INSEE Focus : Logements suroccupés, personnes âgées isolées… : des conditions de confinement diverses selon les territoires
Catégorie: Cartographie, Données, Ressources diverses
Les mesures de confinement mises en place depuis le 17 mars 2020 touchent de façon différenciée les populations, selon le type de logement qu’elles occupent ou la composition de leur ménage. Cinq millions de personnes vivent dans un logement au nombre de pièces insuffisant. Par ailleurs, dix millions de personnes, dont 2,4 millions de 75 ans ou plus, vivent seules dans leur logement. En période de confinement, certaines populations peuvent être davantage fragilisées : les familles monoparentales avec de jeunes enfants dans des logements trop petits ou les personnes âgées vivant seules, dans des zones rurales éloignées des commerces d’alimentation générale. Si les technologies numériques peuvent faciliter l’accès à la vie économique et sociale ou permettre de rester en contact avec les siens, les populations âgées ou peu diplômées en sont davantage privées, ayant moins accès à Internet et des difficultés accrues à les mobiliser.
Insee Focus No 189 – avril 2020
Cinq millions de personnes vivent dans un logement « suroccupé »
Depuis le 17 mars 2020, des règles de confinement strictes sont en vigueur en France pour faire face à la crise sanitaire liée au Covid-19. Dans ce contexte exceptionnel, les conditions de logement impactent plus que jamais la qualité de vie du quotidien. Si l’annonce du confinement et sa mise en place ont pu s’accompagner de mouvements de population [Insee,2020], près des deux tiers de la population vit habituellement dans une maison, laquelle possède un jardin dans 95 % des cas. Mais plus d’un tiers vit en appartement, où l’accès à l’extérieur est plus restreint : en 2013, seules 6,2 % des résidences principales en immeuble collectif possédaient ainsi des espaces privatifs comme un jardin, un terrain ou une cour (sources).
En 2016, plus de 5 millions de personnes, soit 8,2 % de la population hors Mayotte, vivent dans un logement suroccupé, c’est-à-dire qu’elles vivent à deux ou plus dans un logement où le nombre de pièces est insuffisant au regard de la taille de leur ménage. Cette situation touche 3,2 % de la population vivant en maison et 16,5 % de celle vivant en appartement.
Les ménages concernés résident majoritairement dans les grandes agglomérations. 74 % des ménages vivant dans un logement suroccupé habitent dans une agglomération de plus de 100 000 habitants, dont 40 % dans l’agglomération parisienne.
La suroccupation ne concerne que 2,3 % des ménages dans les agglomérations de moins de 10 000 habitants, mais 5,3 % dans celles de plus de 100 000 habitants et atteint 13,7 % dans l’agglomération parisienne (figure 1). Certaines grandes agglomérations sont particulièrement concernées, comme Nice (11,7 % des ménages), Creil (9,0 %), Marseille (8,6 %) ou encore Montpellier (7,3 %).
En métropole, l’Île-de-France (12,7 %) et Provence-Alpes Côte d’Azur (7,5 %) sont les deux régions où la suroccupation des logements est la plus forte (figure 2). La situation est encore plus marquée dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) de ces régions, où respectivement 25,4 % et 18,0 % des ménages vivent dans un logement suroccupé, ce taux pouvant dépasser 35 % dans certains QPV.
La suroccupation est aussi importante en Corse (6,1 %), région où la moitié de la population vit en appartement. Elle est également très forte dans les DOM (34,5 % en Guyane, 10,4 % à La Réunion, 9,0 % en Martinique et 8,7 % en Guadeloupe).
Un couple avec enfants de moins de 10 ans sur dix vit dans un logement suroccupé
La composition du ménage influe fortement sur les situations de suroccupation. Seulement 1,7 % des couples sans enfant vivent dans un logement suroccupé, alors qu’il manque au moins une pièce à 8,1 % des couples avec enfants et à 18,1 % des familles monoparentales (figure 3). En période de confinement, la situation peut être d’autant plus délicate avec de jeunes enfants. Or, parmi les couples ayant un ou plusieurs enfants de moins de 10 ans, 9,9 % vivent dans un logement suroccupé. Ce taux de suroccupation grimpe à 25,0 % chez les familles monoparentales ayant un ou plusieurs enfants en dessous de cet âge.
Certains territoires abritent une forte proportion de personnes (plus de 10 %) vivant en famille monoparentale et en appartement, notamment dans les DOM, à Marseille ou Belfort. Parmi elles, la présence de plusieurs enfants de moins de 10 ans s’avère élevée, notamment dans les DOM mais également dans les agglomérations de Lille, Brest ou Évreux.
10,5 millions de personnes vivent seules dans leur logement, près d’un quart a 75 ans ou plus
En cette période de confinement, les personnes vivant seules peuvent être particulièrement vulnérables. L’isolement est en effet susceptible d’avoir des conséquences sur le moral mais aussi sur la santé, et peut complexifier les actes indispensables de la vie quotidienne (faire ses courses, se faire soigner…).
En France, 10,5 millions de personnes vivent seules, soit 16 % de la population. Parmi elles, 2,4 millions sont âgées de 75 ans ou plus. Elles résident principalement dans les grandes agglomérations : plus de quatre sur dix vivent ainsi dans une agglomération d’au moins 100 000 habitants. Toutefois, une partie des personnes seules ont pu rejoindre leur famille à l’annonce du confinement, notamment parmi les personnes âgées et les étudiants.
Une part importante de la population du centre de la France est âgée de 75 ans ou plus et vit seule
Les personnes âgées vivant seules représentent une part importante de la population dans les territoires ruraux, en particulier ceux du centre de la France (figure 4a). Elles représentent 6,2 % des habitants de la Creuse et plus de 5,5 % des habitants de la Nièvre, de l’Indre, de l’Allier ou encore de la Corrèze.
