Festival International de Géographie
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Placé sous le thème de l’urgence et avec comme pays invité le Chili, l’édition 2023 du FIG se construit.
APPEL A COMMUNICATIONS – FIG 2023 – « URGENCES »
Qu’est-ce que la géographie a à dire sur les urgences ?
1. Vulnérabilités
Comment certains territoires sont-ils, plus que d’autres, concernés par des formes d’urgences, qu’elles soient sociales, écologiques, sanitaires, démocratiques ou militaires. Une géographie des urgences devrait d’abord élaborer une analyse des vulnérabilités que la multiplication des aléas rend saillantes. La vulnérabilité sociale peut être énergétique et sanitaire, ou naître encore de l’exposition aux risques naturels ou industriels. À titre d’exemple, la crise de la Covid-19 a montré combien les populations les plus pauvres étaient les plus sujettes à pâtir du virus. Il s’agira donc dans un premier temps de proposer un état des lieux des vulnérabilités et de leurs causes profondes, en s’attachant à leur dimension spatiale : l’exposition au risque est le résultat combiné de vulnérabilités, d’exposition à l’aléa et de maladaptation qu’il s’agira de penser ensemble et à plusieurs échelles, du local au global.
Penser les formes de vulnérabilité, c’est aussi s’attacher à celles des organismes de prévention et de réduction des risques, et au premier chef celles de l’État. En quoi peut-on dire que l’État a failli lorsqu’il n’a pas su parer aux urgences ? Dans quelle mesure l’État est-il lui-même vulnérable ? Peut-on dire qu’il a été affaibli dans sa capacité à prévoir et gérer les urgences ?
L’objectif de ce premier axe est double : il doit d’une part amener à une meilleure compréhension géographique des vulnérabilités, dans une optique descriptive, mais surtout aborder les processus de « mise en vulnérabilité », par une analyse de leur production.
2. Anticipation et préparation
La notion d’urgence n’est a priori pas évidente pour la géographie. Mais celle de « crise », plus habituelle dans le vocabulaire géographique, apparaît plus restrictive. Alors que la crise désigne une sortie du fonctionnement normal pour entrer dans un mode « dégradé », l’urgence comprend aussi une forme d’injonction à agir en amont des basculements.
Ainsi, parler d’urgence plutôt que de crise permet d’analyser ce qu’une telle situation invite à anticiper, à préparer et à parer. Se focaliser sur l’urgence, c’est donc d’abord se positionner dans les constructions politiques et territoriales spécifiques qui cherchent à agir avant la crise, dans son anticipation si ce n’est sa prévention. À ce titre, on proposera ici d’analyser comment individus, groupes et organisations notamment politiques anticipent l’urgence, en s’attachant par exemple à la production de plans de prévention.
Le pluriel – urgences – vise spécifiquement à interroger le contexte contemporain : comment anticiper et se préparer à une multitude d’urgences ? Il ne s’agit pas d’en faire un catalogue pour indiquer une différence de degré, mais bien de souligner la différence de nature en jeu dans ce qui vient, et qui est parfois appréhendé à travers la notion d’anthropocène. La conjugaison du régime climatique contemporain, du retour de la guerre de « haute intensité » et des formes de précarité multiples pourrait bien représenter un changement majeur à venir. Penser les urgences, c’est donc d’abord s’interroger sur notre capacité à prévoir et à imaginer celles qui viennent.
3. Absorption, adaptation, mobilisation
Une géographie des urgences s’attachera ensuite aux capacités d’adaptation, à plusieurs échelles, à commencer par l’échelle de l’individu, voire du sujet. Dans l’urgence, les individus sont soumis à des contraintes et des tensions telles qu’ils en perdent bien souvent la capacité de rendre intelligible ce qui arrive. On comprend alors l’importance qu’il peut y avoir à s’intéresser à ces moments d’urgence, souvent ponctuels, qui impliquent des reconfigurations du rapport individuel au temps et, bien entendu, à l’espace. Ces reconfigurations ont aussi cours dès lors qu’on s’intéresse à l’échelle supra-individuelle : par quels moyens et avec quelles ressources un groupe, une communauté politique absorbent-t-ils l’urgence pour modifier leur propriétés et mieux encaisser le choc ? La question des dispositifs politiques de la gestion de l’urgence est ici au coeur du sujet, l’exemple de la succession des états d’urgence, y compris sanitaire, depuis les attentats de 2015, ouvrant la voie à un régime juridique d’exception, étant le plus parlant.
