Carto, champion de la « location intelligence »
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En cinq ans, Carto, petite firme espagnole, s’est imposée comme l’un des acteurs de la cartographie en ligne, avec des clients dans de nombreux domaines. Elle vise un marché encore émergent : celui de la « location intelligence ». Explications avec Javier de la Torre, l’un de ses fondateurs et PDG de l’entreprise.
« Les choses étaient beaucoup plus claires il y a dix ans » glisse dans un sourire Javier de la Torre, de passage à Paris pour le salon VivaTech, où Carto est accueillie sur le stand de Cisco.
Pourtant, il y a dix ans, ce jeune Espagnol, diplômé en ingénierie agricole et en sciences environnementales montait déjà sa première entreprise, Vizzuality, en compagnie de Sergio Àlvarez Leiva, spécialiste de la visualisation des données. Après avoir baigné dans les SIG, Javier voulait faciliter le travail des scientifiques et réaliser une cartographie interactive de l’ensemble de la biodiversité. « Représenter 500 millions d’espèces différentes ? Je me suis vite rendu compte que c’était infaisable, que la technologie SIG n’était pas prête, incapable d’absorber de tels volumes de données. »
Premiers développements
Javier et Sergio se mettent donc au travail avec trois idées en tête : trouver le moyen de gérer de très grands volumes de données, exploiter le Cloud et rendre les résultats accessibles à des néophytes. Bref, de nouvelles données, de nouvelles analyses et de nouveaux publics. Mais l’équipe ne part pas d’une feuille blanche. Même éloignée du monde traditionnel des SIG, elle décide de s’appuyer sur des composants connus. « Nous avons réalisé nos développements à partir de briques open source, c’était la meilleure stratégie à avoir. » Aujourd’hui encore, plusieurs membres de l’équipe de Carto sont très impliqués dans le développement de PostGIS.
Alors que Vizzuality continue à prospérer, centré sur l’analyse de données environnementales, Javier et Sergio entament les développements d’un framework, CartoDB. Le produit dont ils ont besoin pour leurs études peut désormais servir à d’autres. En 2012, l’entreprise éponyme est créée. Les premiers clients viennent effectivement plutôt du monde scientifique, tels que le World Resource Institute sur la déforestation, ou des médias qui y découvrent un outil idéal pour le data journalisme.
Au-dessus de la géolocalisation, à côté des SIG et au cœur de la Business intelligence
Mais les créateurs de Carto veulent aller plus loin et partir à l’attaque d’un bien plus gros marché : celui de la business Intelligence, des SAP, des Qlik, des Tableau, des Microsoft… Aujourd’hui, Carto se positionne comme un spécialiste de la « Location intelligence ». Même si les éditeurs traditionnels de SIG ont également pris ce virage comme Pitney Bowes (MapInfo) ou Esri, Carto fait figure de « pure player », bien décidé à capter une part importante d’un marché au croisement des services de géolocalisation (Google, Here, TomTom…), des SIG et de la Business Intelligence.
Après deux tours de table qui lui ont permis de récolter 31 millions de dollars de financement (principalement Accel et Salesforce Venture), l’entreprise s’est rebaptisée Carto en 2016 : un nom simple et direct, comme les visualisations qu’elle propose. Elle a désormais trois offres à son catalogue. Carto Builder pour ceux qui veulent créer des cartes, accessible uniquement en mode SaaS, selon un modèle freemium. Par simple glissé/déposé, l’utilisateur y visualise ses données, les compare, suit ses indicateurs, dans l’espace et dans le temps. Carto Engine est constitué d’un ensemble d’API et de kits de développements pour les développeurs d’applications. Un Data Observatory est également proposé, avec des données de cadrage sur un certain nombre pays. Là encore, Carto ne se contente pas de reprendre les bases de données démographiques officielles disponibles en open data. L’éditeur inclut également des données originales sur les populations présentes par maille de 500 mètres de côté (partenariat avec Telefonica), des données financières afin de fournir « une couche sur la température économique des territoires ».
Un marché mondial
« Nous sommes présents sur quatre marchés principaux : les banques, les télécommunications, les villes et le commerce de détail. » BBVA, Bloomberg, Orange en Espagne, Les villes de New York et de Mexico, mais également journaux et associations… Avec 200 000 utilisateurs, l’éditeur ne manque pas de références et réalise 60 % de son chiffre d’affaires aux États-Unis où Javier de la Torre s’est installé. L’Espagne reste son second marché, mais Carto a décidé de se faire une place en France. Elle a ouvert un bureau parisien, confié à Christophe Caron, un ancien d’Esri France. Elle s’appuie également sur un réseau de partenaires tels que Capgemini, Geofit, Accenture et Infostat Marketing.
Bien décidé à extraire toute la valeur des données géolocalisées, Javier de la Torre entend faire de Carto un acteur incontournable. « C’est une course, reconnaît-il, et à la fin, c’est peut-être Amazon qui gagnera tout. » D’ici là, il court le monde pour expliquer la puissance des cartes. Comme cet après-midi, à VivaTech où il enchaîne les démonstrations.
La mise en œuvre de Carto est bien plus simple que la grosse artillerie de la concurrence !