Les personnes âgées sont d’autant plus fragilisées par la situation actuelle lorsque les achats de première nécessité, telles les courses alimentaires, impliquent de se rendre dans une autre commune : 13,3 % des personnes de 75 ans ou plus vivant seules résident en France dans une commune sans aucun commerce alimentaire généraliste (figure 4b). Ce taux s’élève à 45 % dans la Meuse ou la Haute-Saône.
Un isolement plus important pour les personnes pauvres ou porteuses de handicap
La pauvreté et la précarité, cumulées avec l’isolement, peuvent rendre le confinement encore plus difficile à vivre. 1,7 million de personnes seules vivent sous le seuil de pauvreté en France métropolitaine. En 2017, elles représentent 16,7 % de la population vivant seule, soit un taux de pauvreté supérieur à celui de l’ensemble de la population (14,1 %).
Fin 2018, en France, 1,2 million de personnes perçoivent l’allocation adulte handicapé (AAH), destinée à des personnes handicapées aux revenus modestes. Parmi elles, sept sur dix vivent seules et se retrouvent donc particulièrement isolées en situation de confinement, devant par ailleurs gérer les difficultés (physiques ou psychologiques) du quotidien. Ces adultes handicapés vivant seuls sont plus souvent des hommes (58 %) et 45 % d’entre eux ont plus de 50 ans.
Alléger le confinement grâce à Internet, une possibilité inégalement partagée
Dans la période actuelle, Internet permet d’entretenir un lien social, de télétravailler, de se détendre ou encore d’assurer la continuité pédagogique pour les élèves et les étudiants.
En France, en 2019, 12,0 % des personnes n’ont pas accès à Internet à leur domicile, quel que soit le type d’appareil (ordinateur, tablette ou téléphone portable). Cette part varie peu selon les territoires, de 14,1 % dans les plus petites agglomérations jusqu’à 8,2 % dans celle de Paris. Cette proportion de personnes n’ayant pas accès à Internet est en revanche nettement plus marquée pour les personnes plus âgées (53 % des 75 ans ou plus) et celles peu diplômées (34 % des personnes sans diplôme ou titulaires d’un certificat d’études primaires).
Parmi les enfants de moins de 17 ans, 2 % ne disposent pas, à leur domicile habituel, de l’abonnement ou du matériel pour se connecter à Internet. Cette part s’élève à 3,5 %, presque le double, pour les enfants des familles monoparentales.
Utiliser Internet ne garantit cependant pas de posséder les compétences numériques de base. 38 % des utilisateurs manquent ainsi au moins d’une compétence parmi la recherche d’information, l’utilisation de logiciels, la résolution de problèmes ou la communication et 7,5 % des utilisateurs ont des difficultés à communiquer à l’aide d’Internet, par messagerie ou par les réseaux sociaux.
Les données mobilisées dans cette publication sont issues :
- Recensement de la population : il fournit des statistiques sur le nombre d’habitants et sur leurs caractéristiques, notamment la répartition par sexe et âge, et les conditions de logement. L’étude mobilise les exploitations principales et complémentaires.
- Enquête Revenus fiscaux et sociaux (ERFS) : cette enquête vise à analyser les revenus suivant des critères sociodémographiques usuels (catégorie socioprofessionnelle et âge des personnes composant le ménage, taille du ménage, activité de chaque individu, etc.) et à mesurer le niveau de vie et la pauvreté monétaire des personnes.
- Enquête annuelle auprès des ménages sur les technologies de l’information et de la communication (TIC ménages) : elle permet de décrire l’équipement et les usages des ménages dans le domaine des technologies de l’information et de la communication (informatique, Internet fixe et mobile).
- Fichier Allstat FR6 décembre 2018 de la Caisse nationale d’allocations familiales : les données sur les allocataires CAF proviennent des fichiers des Caisses d’allocations familiales. Le champ est celui de l’ensemble des foyers allocataires ayant un droit versable à au moins une prestation au cours du mois de décembre, ou à une prestation versée en une seule fois (par exemple, allocation de rentrée scolaire) au cours de l’année.
Définitions
Suroccupation
La suroccupation est mesurée en rapportant la composition du ménage au nombre de pièces du logement ; les studios occupés par une personne étant exclus du champ. Le concept de suroccupation repose sur la composition du ménage et le nombre de pièces du logement. Un logement est suroccupé quand il lui manque au moins une pièce par rapport à la norme d’ « occupation normale », fondée sur : une pièce de séjour pour le ménage, une pièce pour chaque personne de référence de chaque famille occupant le logement, une pièce pour les personnes hors famille non célibataires ou les célibataires de 19 ans ou plus, et pour les célibataires de moins de 19 ans : une pièce pour deux enfants s’ils sont de même sexe ou ont moins de 7 ans, sinon, une pièce par enfant.
Cette notion de « suroccupation » diffère légèrement de la notion de « surpeuplement » pouvant être utilisée dans d’autres publications de l’Insee, en particulier celles issues de l’enquête nationale Logement. En effet, l’indice de peuplement des logements prend en compte, dans sa caractérisation du surpeuplement, la surface de certaines pièces, information qui n’est pas disponible dans le Recensement de la population.
L’allocation aux adultes handicapés (AAH)
est un complément de ressources permettant de garantir un revenu minimal aux personnes handicapées, sous
certaines conditions.
Institut national de la statistique et des études économiques – 88 avenue Verdier, 92541 Montrouge Cedex Directeur de la publication : Jean-Luc Tavernier