penser !

* BATX : ce sont les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) du continent asiatique : Baidu (le moteur de recherche chinois), Alibaba (e-commerce), Tencent (services Internet), Xiaomi (téléphones portables).

 

 

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