Mesure de la qualité de l’air, que peuvent apporter les micro-capteurs ?
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Demain, le pouls de ville intelligente sera mesuré en continu grâce à des milliers de micro-capteurs pour le plus grand bonheur des citoyens, heureux de bénéficier de services plus efficaces. Au-delà de cette belle utopie, concrètement, comment ça se passe ? Le projet Mobicit’Air mené par l’Atmo Auvergne-Rhône-Alpes ouvre quelques pistes en matière de surveillance de la qualité de l’air.
Les micro-capteurs peuvent-ils remplacer les capteurs traditionnels de la qualité de l’air ? Ou au moins améliorer la modélisation et la cartographie ? Et peut-on mobiliser les foules pour effectuer des mesures ? Ce sont toutes ces questions qui ont sous-tendu l’expérimentation Mobicit’Air, financée par Grenoble Alpes Métropole, la région et le laboratoire de surveillance de la qualité de l’air (Atmo) Auvergne-Rhône-Alpes ainsi que l’État à hauteur de 178 000 euros entre 2015 et 2017.
Densifier le réseau de surveillance
Aujourd’hui, la surveillance « officielle » de la qualité de l’air est principalement menée grâce à des réseaux de capteurs fixes (CO2, NO2, ozone, particules fines…), peu nombreux car onéreux, mais bien étalonnés, dont les mesures servent de base à des modélisations du territoire. L’intégration de micro-capteurs, cinq à dix fois moins chers, directement connectables à des applications grand public, est à l’agenda de toutes les agences de mesure de la qualité de l’air. En massifiant la mesure, ils devraient permettre de réaliser des économies et d’affiner la cartographie. Mobicit’Air a permis d’en tester plusieurs types. « Nous avons comparé leurs performances en les plaçant aux mêmes endroits que nos stations fixes » explique Chi-Vuong Nguyen ingénieur en modélisation à Atmo Auvergne-Rhône-Alpes. Les résultats s’avèrent assez variables selon les types de capteurs (types de polluants et appareils). Ainsi, les capteurs de NO2 sont plus performants là où la pollution est importante (proche du trafic routier). Les données recueillies ont ensuite été intégrées dans les modèles afin d’évaluer la pertinence des résultats prenant en compte ces nouvelles mesures avec un degré d’incertitude adapté. Là encore, les résultats se sont avérés intéressants, mais mitigés. En l’état actuel, il n’est par exemple pas possible de substituer les micro-capteurs aux analyseurs homologués, car un recalage à l’aide des stations fixes est en permanence nécessaire afin de fiabiliser les mesures. Par contre, leur intégration en plus du réseau traditionnel, permet d’améliorer la finesse de la modélisation. Quinze micro-capteurs de dioxyde d’azote (NO2) ont ainsi été déployés pendant six mois en 2017 sur la métropole de Grenoble. Les mesures de concentrations ont été intégrées à l’observatoire officiel grâce à une nouvelle méthode d’assimilation des données dite méthode BLUE (Best Linear Unbiased Estimator). Malgré des résultats prometteurs (amélioration de la cartographie), des mesures incohérentes apparaissent. Reste également à mesurer l’influence précise de la localisation de chaque type de micro-capteur sur son apport à la modélisation.
Impliquer le grand public
L’autre aspect très intéressant du projet a consisté à confier quelques micro-capteurs à des volontaires et à suivre leur appropriation. « En matière de qualité de l’air, nos principales marges de manœuvre sont entre les mains des citoyens, insiste Camille Rieux qui a piloté l’expérimentation menée sur la métropole grenobloise. Le rôle des pouvoirs publics est d’assurer les conditions du changement de comportement. » Une trentaine de volontaires ont effectué des mesures régulières de particules fines (PM 2.5). Le fait de faire soi-même des mesures permet-il de mieux comprendre la qualité de l’air ? « Oui, c’est très net. On a assisté à une véritable montée en compétences » se félicite le référent territorial de l’Isère d’Atmo Auvergne-Rhône-Alpes. Les gens ont pris leur rôle très au sérieux, ont fait de multiples mesures, pris conscience de l’influence de nombreux facteurs (qualité de l’air intérieur, impact du brûlage des végétaux dans son jardin…). Même si cette prise de conscience ne s’accompagne pas forcément d’un changement de comportement (notamment sur les mobilités), Atmo Auvergne-Rhône-Alpes va poursuivre l’expérimentation en prêtant des capteurs par le biais d’une plateforme collaborative régionale. « Ces prêts pourraient servir de support à des campagnes de mesures collaboratives, de type carto parties autour du chauffage au bois par exemple » imagine Camille Rieux.
Des actions à prolonger
Afin de sensibiliser le public, d’autres actions sont envisagées comme la publication et l’exposition des données collectées, l’introduction de la composante qualité de l’air dans les applications d’aide à la mobilité, l’assemblage de capteurs dans des fablabs. L’expérience menée en Auvergne-Rhône-Alpes n’est pas unique, d’autres collectivités et associations travaillent à impliquer les habitants grâce aux micro-capteurs, tels que Rennes (projet Ambassad’Air). De même, le projet allemand Luftdaten propose une plateforme open data de diffusion de mesures citoyennes dans toute l’Europe. Toutes ces approches devront sans doute s’hybrider pour arriver à tirer pleinement profit de ces nouvelles technologies. Face à des industriels qui misent sur une diffusion très massive de capteurs pas forcément maîtrisés, le projet Mobicit’Air montre qu’une certaine sobriété peut aussi s’avérer efficace. Peut-être plus ?