PACA : une politique régionale à la loupe
Catégorie: IDG/IDS, INSPIRE, Institutions, Reportages, Secteur public
Oser prendre une loupe pour ne pas se louper ! C’est un peu ce qu’a fait le cabinet Edater, mandaté pour évaluer dix ans de politique régionale autour de l’information géographique en PACA. Les résultats sont sans concessions. Le centre régional de l’information géographique (alias CRIGE PACA), pierre angulaire du dispositif, doit trouver un second souffle pour continuer à exister.
Évaluer n’est pas juger, ni même critiquer. La mission confiée à Edater a surtout permis de porter un regard extérieur sur dix ans d’actions pour le développement de la géomatique en PACA. Après avoir précisé le périmètre de l’évaluation, l’efficacité de la politique géomatique a pu être évaluée plus précisément pour aboutir à des recommandations et des scénarios d’évolution.
Nous épargnerons à nos lecteurs le détail de l’arbre des objectifs établi à la suite des entretiens avec le « canal historique » du CRIGE (disponible en ligne) pour ne retenir que les quelques grandes questions qui étaient au cœur de cette évaluation.
La politique régionale a-t-elle facilité la diffusion et l’accès aux données socles de l’information géographique ?
À cette première question, la réponse est clairement positive. Les données mises à disposition par le CRIGE, dans un premier temps essentiellement achetées à l’IGN, mais largement étendues depuis (occupation du sol, orthophotographie…), ont aidé de nombreux organismes à franchir une première marche. Aux autres, elle a permis d’économiser temps et argent grâce à la mutualisation, tout en enrichissant leurs propres référentiels. Dix ans d’acquisition ont construit une vision historique du territoire, essentielle pour en comprendre l’évolution. Quelques bémols cependant : le délai de mise à jour du plan cadastral informatisé (PCI), l’ergonomie du portail régional, la faible sensibilité à INSPIRE (même si la standardisation des formats de diffusion est appréciée), toujours perçue comme une contrainte.
Même si les fichiers sont souvent téléchargés, la question de leur utilisation effective demeure. Les utilisateurs interrogés pointent du doigt la concurrence qui se développe entre les divers portails (thématiques, nationaux, locaux, open data…). Ils ne font plus systématiquement appel au Géoportail régional pour récupérer les données dont ils ont besoin. Une critique à laquelle répond le conseil régional, par la voix de François Cabriel, chef du service information géographique en répétant que l’un des objectifs du Géoportail du CRIGE est bien d’être « le guichet unique régional qui référence toutes les données quels que soient leurs producteurs ». Il n’en reste pas moins qu’une démarche de « nettoyage » des référentiels initialement accessibles permettrait au CRIGE de se concentrer sur les données à forte valeur ajoutée pour ses ayants droit. De nouveaux référentiels à grande échelle doivent faire leur entrée au catalogue du CRIGE, car ils correspondent à l’évolution des demandes (notamment celles des EPCI, nouveaux entrants dans la gouvernance du CRIGE). Le centre est attendu pour définir une stratégie de production à ces nouvelles échelles ainsi que sur l’accompagnement des utilisateurs du PCI, qui vont migrer vers la RPCU (Représentation parcellaire cadastrale unique). Il doit également clarifier son rôle dans la démarche open data régionale.
Dans quelle mesure la politique géomatique a permis la conception et la diffusion de nouvelles données géographiques métiers ?
C’est sans doute sur ce point que la réponse est la plus mitigée. Alors que 75 % des personnes interrogées ont téléchargé des données depuis le Géoportail du CRIGE, seules 45 % d’entre elles ont participé à des pôles métiers et 28 % déclarent avoir produit des données qui ont ensuite été mises à disposition sur le site régional. Les freins sont multiples : qualité des données produites, complexité du catalogage, utilité de partager ce type de données, incertitudes juridiques, obligation de maintenance… La mise à disposition de référentiels n’a pas suffisamment permis de faire remonter de nouvelles données. La mutualisation n’a fonctionné que dans un sens. Les objectifs de départ étaient sans doute trop ambitieux et les pôles métiers sont avant tout perçus comme des endroits où se rencontrer et activer son réseau. Leur fonctionnement, particulièrement chronophage pour le CRIGE, est à revoir afin qu’ils facilitent mieux la production de nouvelles données, à l’image du pôle urbanisme pour l’occupation du sol.
