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Les infrastructures, pièces maîtresses du GéoBIM ?

| 16 janvier 2018

Catégorie: 3D, Données, Entreprises, Formation, Logiciels, Marché, Recherche, Reportages, Réseaux/Transports, Utilisateurs

1247 mots, environ 6 minutes de lecture

Le BIM (Building information Management ou Modelling) ne concerne pas que les bâtiments. Ses concepts et ses outils sont également cruciaux dans la construction et la gestion de grandes infrastructures : tunnels, ponts, rail, routes, ports et même passages pour les animaux, comme cela a été expliqué lors de la dernière Journée interopérabilité et innovation organisée par l’OGC en novembre 2017. Là, plus qu’ailleurs, le couplage avec le monde du SIG est essentiel.

 

Dans le cadre du projet ESPRESSO financé par la commission européenne, l’OGC a dénombré pas moins de 1 814 standards liés à la smart city, issus d’univers très différents. Plusieurs concernent déjà le rapprochement BIM/géomatique

Dans le cadre du projet ESPRESSO financé par la commission européenne, l’OGC a dénombré pas moins de 1 814 standards liés à la smart city, issus d’univers très différents. Plusieurs concernent déjà le rapprochement BIM/géomatique

« Aujourd’hui, on est au pied du mur et il est très haut » ironise Pierre Benning, correspondant du projet MINnD chez Bouygues Construction. MINnD, alias « modélisation des informations interopérables pour les infrastructures durables » rassemble plus de soixante partenaires académiques et industriels (éditeurs, maîtres d’œuvre et d’ouvrage…) qui réfléchissent ensemble au BIM des infrastructures. Car les grands projets ne se font plus sans BIM et les ténors de l’ingénierie n’ont pas l‘intention de se laisser distancer par les acteurs du numérique (comme IBM qui pilote la gestion de l’eau à Malte). Nouvelle génération d’IFC* mieux adaptés à la description des infrastructures, couplage avec le format CityGML* pour effectuer le lien avec l’espace géographique, exploitation des standards OGC* pour assurer le partage et l’interopérabilité des données… les différents groupes de travail et sous-projets de MINnD s’attachent à faire émerger un BIM plus géographique, sorte de GéoBIM.

Des routes et des voies ferrées pas faciles à géoréférencer

Mais les problèmes sont nombreux. Dans le monde de la route par exemple, les données à récupérer sont très variées : des DWG, des fichiers Shape, des fichiers raster, des nuages de points… La notion de géoréférencement reste très floue dans les IFC de 4e génération (IFC4), censés décrire tous les éléments constitutifs d’une infrastructure. La récupération des axes d’alignement sur lesquels positionner des infrastructures linéaires n’est pas plus simple. Les projets s’appuient sur des clothoïdes, ensembles de courbes définies par leurs méthodes de calcul, alors qu’en SIG, on récupère de simples successions de vecteurs… ce qui implique de gérer beaucoup de chiffres après la virgule. La notion de Pk (point kilométrique) est également difficile à mettre en place dans une IFC. De plus, l’univers SIG est bien mieux adapté aux requêtes que celui des IFC.

Disposer de représentations adaptées aux besoins de chaque métier… c’est l’un des grands challenges du rapprochement entre BIM et systèmes d’information géographiques.

Disposer de représentations adaptées aux besoins de chaque métier… c’est l’un des grands challenges du rapprochement entre BIM et systèmes d’information géographiques.

Côté rail, ce n’est guère mieux. « Tout ce qu’on reçoit, c’est un fichier topo, structuré différemment selon les géomètres, explique Denis Leroux, BIM Manager chez SETEC ALS qui a fait plusieurs projets pour la SNCF. Souvent, c’est à nous de reconstruire le modèle numérique de terrain. Les données sont essentiellement en 2D, voir en PDF chez certains concessionnaires de réseau. » Différents corps techniques créent des maquettes (sous Rhinoceros et Revit pour les ouvrages d’art, sous Civil 3D ou Autocad pour les voies…), qu’il va falloir ensuite assembler pour effectuer calculs et contrôles, pour détecter des conflits. « La liaison avec l’axe guide est fastidieuse, insiste Denis Leroux, les altérations linéaires ne sont pas prises en compte, ce qui crée une rupture entre les phases d’études et d’exécution. » Il aimerait également pouvoir disposer de modèles objets, qui permettraient par exemple de mieux traiter les remblais et les déblais. Même si des projets d’envergure portés par les grands acteurs internationaux du rail (RailTopoModel et bSI-IFC Rail) doivent permettre de décrire de façon plus uniforme et cohérente les infrastructures liées au rail (modèle de données, extension des IFC), le couplage avec le monde géographique reste fastidieux.

