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CartONG, la petite association qui fait grandir les autres

| 14 février 2018

Catégorie: Cartographie, Données, Imagerie, Institutions, Logiciels, Open Data, Portraits, WebMapping

1 081 mots, environ 5 minutes de lecture

CartONG fête cette année ses douze ans. Douze ans de réalisations qui ont permis à de nombreuses organisations humanitaires d’apprivoiser l’information géographique et de l’ancrer dans leurs savoir-faire. Douze ans à prôner le partage et l’ouverture des données. Douze ans d’un travail de fourmi, dans l’ombre des grandes crises.

Une partie des salariés t des bénévoles de CartONG.

Une partie des salariés et des bénévoles de CartONG.

Quand on est une ONG, c’est toujours bien de pouvoir afficher le nombre de puits creusés, de maisons reconstruites, de foyers secourus ou d’enfants sauvés… Malheureusement chez CartONG, le bilan n’est pas aussi voyant. Il se compte en applications installées, en cartes diffusées, en journées de formation, en données géographiques structurées et… en tasses de café. Et pourtant, l’action de l’ONG dédiée à la géomatique est fondamentale. Grâce à elle, le petit monde des organisations humanitaires a progressivement compris comment l’information géographique pouvait durablement l’aider dans ses missions.

C’est en 2006 que Yann Rebois (aujourd’hui à la Croix Rouge Internationale) et Sandra Sudhoff, aujourd’hui directrice technique, créent l’association à Chambéry. Tous deux consultants indépendants pour le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR), ils souhaitent ainsi sécuriser leurs contrats, toujours précaires quand il s’agit de travailler pour les agences onusiennes. C’est d’ailleurs avec le HCR que l’ONG va trouver ses premiers contrats. Grâce à CartONG, d’autres ONG arrivent à mobiliser un savoir-faire géomatique, à disposer de ressources jusque-là inatteignables. Mais rapidement, un projet plus large émerge, qui mise sur la mutualisation des données et des outils. « Il fallait sortir de la logique du « one shot » », rappelle Martin Noblecourt qui a rejoint l’équipe en 2012. Pour les fondateurs, il est important de sécuriser les connaissances sur la durée, que chacun acquiert de bons réflexes en matière d’organisation des données et des outils.

Aux côtés d’OpenStreetMap

Côté données, l’association décide de miser sur OpenStreetMap (OSM). En 2006, le projet est encore balbutiant, mais les fondamentaux sont déjà là : une structuration simple des données, une organisation autour d’une plateforme collaborative, une licence qui garantit l’accès à tous. En 2010, le projet acquiert ses lettres de noblesse dans l’humanitaire lors du séisme en Haïti. Aujourd’hui, CartONG pousse les ONG à saisir et structurer des données dans OSM, mais elle s’appuie également sur les réseaux de volontaires pour les projets les plus lourds. Avec l’aide des bénévoles de HOT (ONG OSM dédié aux actions humanitaires), des données essentielles seront par exemple saisies dans le cadre de la lutte contre le virus Ebola. OSM, c’est également le projet Missing Maps, coordonné chez CartONG par Violaine Doutreleau. Des dizaines de volontaires y donnent un peu (ou beaucoup) de leur temps pour cartographier les zones touchées par les catastrophes majeures, dans le cadre de carto parties, mapathons, ou lors d’appels spécifiques, souvent à l’aide d’images satellites ou aériennes.

