Référentiels géographiques : un sujet débattu – Épisode 1 : Aux sources de la référence
Catégorie: Cadastre, Cartographie, Données, IDG/IDS, Institutions, Reportages
Épisode 1 : Aux sources de la référence
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La journée professionnelle annuelle d’OPenIG portait cette année sur le thème des référentiels géographiques. Le sujet peut paraître rebattu et moins attirant que l’intelligence artificielle ou le BIM. Pourtant, il a donné lieu à des débats passionnés et passionnants, qui posent de nombreuses questions.
Comment se crée un référentiel ? Pour comprendre l’envers du décor des mesures, des chiffres, des cartes et des indicateurs, Laurent Polidori, directeur du CESBIO et Joël Gombin, politologue co-fondateur de Datactivit ont choisi de remonter dans le temps. L’un s’appuyant sur l’histoire de la géodésie et l’autre sur celle des statistiques, ils ont tous deux insisté sur le rapport entre science, technique et politique. S’il a fallu les satellites de Jupiter pour inventer les longitudes, il a fallu la théorie des probabilités pour que naissent les statistiques. Mais papes, rois, empereurs, gouvernements… ont souvent eu le mot final sur le choix des référentiels et ont poussé à leur adoption au nom de la bonne marche de l’État. Si le méridien de Greenwich, le calendrier ou le système métrique sont aujourd’hui des évidences, ils furent l’objet de négociations au plus haut niveau. L’étymologie même du terme « statistique » porte en elle ces origines multiples. Hérité du Latin status (État) et apparu à la fin du XVIIIe en Allemagne, le terme de statistik désigne l’ensemble des connaissances que doit posséder un homme d’État.
De la nécessaire référence
Avant de mesurer quoi que ce soit, une convention doit être établie, qui va permettre « de passer des mots aux nombres » comme l’a expliqué Joël Gombin, résumant les travaux d’Alain Desrosières dans La politique des grands nombres et l’Histoire de la raison statistique. Repères, catégories, nomenclatures… sont essentiels afin « de pouvoir travailler ensemble » insiste Laurent Polidori. Ainsi, tout référentiel porte en lui une contradiction : sa création, par nature arbitraire et politique, va fixer la façon de mesurer des variables, des évolutions. Les présupposés que sont les référentiels n’ont finalement rien de « naturels », même s’ils font généralement consensus.
Faut-il pour autant jeter les référentiels avec l’eau du bain de l’autorité ? Certainement pas, car « ils créent les conditions d’un espace démocratique moderne » rappelle le politologue. Impossible de discuter du chômage, sans s’entendre sur ce qu’est un chômeur et sur la façon de mesurer un taux de chômage ! Ainsi, « les statistiques légitiment l’exercice du pouvoir mais en retour, l’État et son appareil statistique légitiment des référentiels, des manières de compter » ajoute Joël Gombin.
De la toute aussi nécessaire critique
Mais les référentiels figent, de fait, une réalité sans cesse mouvante. Et il n’est pas facile de faire évoluer un référentiel, qui peut devenir un objet de controverse. Pensons par exemple aux discussions autour de la croissance, qui s’appuie sur la mesure du PIB, un référentiel né dans le contexte de la deuxième guerre mondiale largement dépassé aujourd’hui, mais qui continue à piloter nos économies. « Aujourd’hui, le big data accélère notre relation à la quantification de la réalité » ajoute Joël Gombin. Le temps des informations éparses est fini, voici celui des flux continus et massifs.
Pour penser les référentiels géographiques, il faut donc retourner à ce qui fait qu’une donnée géographique devient un référentiel. À travers de nombreux exemples, la journée a permis d’en définir les principales caractéristiques.
Un certain nombre de bases de données géographiques font manifestement l’objet d’un consensus sur leur statut de référentiel tels que les différentes composantes du RGE ou le cadastre, malgré ses différentes versions. Ainsi, Pierre Laulier, directeur interrégional Sud-Est à l’IGN, a tenu à rappeler le rôle de l’institut, qui a « toujours produit des référentiels géographiques, adaptés aux enjeux du moment : militaire, aménagement du territoire…, en profitant au mieux des évolutions technologiques et en tenant compte des possibilités financières ». Mais qu’en est-il de bases de données apparues plus récemment ou en cours de constitution ?
Suite de l’article Référentiel géographique : un sujet débattu – Épisode 2 : Nouvelles références
Référentiel géographique : un sujet débattu – Épisode 2 : Nouvelles références