Décrypteur géonumérique tous azimuts
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Invité à ouvrir les Rencontres 2013, Henri Desbois est enseignant chercheur à l’Université de Paris Ouest Nanterre la Défense. Ce géographe universitaire questionne sans relâche les rapports entre les représentations spatiales et les dispositifs numériques. Il n’hésite pas à aller chercher dans la littérature matière à réflexion.
« J’aurais voulu être astronome. » Alors qu’il se passionne pour l’informatique familiale au club de son lycée dans les années 80, c’est bien un bac littéraire que passe Henri Desbois, dégoûté des sciences par un prof de première. Viennent ensuite les classes préparatoires, l’entrée à l’École normale supérieure, la spécialisation en géographie (au service d’un monde meilleur, dans la lignée de la géographie radicale américaine) et la thèse sur les structures agricoles au Japon. A priori, rien ne destinait cet universitaire « pur jus » à inaugurer les Rencontres SIG La Lettre et à questionner la place des techniques géonumériques dans notre société. Est-ce son côté « scientifique contrarié » comme il l’avoue lui-même qui l’a poussé à s’intéresser progressivement aux nouvelles technologies ?
Détour par la géographie militaire
Alors qu’il finit de rédiger sa thèse, il est détaché pendant deux ans à la DGA, qui accueillait régulièrement des agrégés de géographie. L’expérience lui fait découvrir un autre monde. « Jusqu’alors, je ne m’étais intéressé qu’en périphérie aux techniques numériques. Nous avions une licence MapInfo au laboratoire et un logiciel d’analyse d’images. Là, j’ai rencontré des gens qui savaient pourquoi ils utilisaient les SIG : envoyer un projectile d’un point A à un point B, pour faire simple et caricatural. » Fort de cette expérience, qu’il ne prolonge pas pour autant, il entame sa carrière d’enseignant universitaire, participe à plusieurs réseaux de chercheurs et questionne aujourd’hui nos rapports aux technologies.
Saturation de l’espace
« Notre environnement est saturé par la technologie, constate Henri Desbois. Depuis une dizaine d’années, un des champs où se déploie la technologie est l’espace, au service de sa mise en ordre, de son organisation, de sa planification. La ville virtuelle est devenue partie intégrante de la ville. On connaît les multiples avantages des techniques géonumériques. En montrant aussi ce qu’on perd, on pourrait peut-être les utiliser plus intelligemment, à des fins plus émancipatrices que celles pour lesquelles elles ont été conçues. »
Questionner les représentations de l’espace
Le chercheur s’intéresse désormais aux conséquences de la prolifération des technologies géonumériques sur les représentations de l’espace, qu’elles soient savantes (la cartographie officielle, les SIG) ou partagée et populaire. « Mon intérêt pour la fiction vient aussi de mes doutes sur les sciences humaines et sociales en tant que sciences. À mes yeux, le principal auteur de sciences sociales, c’est Proust. Comment connaissons-nous le monde ? Il y a bien sûr, l’expérience directe, mais elle reste limitée. Il y a ensuite l’école, qui a son importance. Mais ce que nous avons appris par la fiction, par les films, les romans, la culture populaire est bien plus important. L’idée que les gens se font d’une ville comme New-York ou Los Angeles, vient essentiellement de cette culture populaire. Cette culture a toute sa légitimité quand on veut analyser les représentations de l’espace et du monde. Et elle nous interroge sur la place des techniques, sur la militarisation de l’espace urbain. » Vaste chantier.