Des géomaticiens avertis

Mais le savoir-faire de CartONG s’est aussi développé sur les outils SIG au service des équipes de terrain et des chefs de projets. Déployer rapidement des drones pour cartographier un camp de réfugié, enquêter sur les personnes touchées par une épidémie, rendre compte de l’efficacité de certains programmes, produire une carte d’évaluation des dégâts… l’association est intervenu près d’une centaine de fois depuis sa création, dans le monde entier. Action contre la Faim, la Croix Rouge Internationale, Médecins sans Frontières Suisse, Terre des Hommes,… nombreuses sont les organisations qui ont développé des outils SIG grâce à CartONG. L’équipe connaît bien la plateforme ArcGIS et QGIS, mais se veut agnostique en matière de logiciels. Qu’il s’agisse de mettre en place des outils assurant la circulation de l’information, la création de cartes ou des SIG Web… CartONG a su s’adapter à toutes les demandes qu’elles concernent l’urgence ou l’aide au développement. Dernièrement, elle vient par exemple de boucler une plateforme pour le HCR, qui permet à la fois de répertorier les camps gérés par l’organisation et d’accéder à leur cartographie détaillée. L’association a été précurseur sur les logiciels de saisie et d’enquête terrain, exploitables dans les conditions les plus rustiques. Ainsi, elle vient de finir les tests en situation réelle et la documentation d’une application pour les relevés de parcelles agricoles et forestières (GeoPoppy).

Pour l'UNHCR, CartONG a développé un webSIG sur les camps qui associe informations très détaillées et vision d'ensemble.

Pour l’UNHCR, CartONG a développé un webSIG sur les camps qui associe informations très détaillées et vision d’ensemble.

Pour une géomatique durable

Au-delà des outils et des crises, CartONG milite pour que les ONG deviennent autonomes en matière d’information géographique. En misant sur la formation, l’accompagnement, la documentation et l’ouverture des données, les organisations gagnent en capacité et fiabilisent les savoir-faire qu’elles acquièrent. « C’est un peu notre marque de fabrique, se félicite Martin Noblecourt. Nous avons par exemple fini un travail pour Terre des Hommes sur la formation et la documentation des outils de collecte mobile. Tout est publié en licence Creative Commons afin de faciliter leur appropriation par d’autres. »

Afin de garantir la diffusion des bonnes pratiques, rien ne vaut une documentation ouverte.

Afin de garantir la diffusion des bonnes pratiques, rien ne vaut une documentation ouverte. (Boîte à outils collecte de données sur mobile)

L’association ne déploie pas de bénévoles en situation d’urgence. « C’est très compliqué et lourd à mettre en place. Nous travaillons avec des ONG spécialisées pour cela. Par contre, nous soutenons les équipes de terrain ». C’est plutôt dans le cadre de projets d’aide au développement que des bénévoles partent en mission. Violaine Doutreleau a passé plusieurs semaines à Madagascar, un pays où elle avait déjà vécu et travaillé, pour participer à la mise en place de la communauté OpenStreetMap. Aujourd’hui, une équipe d’une soixantaine de bénévoles, quasiment de 7 à 77 ans, travaille main dans la main avec la quinzaine de salariés de l’association. « Certains projets sont vraiment gérés par les bénévoles, qui sont quasiment autonomes. Sur d’autres, les salariés ont plus la main… c’est très variable » détaille Nina Flore Eissen, en charge de la communication. Finalement, la règle est simple : chacun doit y trouver son compte.

Bénévoles, salariés qui travaillent à distance... régulièrement, tout le monde se retrouve à Chambéry pour discuter des projets.

Bénévoles, salariés qui travaillent à distance… régulièrement, tout le monde se retrouve à Chambéry pour discuter des projets.

Mais si CartONG est bien connu dans le petit monde de la géomatique et des ONG, elle a du mal à recruter des profils plus informatiques et à attirer les bailleurs. Désormais, les géomaticiens sont entourés par des spécialistes de la gestion, du montage et du suivi de projets. Chaque levée de fonds est un véritable parcours du combattant. Même sans grande visibilité, CartONG a réussi à bénéficier d’un soutien direct de l’Agence Française de Développement en 2017. Une première qui fait la fierté de l’équipe, qui défend une logique peu médiatique.

  • Fin octobre, CartONG organisera la sixième édition du forum GeOnG, qui rassemblera à Chambéry les acteurs de l’humanitaire et les professionnels de la gestion de l’information géographique et cartographique.
  • Pour découvrir les missions déjà menées par CartONG, rendez-vous sur Internet :
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