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Thibaut Sardier : infatigable géopasseur

| 21 octobre 2020 | 0 commentaire

Catégorie: Cartographie, Formation, Grand public, Livres, Arts, Expos, Portraits

Thibaut Sardier, 32 ans, agrégé de géographie, youtubeur, entendu sur les ondes de France Culture et d’Arte, aujourd’hui journaliste à Libération, est ce qu’il est convenu d’appeler un passeur. Très engagé dans l’organisation du Festival International de Géographie de Saint-Dié, il vient de publier un ouvrage « Quand la géo explique le monde » aux éditions Autrement qui porte un regard géographique sur le monde d’aujourd’hui à travers 30 questions d’actualité. Portrait.

Thibaut Sardier

Thibaut Sardier au Festival International de la Géographie de Saint-Dié 2020

Petit, Thibaut se rêvait journaliste car curieux de tout, mais c’est la géographie qui le happe en premier. Où l’avait-il rencontré ? « Même si je me revendique comme un parisien convaincu, je passais toutes mes vacances chez mes grands-parents dans le Puy de Dôme, explique-t-il. J’y ai découvert les volcans, les balades, l’observation des paysages. »

De la géo au journalisme et bilatéralement

Bon élève, il suit ce qu’il est convenu d’appeler un parcours sans faute : Hypokhâgne et Khâgne au Lycée Henri IV à Paris, École Normale Supérieure à Lyon, Agrégation de géographie… un rêve. « J’ai beaucoup aimé mes cours de géographie en classes prépa, j’adorais les cartes et les croquis géographiques. » Pourtant, il ne renonce pas au journalisme. À Lyon, il lance la radio étudiante de l’ENS et imagine une émission sur les grands espaces, qui lui donne l’occasion de partir « sur le terrain » avec d’autres géographes.

Généraliste ou spécialiste ? Porté par l’institution, le jeune normalien hésite à se lancer dans une thèse sur la façon dont nos smartphones changent nos pratiques spatiales. Et opte finalement pour un poste de professeur d’histoire-géographie, qu’il occupe à mi-temps, afin de continuer à faire des piges. C’est ainsi qu’il intervient régulièrement sur les ondes de France Culture. « Je sentais qu’il y avait quelque chose à faire pour que les géographes aient plus de place dans le débat public et les médias. J’apprécie de me situer entre le monde universitaire et le grand public. C’est un plaisir que j’ai éprouvé en tant qu’enseignant, en transmettant mon goût pour la géographie aux plus jeunes. »

Thibaut Sardier

(FIG2020)

Ennuyeuse la géographie ? Outre ses cours, Thibaut Sardier lance sa chaîne YouTube, baptisée « Point G » (G comme géographie bien sûr !). Le ton est donné : papier, carton, crayons, anecdotes et concepts, humour et engagement… Le jeune géographe s’approprie sans peine les codes des youtubeurs pour parler d’Europe, de frontières, de géographie électorale, de mobilité, de révolutions, d’engagement… Repéré par Arte en 2017, il met la géo à l’honneur et remplace Xavier Mauduit le temps d’un été dans 28 minutes. « L’expérience m’a beaucoup plu et m’a permis de montrer des cartes ». Contacté par Libération, il commence par un remplacement avant de devenir journaliste à plein temps dans la rubrique Idées. « Je continue à y parler de géographie quand c’est justifié, mais j’aborde de nombreux autres sujets, en lien avec l’ensemble des sciences humaines et sociales ».

Thibaut Sardier

« Point G » la chaîne YouTube de Thibaut Sardier – 14 épisodes à déguster sans modération, et peut-être de nouveaux à venir…

La géo, ça sert à expliquer le monde

Dans ses articles, Thibaut Sardier met souvent la géographie sur la table des débats d’actualité, résumant thèses et articles scientifiques qu’il dévore inlassablement. « Les sujets géographiques sont de plus en plus présents dans l’actualité. Le changement climatique, les méga-feux, les nouvelles mobilités, les canicules urbaines… les géographes ont beaucoup à dire. » Il leur donne également la parole dans l’ouvrage qu’il vient de publier aux éditions Autrement « Quand la géo explique le monde, 30 phénomènes que vous ne connaissez pas encore ». Avec son style enlevé, il rend compte de questions éminemment géographiques à travers textes, cartes et schémas crayonnés : les feux de forêts, la ZAD de Notre-Dame des Landes, les JO, Le Louvre et ses déclinaisons, la déforestation, la vie nocturne, la biodiversité, les quartiers gays, le harcèlement des femmes dans les transports en commun, les poubelles et les décharges…

Thibaut Sardier

« Quand la géo explique le monde, 30 phénomènes que vous ne connaissez pas encore » de Thibaut Sardier, Éditions Autrement, 19.90 € dans une bonne librairie près de chez vous.

« Je voulais que ce soit un ouvrage tout public, accessible aux lycéens, aux étudiants mais également à de simples curieux. Que ceux qui travaillent dans la géographie puissent l’offrir à leurs amis à Noël afin de leur faire comprendre l’intérêt de la géographie, ce qu’elle dit du monde d’aujourd’hui, en la mobilisant sur des sujets qui ne sont pas perçus a priori comme des sujets géographiques ».

Le nez en l’air et le crayon à la main

Même s’il est un grand consommateur d’outils géonumériques et qu’il utilise souvent Google Maps dont il a hâte de tester la nouvelle interface en réalité augmentée, Thibaut Sardier appelle à la vigilance. « Nous ne devons pas perdre de vue les espaces dans lesquels nous nous déplaçons en suivant la petite punaise bleue. Beaucoup de personnes sont limitées dans leurs déplacements, soit parce qu’elles sont handicapées, soit parce qu’elles n’ont pas accès aux codes spatiaux. Il ne faut pas oublier les autres repaires de la mobilité, qui nous permettent de maîtriser nos itinéraires. C’est pour cela que j’aime beaucoup l’application Dérive, qui ne propose qu’une boussole. Ainsi, on continue à faire des choix, à lever le nez. »

Thibaut Sardier

Chapitre sur les feux de forêt

Quand il s’agit de cartes, Thibaut fait également preuve de distance. « J’aime l’exercice du croquis, il permet de s’approprier la logique des problématiques territoriales et spatiales. Je suis peu parti sur le terrain car je voyage peu. Le croquis est une façon de surmonter cette difficulté. » Même en étant conscient que les recherches dont il fait part s’appuient souvent sur des analyses de données spatiales, il choisit de faire ses cartes à la main, ce qui est également une façon de démystifier la cartographie en tant que pratique de spécialistes. « La géographie ne se résume pas à la carte. C’est un outil puissant mais certains changements sont difficiles à illustrer. Il faut mobilier plusieurs types de représentations. » Le thème du Corps, qu’il a choisi pour le Festival International de la Géographie de Saint-Dié, en tant que nouveau président de l’association de développement du FIG (ADFIG) donnera certainement lieu à de nombreuses représentations originales. « Montrer comment les pratiques de l’espace sont liées à nos corps, à travers les notions de genre, mais également d’âge, de façon d’habiter, de groupe social… Ça va être passionnant. » Rendez-vous du 1er au 3 octobre 2021 !

 

 

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