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Quel avenir pour la sémiologie graphique ?

Catégorie: Cartographie, Données, Livres, Arts, Expos, Logiciels, Recherche, Reportages

Alors que les cartes fleurissent sur toutes sortes de supports, les tenants de la sémiologie graphique, « grammaire » permettant la rédaction de « bonnes cartes » se désolent de la maigre qualité des productions contemporaines. Oublié Jacques Bertin ? Pas complètement. Mais les règles qu’il a formalisées dans les années soixante ont besoin d’être revisitées à l’aune du XXIe siècle. Par qui ? Pas sûr que les cartographes soient les mieux placés…

Le constat est sans appel : la sémiologie graphique ne fait plus recette chez les étudiants en géographie, géomatique et autres cycles liés au territoire. Ils font tous des cartes mais n’ont qu’une vague idée de l’ensemble des règles formalisées par Jacques Bertin dans son traité sur la Sémiologie graphique paru en 1967. 68 % des étudiants de licence 3 de géographie et aménagement du territoire de l’université Paul Valéry à Montpellier n’en ont même jamais entendu parler ! Pourtant, « le XXIe siècle sera graphique ou pas » comme se plaît à le rappeler Luc de Golbéry, qui a formé des générations de cartographes à l’université de Rouen. D’où vient cette dichotomie ?

Un enseignement délaissé

Enseignants, chercheurs et praticiens ont tenté de répondre à cette question lors d’une rencontre « Enseigner la sémiologie », les 22 et 23 mai derniers à Montpellier. Plusieurs éléments sont avancés : le manque d’enseignants chercheurs qui se consacrent au sujet, généralement laissé aux mains des ingénieurs d’études ; le manque d’heures de cours dédiées à la création cartographique par rapport à celui consacré à la manipulation des outils (statistique, SIG) ; le manque de recherche sur le sujet ; sa non prise en compte dans les logiciels SIG qui permettent toujours de produire des « horreurs cartographiques »… Pourtant, les expériences d’enseignement relatées par quelques équipes montrent bien que les étudiants apprécient de maîtriser ces quelques règles de bon sens visuel, surtout quand l’apprentissage s’appuie sur l’expérimentation pratique.

Une approche à renouveler

La vraie question ne semble pas être celle de la réhabilitation d’une « grammaire » datée, mais plutôt sa réinvention à l’heure du numérique et des outils en ligne. Sur ce point, le travail de Laurent Jégou, enseignant chercheur à l’université de Toulouse Le Mirail, sur la couleur est d’un grand intérêt. Il en analyse et réhabilite la dimension esthétique, dont l’impact va au-delà des seules notions de teinte, de valeur et de saturation. Il milite ainsi pour des cartes « plus profondes dans leur communication », agréables et, du coup, plus efficaces. Et il profite d’Internet pour proposer des outils permettant de générer des gammes colorées à une, deux ou trois variables. Françoise Bahoken, en poste à l’IFSTTAR s’est intéressée, elle, à d’autres modes de représentation des flux.

« Dans “Le triomphe de Bacchus” d’Eugène Delacroix, le ciel présente des teintes allant de l’orangé au bleu, en passant par la gamme des verts de manière presque ininterrompue, dans une saturation moyenne. Ce dégradé peut devenir un gradient de couleur intéressant à réutiliser dans une carte choroplèthe, » explique Laurent Jégou sur son site Harmonies colorées.

« Dans “Le triomphe de Bacchus” d’Eugène Delacroix, le ciel présente des teintes allant de l’orangé au bleu, en passant par la gamme des verts de manière presque ininterrompue, dans une saturation moyenne. Ce dégradé peut devenir un gradient de couleur intéressant à réutiliser dans une carte choroplèthe, » explique Laurent Jégou sur son site Harmonies colorées.

La prolifération des cartes dans la presse, sur Internet, réalisées par des amateurs et des professionnels qui ne sont pas passés par la case cartographie dans leur éventuel cursus académique, amène son lot de cartes illisibles et la sucette Google semble être devenue la base d’un langage universel. Mais cette prolifération a également ses bonnes surprises et il serait dangereux de rejeter la production de masse au nom des multiples transgressions d’une loi quasiment canonique pour certains. N’oublions pas que les spécialistes de la data visualisation (voir notre dossier de janvier dernier ou l’intervention de Claude-Henri Mélédo lors des Rencontres DécryptaGéo) ont bien souvent lu leur Bertin. Mais ils l’ont confronté à d’autres influences et ont fait leur chemin dans l’art et la manière de délivrer des messages clairs à l’aide de formes graphiques.

La sémiologie graphique en bref

Définie par Michèle Béguin et Denis Pumain comme « un ensemble de règles permettant l’utilisation d’un système graphique de signes pour la transmission d’une information », la sémiologie graphique identifie un certain nombre de variables visuelles (forme, valeur, couleur, orientation, taille…), qui, correctement combinées, facilitent la bonne transmission de l’information via la carte et permettent à l’œil humain de percevoir correctement des rapports de proportionnalité, d’ordre, des relations de ressemblance, etc.

À lire :

La Représentation des données géographiques. Statistique et cartographie par Michèle Béguin et Denise Pumain (Armand Colin, 1994)
Sémiologie graphique par Jacques Bertin (Mouton/Gauthier-Villars, 1967)
Aux sources de la sémiologie graphique par Gilles Palsky et Marie-Claire Robic (article de paru sur Cybergéo en 1997)

 

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