Autodesk, Bentley, Vianova, Esri, 1Spatial, Safe… Les éditeurs de logiciels sont également impliqués dans les démarches de l’OGC et dans le projet MINDnD. Car ce sont eux qui vont devoir mettre concrètement en œuvre les ponts, les formats, les extensions nécessaires au couplage BIM/SIG. Aujourd’hui, ils gèrent les formats IFC ou CityGML comme des formats d’échange entre plateformes, qu’ils apprennent à importer et/ou exporter mais avec lesquels ils ne travaillent pas nativement. Le module CityGML de FME semble être exploité par beaucoup.

Autodesk, Bentley, Vianova, Esri, 1Spatial, Safe… Les éditeurs de logiciels sont également impliqués dans les démarches de l’OGC et dans le projet MINDnD. Car ce sont eux qui vont devoir mettre concrètement en œuvre les ponts, les formats, les extensions nécessaires au couplage BIM/SIG. Aujourd’hui, ils gèrent les formats IFC ou CityGML comme des formats d’échange entre plateformes, qu’ils apprennent à importer et/ou exporter mais avec lesquels ils ne travaillent pas nativement. Le module CityGML de FME semble être exploité par beaucoup.

Et dessous ?

Mais il n’y a pas que les informations géographiques à coupler avec la modélisation des infrastructures, il y a également les données géologiques et plus généralement géotechniques. Là encore, des groupes de travail essayent de réduire les points bloquant l’interopérabilité. « En géologie, on s’appuie sur des mesures et des observations ponctuelles, avec interprétation et affinements successifs pour aboutir à une modélisation qui peut être remise en cause à chaque nouvelle mesure ou observation » explique Mickaël Beaufils du BRGM. Différents par nature, par les outils utilisés… les services OGC (SOS pour les observations et mesures, SensorThings, WFS pour les géométries unitaires, WMS pour les images, WPS pour les requêtes sur le modèle…) sont étudiés par le groupe de travail afin de faire dialoguer les deux systèmes d’information.

Dans le cadre de MINnD et des pilotes de l’OGC, des cas d’usage ont été étudiés avec précision : modélisation de crue en milieu urbain, étude acoustique sur une infrastructure linéaire, adéquation d’un passage à faune sur une autoroute… À chaque fois, la différence d’approche entre le monde de la conception et le monde de la géomatique limite l’interopérabilité, d’autant que les outils de simulation ont, eux aussi leur propre logique. Topologie imparfaite, sémantique insuffisante, multiples traductions de format, changements d’échelle. Le GéoBIM fluide n’est pas encore pour demain, même si tous les intervenants reconnaissent que l’approche est prometteuse et nécessite d’être creusée. « Ce qui serait intéressant, ce serait d’avoir une véritable maquette environnementale, capable de porter toutes sortes de modélisations, de simulations, » résument Christophe Blanchet et Charles-Édouard Tolmer d’EGIS.

Mais il faut « trouver le bon compromis entre flexibilité et normes, insiste Christophe Castaing d’EGIS, d’où l’intérêt des ontologies, qui modélisent les connaissances sur un domaine, étape essentielle dans la modélisation du complexe. »

Pour que le rapprochement SIG BIM puisse se faire, il faut également que les futurs architectes soient formés. Désormais, en deuxième année de master à l’ENSA de Toulouse, les étudiant passent 40 heures sur un projet architectural et urbain, avec assemblage, modélisation et animation des données. Avec un référent BIM dans chaque école, l’enseignement progresse. (©Francesco Scatena pour iStock)

Pour que le rapprochement SIG BIM puisse se faire, il faut également que les futurs architectes soient formés. Désormais, en deuxième année de master à l’ENSA de Toulouse, les étudiant passent 40 heures sur un projet architectural et urbain, avec assemblage, modélisation et animation des données. Avec un référent BIM dans chaque école, l’enseignement progresse. (©Francesco Scatena pour iStock)

Christophe Nicolle, venu présenté son retour d’expérience sur Checksem, un programme de recherche sur l’intelligence sémantique appelle également de ses vœux un modèle « dédié à l’usage, exploitant les IFC, le CityGML et les connaissances métiers, avec un niveau de détail contextuel qui évite la surcharge cognitive ». Chaque raisonnement, chaque cas d’utilisation doit pouvoir s’appuyer sur les informations nécessaires et suffisantes pour que les requêtes puissent être efficaces. « Grâce aux IFC, on a permis à des caméras de vidéosurveillance de comprendre ce qu’elles regardent et ne pas plus envoyer des images mais des alertes, par exemple quand une personne est coincée dans un ascenseur. L’avenir, ce sera de développer le raisonnement artificiel en couplant BIM, SIG et Internet des objets, » conclut le chercheur.

*IFC : Industry Foundation Classes, permet de décrire tous les objets qui composent un bâtiment ou une infrastructure

*CityGML : Format d’échange de données géographiques en 3D, standard officiel de l’OGC. Il fonctionne en niveaux de détails (LoD1 à LoD4)

*OGC : Open Geospatial Consortium, organisme de normalisation dans le domaine de l’information géographique.

 

 

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