Dans quelle mesure la politique géomatique a permis de développer de nouveaux usages de l’information géographique sur le territoire régional ?
Voilà une question à laquelle toutes les IDG aimeraient apporter une réponse claire, mais où elles peinent, en PACA comme ailleurs. Mêmes les ayants droit interrogés en PACA sont des services SIG qui diffusent eux-mêmes des données dont ils ne connaissent pas vraiment les usages. Les « focus groups » organisés dans le cadre de la mission d’évaluation ont cependant permis d’identifier quelques usages types : recalage des données métiers sur des référentiels plus précis, meilleure connaissance partagée du territoire par l’appel à des référentiels communs, production de connaissance par croisement de données (indicateurs de consommation d’espace, repérage du foncier mutable, valorisation des sentiers pédestres…) et mise à disposition de données enrichies pour le grand public (information routière par exemple). Quid des usages innovants ? Des usages citoyens ? Même s’il en existe certainement, Philippe Miellet d’Edater reconnaît ne pas en avoir rencontrés lors de son enquête. « Pourtant, des sujets comme les smartcities ou la participation citoyenne sont au cœur des stratégies d’innovation des régions. Demain, il n’y aura plus d’argent public sans contrepartie de résultat », note l’évaluateur. Pour cela, il va également falloir trouver les moyens de se rapprocher de la sphère privée.
Ainsi, le CRIGE PACA a plusieurs défis à relever dans les années à venir. Il va devoir capitaliser sur son héritage en matière de données mutualisées tout en s’adaptant aux nouveaux besoins, aux nouvelles technologies et au nouveau contexte des politiques publiques (sans parler de la réforme territoriale). Il lui faut également s’inscrire dans l’économie de l’innovation. Mais développer des usages vraiment innovants passe par des modèles économiques qui restent en grande partie à inventer. François Cabriel a ainsi réaffirmé le projet du CRIGE pour les cinq ans à venir qui a pour mission de « jouer un rôle central dans une organisation géomatique lisible, ouverte et pérenne à l’échelle régionale afin d’améliorer la mise en œuvre et les résultats des politiques publiques grâce à l’information géographique, contribuer au développement de filières économiques locales et maintenir PACA comme l’une des régions en pointe dans le domaine de l’information géographique ». Tout un programme que Christine Archias et son équipe ont bien l’intention de décliner en actions concrètes.
À l’heure du renouvellement des contrats qui lient les IDG avec leurs partenaires financiers et leurs autorités de tutelles, l’évaluation menée en PACA tombe à pic. Même si chaque IDG a ses spécificités, toutes pourront en tirer des leçons pour leur propre structure.
Une occupation du sol exemplaire |
Les travaux sur l’occupation du sol sont l’une des belles réussites de la politique régionale menée en PACA. À moyenne échelle (exploitable jusqu’au 1/25 000 environ), le CRIGE a assuré la production de deux bases (1999 et 2006) via des tours de tables financiers spécifiques. Une réalisation bien contrôlée, une nomenclature emboîtée compatible Corine Land Cover, une cohérence entre les millésimes facilitant les études diachroniques… en font l’une des bases les plus téléchargées. Une prochaine édition est annoncée pour 2015, avec des améliorations (sémantiques sur certains postes, géométriques sur d’autres), exploitant des images satellites de 2014. Mais à plus grande échelle (exploitable jusqu’au 1/5 000 environ), le CRIGE ne peut assurer une telle production. Pourtant, nombreux sont les territoires qui ont besoin de ce type de données (SCOT, EPCI divers). Le pôle métier urbanisme a abouti à une nomenclature en 90 postes et quatre niveaux (compatible avec les nomenclatures régionales et nationales) et a produit un kit complet pour faciliter le travail de ceux qui souhaitent produire ou faire produire de telles bases sur leur territoire : description de la nomenclature, conseils de saisie, modèle conceptuel de données, outils de traitement et de contrôle qualité… Ce travail, reconnu et soutenu par le conseil régional, permet aux organismes souhaitant lancer une production de bénéficier d’une subvention pouvant couvrir jusqu’à 50 % de leur projet (dans la limite de 28 000 euros). Condition nécessaire ? Respecter les règles établies par le CRIGE et s’engager à diffuser la base produite sur le site du CRIGE, tout en sachant qu’ils pourront bénéficier de l’assistance à maîtrise d’ouvrage du CRIGE. |