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Peter Thiel, le nouveau Seigneur des Anneaux de la géointelligence ?

| 30 août 2017

Catégorie: Données, Entreprises, Imagerie, Logiciels, Marché, Reportages, Satellite/Spatial, Sécurité/défense

Par Françoise de Blomac et Thierry Rousselin

908 mots

Portrait de Peter Thiel par Dan Taylor. www.heisenbergmedia.com

Peter Thiel est l’un des rares grands patrons de la high-tech proche de Donald Trump. L’ancien cofondateur de Paypal, soutien de la première heure de Facebook, est en passe de devenir l’homme fort de la géointelligence américaine. Petite cartographie d’un empire en construction.

Cartographie animée de l'empire Thiel en géointelligence.

Cartographie animée de l’empire Thiel en géointelligence.

Il fait partie des financeurs clés de la Silicon Valley : Facebook, Linkedin… Peter Thiel a su flairer très tôt les entreprises prometteuses. D’origine allemande, formé au droit et à la philosophie, il fut, avec Elon Musk, l’un des cofondateurs de Paypal dont il a assuré la direction générale. C’est là qu’il a mis au point le système de détection de fraude qui lui a directement inspiré Palantir, fondé en 2004. C’est également un joueur d’échecs, un défenseur du transhumanisme (fondation Methuselah), un libertarien, un homosexuel publiquement assumé, un fan de Tolkien, un militant contre le changement climatique et… l’un des seuls milliardaires de la nouvelle économie à soutenir Donald Trump. Un soutien à 1,25 million de dollars qui lui a valu une salve de critiques d’un milieu largement démocrate, mais qu’il assume pleinement.

Ses différents fonds d’investissement l’amènent à agir sur de multiples domaines (AirbnB, Lyft…). Parmi ceux-ci, l’information géospatiale et ses nombreux usages, tant civils que militaires.

Peter Thiel, l'un des rares patrons de la Silicon Valley proche de Donald Trump. (EVAN VUCCI/AP)

Peter Thiel, l’un des rares patrons de la Silicon Valley proche de Donald Trump. (EVAN VUCCI/AP)

Une planète d’investissements

Premier et plus ancien maillon de la chaîne, Palantir, qui met le big data au service de la surveillance. Palantir travaille avec toutes les agences de renseignement américaines, mais également avec les services français tout en développant un portefeuille de grands clients privés (banque, assurance, santé, pharmacie) dans tous les domaines où l’exploitation simultanée d’énormes bases de données et des réseaux sociaux permet de profiler la vie de Oussama Ben Laden… ou de Madame Michu.

Son Founders Funds est en outre l’actionnaire principal de Planet (ex Planet Labs), qui vient de racheter Terra Bella, la constellation de satellites vidéo lancée par Google (ex Skybox Imaging). Ainsi, les mini et nanosatellites de Planet, les Dove, dont près de 150 ont déjà été lancés, les cinq satellites RapidEye (rachetés par Planet Labs en 2015) ainsi que les sept SkySat anciennement Google/Terrabella composent une constellation exceptionnelle de résolution plurimétrique à submétrique. Partant du modèle économique développé par Blackbridge pour RapidEye dans les domaines agricoles et forestiers (fourniture régulière de larges couvertures à bas prix), Planet l’a étendu au monde humanitaire et du développement. L’entreprise compte également parmi ses actionnaires la Banque Mondiale. Faisant fi de ses pudeurs initiales, la société s’est attaquée aux marchés militaires et vient de signer au printemps dernier un nouvel accord avec la NGA (agence du renseignement géographique des États-Unis) afin de fournir des images des zones d’intérêt stratégiques sur 5 millions de km2 chaque semaine, comme le dévoilait Intelligence Online du 24 mai 2017. Google est également devenu un client clé, car le géant a estimé que le métier d’opérateur de satellite n’étant pas le sien et que la position de client (de Digital Globe, d’Airbus et désormais de Planet) était plus confortable et tout aussi efficace d’un point de vue opérationnel.

Une deuxième constellation

Mais Peter Thiel est à la tête d’un autre fonds d’investissement : Mithril. Par ce biais, il a la main sur Spaceflight Industries qui a plusieurs activités liées au satellitaire et au renseignement militaire. L’entreprise propose tout d’abord des services de lancement de petits satellites, en exploitant la place laissée libre par les grands lanceurs. Une activité qui vient compléter celle de SpaceX, l’un des nouveaux jouets d’Elon Musk, qui produit des lanceurs réutilisables, également financé par Founders Fund.

Spaceflight projette de créer une constellation de soixante satellites métriques baptisée BlackSky. En attendant que sa constellation soit complète (le premier élément a été lancé en septembre 2016), elle a signé des accords de distribution avec tous les grands opérateurs de satellites, dont Airbus. Mais il ne s’agit pas de se limiter à la fourniture de données et Spaceflight investit dans les logiciels de détection de changement tels que AllSource Analysis (via un partenariat) ou de gestion d’images comme OpenWhere, acheté en juin 2016 et désormais partie intégrante de l’offre BlackSky. En juin dernier, lors de GEOINT, John Hanna de SpaceFlight s’est publiquement vanté « d’aider ses amis » de Planet et de Spire, une constellation de satellites offrant des services météo et AIS dont les lancements sont régulièrement jumelés avec ceux de Planet et qui a également de premiers contrats tant militaires que civils.

Funders Found, est également actionnaire de Vicarious, une start-up très en vue dans le domaine du machine learning et de l’intelligence artificielle, dans laquelle ont investi Elon Musk, Mark Zuckerberg et Jeff Bezos, le patron d’Amazon. Le quinquagénaire n’oublie pas non plus les drones militaires, dont il finance le développement via l’accélérateur Y Combinator dont il est partenaire.

Lanceurs, capteurs, logiciels d’analyse, intelligence artificielle… Grâce à des moyens financiers exceptionnels, Peter Thiel tisse sa toile autour de la géointelligence, en misant à la fois sur des start-up et sur des entreprises désormais bien installées dans le paysage de la Défense. S’il s’est fait beaucoup d’ennemis en soutenant Donald Trump, cela ne semble pas impacter sa capacité à travailler avec les agences de renseignement, bien au contraire. Il est même devenu au fil des mois le « gourou du renseignement de Trump », comme l’explique le dossier d’août d’Intelligence Online. Il n’en reste pas moins fondamentalement un pragmatique qui s’intéresse à tout ce qui va changer le monde et peut, au passage rapporter de l’argent : changement climatique, intelligence économique opérationnelle, action humanitaire…

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