Google Maps : après la pluie d’annonces, la douche froide !
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Lors de son dernier rassemblement des développeurs, qui s’est tenu du 8 au 10 mai à Mountain View, Google a insisté sur les nouveautés autour de Google Maps. Intégration de la réalité augmentée, nouvelle plateforme pour les développeurs et nouveaux tarifs. Depuis, la colère gronde !
Tout avait pourtant commencé sous les applaudissements ! Aux premières images de l’intégration d’un guidage piéton en réalité augmentée, les développeurs étaient manifestement sous le charme.
Le piéton chouchouté
Désormais, plus besoin de tourner dans tous les sens en sortant du métro pour savoir où est ce fameux Boulevard Jean Jaurès qu’il faut prendre vers le Sud, une flèche l’indiquera directement sur votre caméra à moins que vous ne préfériez suivre un charmant petit renard virtuel. Grâce au « Visual Positionning System » Google sait désormais exploiter des amers visuels pour vous positionner, même quand le GPS passe mal.
Pour cela, les images StreetView seront certainement mobilisées, mais sans doute également celles collectées par les joueurs de Pokemon Go. En effet, pendant Google I/O, le patron de Niantic, (qui est une filiale d’Alphabet, la maison mère de Google), donnait une interview à Reuters où il expliquait comment il allait créer un super plateau de jeu grâce aux scènes collectées par les fans de Pikachu.
Au cours de votre guidage en réalité augmentée, vous découvrirez sûrement le café qui saura contenter votre estomac qui gargouille, car l’intelligence artificielle de Google a appris à associer ses annuaires et les recommandations classiques (Trip Advisor et autres) à vos habitudes pour vous dénicher la table qui propose votre plat du jour préféré. Une rubrique « For You » rassemblera dans un seul onglet les magasins, restaurants, musées et autres ressources vous correspondant le mieux.
Désormais, il sera en outre plus facile de retrouver vos amis, de décider ensemble du point de rendez-vous, et d’y être tous guidés pas à pas.
Vers des applications plus professionnelles
Mais Google ne se contente pas de doper son application grand public, il veut également mieux servir les développeurs dans trois secteurs clés : les véhicules partagés (du covoiturage aux taxis, en passant par Lyft), le suivi des actifs et les jeux. Pour eux et pour tous les autres développeurs qui utilisent les API de Google Maps, Google I/O fut riche en annonces. Tout d’abord, l’éditeur simplifie sa gamme et la regroupe en trois API : Maps (cartes), Routes (itinéraires) et Places (annuaires), au sein d’un environnement baptisé Google Maps Platform. Les nouvelles fonctions présentées dans le volet grand public seront accessibles aux développeurs. Ainsi, il sera facile de développer des jeux en réalité virtuelle façon Pokemon Go. Pour les entreprises de partage de véhicules, Google Maps pourra être directement intégré dans leur application, évitant au chauffeur de jongler entre deux univers. Des calculs d’itinéraires complexes seront possibles, des fonctions d’auto-complétion personnalisées seront intégrables…
Si les annonces techniques ont été saluées, la stratégie commerciale, elle, n’a pas fini de faire hurler.
Le hic du fric
Abus de position dominante, stratégie digne d’un vendeur de drogue… La communauté des développeurs a vivement réagi à la nouvelle politique commerciale de Google Maps. Il faut dire que le changement est drastique. Après avoir été gratuites pendant longtemps, les API sont devenues payantes en 2015, créant déjà quelques remous. Mais la tarification restait raisonnable et ne concernait que les très gros consommateurs, faisant appel plus de 25 000 fois par jour au globe virtuel. Pour les autres (soit l’immense majorité des utilisateurs), exploiter les API Google Maps était simple et gratuit.
À partir du 11 juin 2018, tout va changer. D’une part, pour pouvoir bénéficier d’une clé d’activation, chacun devra s’enregistrer sur Google Cloud Platform et y laisser son numéro de carte bancaire. Certes, l’utilisation de l’API ne sera que théoriquement payante pour les petits consommateurs, puisque Google offre un crédit de 200 $ par mois à tout utilisateur. Mais combien de petits clients vont se retrouver avec une page « Comment nous trouver ? » indisponible simplement parce qu’ils n’ont pas ouvert leur compte et indiqué leurs coordonnées bancaires ? Réponse le 12 juin au matin.
Côté accès payant, en simplifiant sa grille tarifaire (plus de contrats Standard ou Premium mais un simple tarif dégressif par tranche de mille appels), Google en profite pour augmenter les prix, comme l’a par exemple très bien analysé Christian Quest, dans un article paru sur Medium. « Le quota gratuit de 25 000 cartes affichées par jour sur un site web passe à… 28 000 par mois (soit environ 1 000 par jour) c’est-à-dire 25 fois moins ! remarque ainsi le porte-parole d’OpenStreetMap. Les tarifs au-delà de ce quota réduit de 96 % ont aussi augmenté dans des proportions du même ordre… on passe de 0,50 $ les 1 000 cartes affichées à 7 $, soit 14 fois plus cher. Un site qui affiche 10 000 cartes par jour passe donc de 0 à 1 764 $ par mois et pour ceux qui étaient proches de la limite gratuite de 25 000 cartes/jour cela leur sera désormais facturé 4 704 $ par mois ! »
Le choix ne manque pas
À cette annonce, nombreux sont les développeurs qui se sentent pris en otage et envisagent de changer de fournisseur. Et ils ont le choix : HERE, Bing, MapBox et les nombreux services basés sur OpenStreetMap, proposent des plateformes gratuites pour un niveau d’usage équivalent à ce qu’ils faisaient sous Google Maps. Mais les mêmes et bien d’autres (Esri, Geoconcept, Business Geografic, Pitney Bowes…) peuvent également fournir des services plus spécialisés payants correspondant à des usages métiers. Google mise sur sa base installée (1 milliard d’utilisateurs, ce n’est pas rien !) et sur un champ fonctionnel très large pour continuer à séduire les développeurs. Mais en choisissant de s’étendre vers des secteurs de plus en plus professionnels (avec un modèle économique adapté à ce type d’usage), les avantages acquis auprès du grand public continueront-ils à faire la différence ? Si Google Maps pris dans son ensemble n’a pas de réel concurrent, nombreuses sont les applications développées avec Google Maps, qui, prises individuellement, auraient pu l’être avec une autre plateforme. Demain, auront-elles toutes « besoin » de réalité augmentée ? Avec ce nouveau positionnement, Google a pris un pari audacieux. Il lui faudra continuer à garder une longueur d’avance technique très visible pour le réussir.
Pour aller plus loin :
- « Don’t be evil… until… » Article de Christian Quest dans Medium sous ce lien.
- Article du blog officiel annonçant les changements de Google Maps et la création de Google Maps Platform sous ce lien.
- Détail des tarifs sous ce lien.
La réalité augmentée dans Google Maps présentée par Aparna Chennapragada lors de Google I/O 2018
Google Maps Platform présenté par Mike Pegg et Rose Yao lors de Google I/O 2018