Fabricant de MNT, formation archiviste
Catégorie: 3D, Données, Entreprises, Imagerie, Marché, Reportages, Satellite/Spatial
Par Thierry Rousselin, TMCFTN
Au cours des quarante dernières années, les attentes et usages en matière de modèle numérique de terrain (MNT) mondial ont évolué. Mais jusqu’à récemment, les contraintes d’acquisition, de réalisation et de coût ont limité les initiatives. La situation change avec Vricon qui mise sur le big data.
Dans les années soixante-dix, le premier projet de MNT mondial fut la coproduction internationale militaire DLMS DTED, conçue pour répondre à des besoins de simulation et de navigation aérienne. Avec une maille de 3 secondes d’arc (environ 90 m), le projet était issu pour l’essentiel de la numérisation des courbes de niveau sur des cartes au 1/250 000e (le niveau 1 dans le jargon de l’OTAN, d’où le terme de DTED1), d’où une qualité très hétérogène. Il a néanmoins été le standard pendant vingt ans et nous a laissé en héritage son format, toujours en vigueur aujourd’hui.
L’ère des projets dédiés
Dans les années quatre-vingt-dix, c’est encore le besoin militaire qui a motivé les investissements avec le double objectif d’améliorer la résolution (passage à 1 seconde d’arc, soit le niveau 2 de l’OTAN) et surtout d’homogénéiser la production afin de garantir la qualité. Deux projets furent menés en parallèle, basés sur des technologies différentes : l’interférométrie radar avec la mission SRTM embarquée sur la navette Endeavour et la stéréoscopie optique avec HRS sur Spot 5. Dans les deux cas, la production sur l’ensemble du globe dura des années et la diffusion fut conçue sur une base de dualité. Pendant dix ans, le produit SRTM de meilleure résolution fut réservé aux militaires hors du territoire américain. Côté français, la dualité s’exprima plus sur les métadonnées, les produits militaires (Geobase Defense) et civils (Reference3D) partageant la même résolution de 30 m.
Ces deux souches ont permis à des acteurs publics et privés de réaliser des enrichissements, des qualifications thématiques ou régionales. Dans les années 2000, des offres mixant ces MNT mondiaux avec des produits régionaux ou locaux ont également émergé. Une dernière initiative américano-japonaise issue de l’exploitation de l’archive stéréo de l’instrument ASTER a proposé des données gratuites, mais comme elle ne changeait pas le standard de qualité SRTM 2, elle a eu peu d’impact.
La fin des années 2000 a donné lieu à de nombreux débats sur le besoin d’un nouveau produit de meilleure résolution, capable d’intégrer des besoins plus « urbains » incluant le sursol (modèles numériques d’élévation ou MNE). Si les campagnes d’acquisition locales ou régionales souvent à base de LIDAR, fonctionnent bien (produits urbains dans diverses zones du globe, produits littoraux, modèles complets de l’Irak ou de l’Afghanistan par les militaires américains), se lancer dans une couverture mondiale de niveau 3 à 5 est complexe. L’agence spatiale allemande (DLR) en partenariat avec Airbus DS s’est lancée dans un produit mondial de niveau 3 (1/3 de seconde d’arc ou grosso modo 10 m) basé sur l’interférométrie radar (TanDEM-X), toujours décliné de façon duale. DLR en assure l’exploitation scientifique avec des produits dérivés comme Global Urban Footprint. Airbus DS le propose commercialement avec la gamme WorldDEM (MNT et MNS) et le décline dans des variantes métiers (par exemple aviation civile avec NavBlue). Et une coproduction internationale, menée par les États-Unis et l’Allemagne réalise une variante militaire à partir de la même souche sous l’aimable vocable de T-REX.
En fouillant les archives
C’était sans compter sur les nouvelles possibilités offertes par l’exploitation de gros volumes de données, en l’occurrence l’ensemble des archives images existantes, même lorsqu’elles n’ont pas été spécifiquement acquises dans un objectif d’extraction du relief. C’est le sens du projet Vricon mené depuis 2015 par une joint-venture entre le Suédois Saab et l’Américain DigitalGlobe. En exploitant toute l’archive DigitalGlobe (soit une centaine de Petaoctets d’images), Vricon se fait fort de proposer un MNT ou un MNS de n’importe quelle zone avec des résolutions allant de 10 m à 50 cm. Les premiers clients ciblés sont évidemment les militaires mais le produit est également adapté à des usages civils d’autant que sa technique de réalisation et l’exploitation d’une source image déjà amortie lui permet un positionnement à un prix très attractif (moins de 2$ du kilomètre carré pour le produit moyenne résolution). Une révolution qui semble avoir de l’écho, comme en témoignent les multiples projets de recherche en cours tant civils que militaires (CORE3D).