Les géographes tournent-ils le dos aux cartes ?
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Dans un article récent paru dans L’Espace politique, Edoardo Boria, professeur assistant en sciences politiques à l’université de Rome questionne la relation des géographes universitaires à la carte.
Il y a de moins en moins de cartes dans les revues de géographie à comité de lecture. Alors que les cartes sont de plus en plus présentes dans les médias et dans la vie quotidienne, elles ne semblent plus intéresser les géographes universitaires en tant qu’outil de raisonnement. Il semblerait également que l’apprentissage de la cartographie et des SIG recule dans les études de géographie, notamment en géographie politique et régionale.
Fort de ce constat attesté par plusieurs études quantitatives sur différents pays, Edoardo Boria avance quelques explications. Le développement d’une géographie critique à l’égard d’un outil qui n’a rien de neutre (la carte est vue comme un instrument de pouvoir) y est sans doute pour quelque chose. De plus, les modes de représentation traditionnels cartographiques semblent de moins en moins efficaces pour rendre compte de la géographie politique actuelle. La carte peine à représenter et expliciter les flux et se contente de mettre en valeur des points, des frontières… toute une symbolique euclidienne en décalage avec la géographie d’aujourd’hui. Et l’auteur de se demander si cette désaffection n’est pas le signe de l’incapacité des géo-politologues actuels à se positionner dans les études politiques (qui seraient alors réduites aux relations internationales), à interroger leur dimension spatiale quand tout semble mondialisé. Les étapes du raisonnement qui conduisent à produire une carte (compilation, généralisation, classification, hiérarchisation, traitement des données…) sont elles-mêmes basées sur des schémas et des modèles de pensée qui influent sur la lecture d’une situation politique. « La carte risquerait alors de discipliner la réalité, de la simplifier et de confiner son interprétation dans des catégories potentiellement fallacieuses. » Il appelle alors les universitaires à ne pas laisser tomber la carte mais à la réinventer, et à « ré-élaborer ses qualités d’explication et d’interprétation ».