On s’attachera par ailleurs à la dimension spatiale et temporelle des transitions : à quelle vitesse nos infrastructures, nos réseaux et plus généralement nos territoires sont-ils capables de s’adapter à l’urgence ? Les transitions à l’oeuvre aujourd’hui sont-elles adaptées au caractère urgent des changements globaux que nous traversons ? La question sous-jacente est ici celle de la territorialisation de l’urgence, ou comment l’urgence produit des territoires nouveaux, souvent labiles et flexibles, et pour quelle pérennité ?
Enfin, passé le choc, dans ces moments d’urgence réside aussi un potentiel de mobilisation, de résistance, de subversion et de réinvention. Il s’agira ici de s’attacher aux possibles qu’ouvrent ces périodes de crise, soit parce qu’elles pointent le caractère invivable et inacceptable du monde tel qu’il est, soit parce qu’elles permettent de faire émerger des fenêtres d’opportunités pour imaginer des « mondes d’après ».
4. Un axe transversal : la spatialité des acteurs de la gestion de l’urgence
De la même manière que certains travaux d’anthropologie se sont concentrés sur le « monde des catastrophes », il s’agira ici de mettre en discussion la pluralité des acteurs de la gestion des urgences : sanitaires bien entendu, mais aussi militaires, humanitaires, environnementaux, médico-sociaux, parmi d’autres. Ces secteurs professionnels sont au coeur des dispositifs dits de « gestion de crise ». Ils agissent à plusieurs échelles, depuis les personnels mobilisés sur des évènements ponctuels et localisés, jusqu’à des déploiements militaires ou humanitaires sur des théâtres d’opérations importants, pour plusieurs années. Cet axe invite à réinterroger l’ensemble des 3 axes précédents à l’aune de cette grille de lecture : qui gère les urgences ? Quelle est la spatialité propre de ces acteurs ? Dans quel dispositif institutionnel et selon quelles temporalités agissent-ils ?
Des propositions diverses, pour un public varié
Le Festival n’est pas un événement scientifique ordinaire. Plus de 150 événements seront organisés sur trois jours dans tout Saint-Dié-des-Vosges et dans certaines communes voisines, sous différents formats. Ils se répartissent en trois grandes catégories :
– tables rondes, conférences plénières, cafés géo, présentations de thèse, etc. ;
– ateliers ;
– sorties de terrain à Saint-Dié-des-Vosges ou aux alentours.
Le public du Festival est composé à la fois de chercheur·ses confirmé·es et d’autres encore en herbe, d’étudiant·es et d’élèves de tous niveaux, d’habitant·es de la région et de passionné·es venu·es de loin, ou encore d’enseignant·es du secondaire en recherche d’outils et de contenus pédagogiques.
Cette diversité du public favorise une grande variété de formats de communications : les interventions portant sur des recherches récentes seront acceptées au même titre que des présentations abordant une question de manière plus transversale, par exemple en présentant le parcours scientifique d’un·e chercheur·se. Des propositions d’ateliers sont également bienvenues, soit spécifiquement à destination des enseignant·es pour permettre l’expérimentation de pratiques pédagogiques, soit à destination d’un public plus large : observation de photos ou de documents, productions graphiques ou cartographiques, visites de terrain, observations in situ, écoutes collectives, débats mouvants, arpentages de textes, toutes les possibilités sont à explorer.
Florian Opillard,
directeur scientifique du FIG 2023,
avec l’équipe d’appui à la programmation scientifique :
Lise Desvallées, Virginie Duvat Magnan, Michel Lussault, Etienne Walker
Victoria Kapps,
directrice du FIG
Thibaut Sardier,
président de l’ADFIG