No Banner to display

Quand les chercheurs s’intéressent aux drones

Catégorie: 3D, Cartographie, Données, Environnement, Imagerie, Matériel/GPS, Recherche, Reportages, Satellite/Spatial

Légers, simples à mettre en marche, agiles, économiques, capables d’embarquer des caméras de plus en plus sophistiquées, les drones sont devenus les stars de l’acquisition aéroportée de données. Ils permettent de produire des images de résolution et de précision sub-centimétriques, qui peuvent elles-mêmes servir à générer des modèles numériques de terrain et de surface très détaillés. Le monde académique s’y intéresse de près.

Archéologie, surveillance des digues, agriculture de précision… nombreuses sont les thématiques qui ont mis à profit les drones, et ce depuis plusieurs années. Plus mobiles que les ballons-sondes et disponibles dans toutes sortes de configurations, ils apportent des résultats essentiels à de nombreux travaux de recherche. Mais leur exploitation pose aussi de nouveaux problèmes. Industriels, utilisateurs et chercheurs essayent de les régler, comme l’ont montré les intervenants de la demi-journée organisée le 19 mars dans le cadre des journées de la recherche de l’IGN.

Dans la forêt

Dans le domaine de la foresterie, les drones ont de multiples avantages comme l’a montré Jonathan Lisein, en dernière année de thèse à l’Université de Liège. Bas coût opérationnel, haute résolution spatiale mais également temporelle, utilisateurs finaux aux commandes des drones… sont de précieux atouts. Avec un Gatewing X100 sur lequel avaient été montés deux capteurs (deux appareils du commerce, l’un dans le proche infrarouge et l’autre dans le visible), il a modélisé la surface de la canopée à 2 cm de résolution d’une vaste étendue forestière et calculé la hauteur des arbres avec une précision d’1,5 m. La facilité d’organisation des vols lui a également permis d’en effectuer une dizaine à des saisons différentes pendant quatre ans, afin d’évaluer le potentiel de ce type d’acquisition pour la distinction entre diverses essences de feuillus. Même si les résultats ne sont pas parfaits (85 % d’identification), ils ont montré que la fin du printemps est la période qui permet la meilleure discrimination, étant celle où les arbres d’une même essence ont quasiment tous le même stade de développement. Il obtient enfin de bons résultats dans la détection automatique des arbres individuels, même si certains arbres dominés restent cachés. Tous ces résultats impliquent un très fort recouvrement et de trouver le bon compromis entre résolution et emprise. « Si on vole trop bas, on ne peut plus retrouver de points caractéristiques pour définir les points homologues qui serviront au traitement photogrammétrique » précise par exemple le chercheur. « Dans le domaine forestier, les drones nous apportent une précision importante, mais nous avons souvent des problèmes liés au vent. Quand un arbre bouge entre deux prises de vue, il est difficile de reconstituer le modèle numérique de surface. Il nous faudrait des capteurs montés en binôme se déclenchant simultanément » ajoute Sylvain Labbé de l’IRSTEA.

Des équipes de l’IRSTEA ont utilisé des capteurs infrarouges montés sur des drones pour mesurer le stress hydrique à l’intérieur d’une parcelle (ici, une parcelle de blé). Mais l’approche nécessite encore un fort calibrage au sol car ce sont des différences de l’ordre du degré qui doivent être mesurées. Un domaine qui bénéficierait de capteurs plus ciblés, comme l’a démontré Sylvain Labbé (©IRSTEA).

Des équipes de l’IRSTEA ont utilisé des capteurs infrarouges montés sur des drones pour mesurer le stress hydrique à l’intérieur d’une parcelle (ici, une parcelle de blé). Mais l’approche nécessite encore un fort calibrage au sol car ce sont des différences de l’ordre du degré qui doivent être mesurées. Un domaine qui bénéficierait de capteurs plus ciblés, comme l’a démontré Sylvain Labbé (©IRSTEA).

Environnement

Le chercheur regrette également le manque de capteurs véritablement adaptés aux problématiques environnementales : « Aujourd’hui, on bricole des appareils du commerce pour les pousser dans l’infrarouge ou le proche infrarouge, mais d’autres longueurs d’ondes pourraient nous être très utiles pour détecter des moisissures par exemple. » Le fait de coupler des capteurs rend complexe l’appareillage des images, surtout en milieu naturel végétal. L’utilisation de capteurs grand public implique d’effectuer des mesures de terrain en parallèle pour calibrer les mesures. Le géoréférencement est également un problème et les chercheurs passent beaucoup de temps à implanter des cibles au sol. Toutes ces limitations n’empêchent pas l’IRSTEA d’avoir de bons résultats sur diverses expérimentations : réduction des pesticides par identification des zones envahies par les mauvaises herbes à l’intérieur d’un champ (projet RHEA), identification précoce du stress hydrique sur des pommiers et des champs de blé ou cartographie fine du substrat des rivières. L’évaluation des volumes de neige dans les avalanches a également été testée avec succès, tant que la neige est suffisamment sale pour permettre le repérage de points de référence.

Déterminer les points similaires n’est pas toujours évident sur une couverture forestière, comme l’a montré Jonathan Lisein, mais c’est l’une des étapes essentielles de toute approche photogrammétrique.

Déterminer les points similaires n’est pas toujours évident sur une couverture forestière, comme l’a montré Jonathan Lisein, mais c’est l’une des étapes essentielles de toute approche photogrammétrique.

