Les pompiers, toujours friands de nouvelles technologies
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Ils connaissent la dimension profondément humaine de leurs métiers, mais ils doivent aussi pouvoir compter sur leur équipement. Environ trois cents professionnels de la sécurité civile s’étaient donné rendez-vous en mai aux Technodays, afin de faire le tour des dernières technologies à leur disposition. Des nouveautés qui laissent une large part au numérique et même au géo-numérique. Focus sur quelques innovations.
« La doctrine française en matière de sécurité civile est de plus en plus reconnue à l’international. Mais nous sommes tout petits, et nous ne formons pas un marché porteur, regrette Jacky Gérard, président de l’Entente dans son discours de bienvenue. Du coup, nous avons du mal à embarquer le monde de l’entreprise. Nous devons mieux collaborer. » L’appel semble entendu puisqu’une trentaine d’exposants avaient fait le déplacement pour présenter leurs nouveautés, du 22 au 24 mai dernier à Valabre, un lieu emblématique puisqu’il associe l’école d’application de la sécurité civile et le Pôle Nouvelles Technologies de l’Entente pour la forêt méditerranéenne.
Toujours plus de données
Mieux connaître, mieux comprendre, mieux anticiper… les données sont essentielles pour les acteurs de la sécurité civile. C’est d’ailleurs sur le thème du big data que les conférences ont été lancées, avec des présentations de Pitney Bowes et d’Airbus Defence & Space. Même si les deux entreprises travaillent encore peu avec les SDIS dans ce domaine, elles ont présenté des scénarios applicables au monde de la sécurité civile. Ainsi, Stephan Brunessaux d’Airbus DS a expliqué comment la géolocalisation des tweets de migrants a permis de suivre leur progression à travers l’Europe. Les réseaux sociaux attirent les pompiers en tant que nouvelle source d’information. Plusieurs SDIS vont d’ailleurs tester un partenariat avec Waze pour récupérer plus d’information temps réel sur la circulation et les « évènements » en cours. Mais ils restent prudents quant à leur exploitation, craignant les « fake news » et inquiets pour le respect de la vie privée.
Intégrer une dimension prédictive
Associer les dimensions opérationnelles et prédictives, tel est l’objet du projet de recherche ANR Démocrite. Universités, écoles d’ingénieur, centres de recherche, industriels et brigade des sapeurs pompiers de Paris travaillent ensemble à la réalisation d’un démonstrateur de moteur d’analyse et de couverture des risques sur un territoire étendu. Ainsi, en couplant l’historique des interventions de la brigade sur deux ans avec les caractéristiques des bâtiments, des rues, de la population présente… il est possible de produire des cartes de susceptibilité des territoires à certains risques (incendie, explosion), d’évaluer les dégâts par modélisation (notamment les bris de fenêtres en cas d’explosion en prenant en compte la structure du bâti), de mobiliser rapidement les équipes qui seront les plus efficaces.
Être debout même quand ça tombe
Mais ces projets s’appuient sur une informatique et des communications robustes, ce qui n’est pas toujours le cas. Alors, que faire quand les communications sont par terre ? Plusieurs exposants proposent des solutions pour déployer rapidement des réseaux de communications, via des bornes 4G par exemple. La question a également occupé le devant de la scène avec la présentation des actions de l’ONG Hackers Against Natural Disasters alias HAND par Gaël Musquet. « On en avait marre de jouer les gentils hackers, qui se mobilisent en cas de catastrophe pour donner toute l’aide qu’ils peuvent et qui arrivent sur des territoires sans données, sans télécommunications. On a voulu prendre le problème à l‘envers et travailler à l’amont, sur la préparation des populations ». Lors du premier exercice mené dans les Caraïbes en mars 2017 sur le risque tsunami (que vous pouvez revivre grâce au reportage de Camille Gévaudan pour Libé), l’équipe a montré qu’il était possible de fabriquer des capteurs et des dispositifs de communication en mode MacGyver, d’assembler des données, de produire des cartes… et de mobiliser les habitants.
En matière de gestion des alertes, Poppy, une petite entreprise belge, intègre la possibilité de communiquer géopositionnement et statut d’alerte par simple SMS. « Lorsque nous avons assuré la cartographie pour la sécurité du bicentenaire de la bataille de Waterloo, explique Christophe Cloquet, l’un des deux fondateurs de l’entreprise, la résilience du réseau était faible. Du coup, nous avons doublé le système par une distribution de cartes papiers, toutes avec le même carroyage. Grâce au GPS de leur smartphone, même sans connexion, les intervenants récupéraient l’identifiant de leur carreau, qu’ils pouvaient transmettre par SMS. »
Et après-demain
Le pompier de demain sera de plus en plus « augmenté », intégrant des capteurs au cœur même de son équipement. Ainsi, Darix, une entreprise suisse née de travaux menés à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) sur la vision à travers la fumée, met la touche finale à un système permettant au pompier d’intégrer deux caméras infrarouges, un système de géopositionnement et un écran de visualisation au sein même de son masque respiratoire. Ainsi, sans réelle visibilité, il pourra se diriger en prenant en compte les différentes sources de chaleur. Il reste encore pas mal de questions à régler (comment superposer vision directe et augmentée sans gêner le pompier notamment), mais le produit est annoncé courant 2018.
Comme bien d’autres professions, la sécurité civile se nourrit des nouvelles technologies qui donnent aux pompiers une vision plus claire de leurs terrains d’interventions. Elles les aident bien sûr à les cartographier grâce aux drones, de plus en plus simples à déployer, mais également à se former grâce aux modèles numériques 3D de plus en plus immersifs. Mais elles doivent également prendre en compte la complexité des interactions entre équipes, risques, ressources et s’arranger de conditions de déploiement particulièrement exigeantes. Autant de contraintes qui obligent les industriels à cibler leurs propositions.