Deux thèses menées à l’IGN en partenariat avec des acteurs industriels s’intéressent également à l’amélioration du géoréférencement des images. Vincent Tournade, en contrat avec la Compagnie du Rhône, travaille par exemple à l’exploitation de différentes couches de correction pour éviter les dérives de bandes lors d’acquisitions linéaires (surveillance des digues). Mehdi Daakir, en thèse avec Vinci, essaye de concevoir une chaîne de traitements permettant d’atteindre une précision centimétrique des modèles numériques sans aucun point de calage au sol. Pour cela, il couple un GPS et une caméra grand public sur un drone (de type hexacoptère) afin de disposer d’une trajectographie très précise.

Vers un service dédié aux digues

L’utilisation de drones est enfin au cœur du projet DIDRO sur la surveillance des digues. Mené par toute une série de partenaires industriels (Red Bird, Geomatys…), institutionnels (DREAL Centre, CEREMA, France Digue…) et laboratoires de recherche (IFSTTAR, IRSTEA, IGN…), le projet a été labellisé par trois pôles de compétitivité. Il s’agit de porter à maturité le fruit des recherches menées depuis plusieurs années afin de définir un drone (avec ses capteurs et outils de traitements spécifiques) parfaitement adapté à la cartographie d’urgence et à la surveillance des 8 600 km d’ouvrages de protection contre les crues qui existent en France. Percolations, déformations, envahissements par des racines, effondrements en zones karstiques, fissures, renards… pourraient être rapidement repérés, régulièrement cartographiés par quelque mille gestionnaires de digues.

Une caméra adaptée à la photogrammétrie

Le prototype de caméra photogrammétrique miniature du LOEMI intéresse déjà les industriels.

Le prototype de caméra photogrammétrique miniature du LOEMI intéresse déjà les industriels.

Même si les industriels proposent désormais des caméras de qualité et des Lidar adaptés aux drones, la plupart des utilisateurs exploitent des appareils photo numériques grand public, même dans le monde de la recherche. Car ce sont les configurations légères et économiques qui ont le vent en poupe. Mais ces capteurs s’avèrent rapidement limités quand il s’agit de faire de la photogrammétrie. C’est pourquoi le laboratoire LOEMI de l’IGN travaille depuis deux ans sur une caméra spécifique, baptisée Camlight. Un capteur CMOS de 20 mégapixels, une solution de stockage interne, une cadence d’acquisition de l’ordre de 5 à 10 images par seconde, un large choix d’objectifs, un poids plume (environ 300 grammes avec objectif), des logiciels internes permettant d’éliminer les images non exploitables dès leur acquisition… devraient permettre de faire face aux travaux les plus exigeants. Le prototype déjà construit a été utilisé par plusieurs doctorants. Mais une version encore plus légère est déjà à l’étude, qui pourra intégrer une batterie supplémentaire ainsi qu’une carte intermédiaire portant une puce WiFi et un GPS. Ce nouveau modèle, dont un prototype est attendu courant 2015, pourra être utilisé en solo sur un drone ou au sol, mais pourra également être exploité dans d’autres contextes : véhicule ultraléger d’acquisition terrestre (ViaPolis), base pour constituer une caméra super-spectrale (qui nécessitera une dizaine de capteurs dans des longueurs d’ondes très spécifiques) ou oblique multicanale capable de pénétrer les fonds de rue. La version actuelle intègre moins de 5 000 € de matériel et intéresse déjà des opérateurs et constructeurs de drones.

Vol test avec la Camlight fabriquée par le laboratoire LOEMI de l’IGN sur le site de Creil en octobre 2014 : Le drone a volé à 30 m d’altitude, sous le plafond nuageux, ce qui a permis d’atteindre une résolution de 5,5 mm.

Vol test avec la Camlight fabriquée par le laboratoire LOEMI de l’IGN sur le site de Creil en octobre 2014 : Le drone a volé à 30 m d’altitude, sous le plafond nuageux, ce qui a permis d’atteindre une résolution de 5,5 mm.

Ainsi, dans le domaine des drones, qui fourmille d’opérateurs et de constructeurs, les rapprochements entre utilisateurs, industriels et laboratoires de recherche devraient accélérer l’émergence d’offres mieux adaptées aux besoins opérationnels dans différentes thématiques.

Avis d’expert

Réglementation, où va-t-on ?

WEB-166-reportage-drones-hugonetBenjamin Hugonet, directeur commercial de Redbird revient sur la réglementation en matière de vol des drones et son évolution.
« La direction générale de l’aviation civile (DGAC) est un véritable partenaire, qui a permis à l’émergence d’une filière drones. Sans la réglementation dont la France s’est dotée dès 2012, nous n’aurions pas pu monter notre entreprise. Aujourd’hui, la réglementation, basée sur des scénarios, permet de répondre à environ 90 % des besoins. Cela ne nous empêche pas d’attendre certaines évolutions. Nous aimerions par exemple que le scénario S4 soit revu afin de permettre des missions plus longues, exploitant des drones plus lourds. Aujourd’hui, pour qu’un téléopérateur soit admis à perdre de vue son aéronef, il faut que ce dernier ne dépasse pas 2 kg, et la distance ne peut dépasser 15 km. Mais c’est un scénario sur lequel la DGAC a peu de retour, qui ne sera donc pas facile à faire évoluer. Sur les scénarios S1, S2 et S3, il y aura sans doute des évolutions avant la fin de l’année, même si je ne peux pas parler au nom de la DGAC. Là encore, c’est sans doute sur le poids des appareils admis dans les différentes configurations que la réglementation risque de bouger. Pour nous, c’est une clé importante dans la mesure où les aéronefs plus lourds permettent d’emporter des capteurs plus sophistiqués et de gagner en autonomie. »

 

 

Print Friendly, PDF & Email
Signaler un contenu

Laisser un commentaire

No Banner to display

No Banner to display