Une fin d’année 2016 riche en géo-actualités
Catégorie: Données, Dossier : Sous le feu des données géographiques, Entreprises, Institutions, Logiciels, Marché, Matériel/GPS, Mobilité, Réseaux/Transports, Secteur public, Sécurité/défense, Utilisateurs
Les rencontres territoriales de l’information géographique en SDIS se sont déroulées mi-novembre à l’ENSET de Dunkerque. L’occasion de faire le tour des questions qui se posent à des opérationnels de terrain, confrontés à de nombreux défis.
Géolocaliser les appels d’urgence, sélectionner le véhicule le plus proche et le mieux équipé pour intervenir, calculer un itinéraire pour rejoindre un lieu d’intervention en tenant compte de la circulation et des conditions météo, disposer d’une vision synthétique et détaillée des ressources engagées dans une opération complexe, anticiper l’évolution d’un front d’incendie, surveiller les hydrants et les équipements de défense contre l’incendie… la géomatique est au cœur des activités des services d’incendie et de secours. Mais elle doit servir de nombreux métiers. D’un côté les préventionnistes, qui sont principalement en charge des commissions de sécurité et qui s’intéressent en priorité aux établissements recevant du public. De l’autre, les opérationnels qui sont chargés de mettre concrètement en œuvre les moyens d’intervention. Entre les deux, les prévisionnistes, qui définissent l’organisation globale des moyens en fonction des différentes missions.
Une vraie communauté
Au fil des années, des services SIG se sont constitués, regroupant parfois jusqu’à plus de dix personnes, mais aussi souvent réduits à un seul poste de géomaticien. Ils étaient une centaine lors de leur dernière réunion nationale soit un peu plus de la moitié des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) de France. Une enquête menée auprès de soixante-six d’entre eux montre un équipement assez hétérogène, même s’il tend à se concentrer autour de quelques grands éditeurs. Ainsi, plus de 70 % des SDIS interrogés lors de l’enquête 2016 utilisent Geoconcept comme outil SIG principal, contre 21% pour ArcGIS. Ici comme ailleurs, QGIS continue sa percée et semble l’outil open source le plus répandu. En termes de bases de données, les proportions sont plus équilibrées entre Oracle (38 %), PostgreSQL (29 %) et SQL Server (30 %). Mais les SIG ne servent qu’à exploiter les données géographiques à froid. À chaud, au cœur de l’urgence et des opérations, se trouvent d’autres systèmes de gestion opérationnelle (Artemis, Systel, GIPSI…) qui intègrent à leur tour une brique cartographique afin de localiser les appels, les ressources, les événements en présence. Une brique qui peut exploiter des composants venus d’Esri, Geoconcept, Intergraph ou autre. Pour jongler entre ces différents systèmes et métiers, FME est, lui aussi, largement utilisé.
En totale autonomie financière, les SDIS développent (ou font développer) des applications, des logiciels métiers, et s’équipent des outils mis à leur disposition par les éditeurs qui doivent se couler dans des architectures techniques variées. Si ce foisonnement de solutions et le développement de compétences géomatiques dans les services permettent aux SDIS d’innover en proposant des applications « taillées sur mesure », ces derniers commencent à atteindre leurs limites à l’heure des compressions budgétaires, de l’optimisation des ressources et des enjeux de sécurisation des infrastructures informatiques.
Vers une gestion plus intégrée des appels d’urgence
D’ailleurs certains ont déjà décidé de mutualiser leurs développements (voir nos articles pages 10, 11 et 12) ou de faciliter les communications entre services. Ainsi, depuis le 1er janvier 2016, la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) a unifié sa plateforme d’appels d’urgence, désormais partagée avec la préfecture de Police, sur l’ensemble de son territoire (Paris, les départements de la petite couronne et les trois aéroports). Ainsi tous les appels au 17, au 18 ou au 112 arrivent sur un même central téléphonique (avec un bémol pour les appels au 17 non encore porté dans le Val-de-Marne et les Hauts-de-Seine pour cause de réseau, ce qui devrait se régler en 2017). Ils sont alors traités par une équipe d’opérateurs qui éliminent les appels inutiles (soit 96 % des appels au 112, 70 % des appels au 17 et 20 % du 18) et dirigent ceux nécessitant une action vers les services correspondants, en leur attribuant un niveau de priorité à l’aide d’un arbre de décision qui prend en compte la nature de la détresse. En vingt secondes maximum, les appels sont ainsi passés au deuxième niveau, où ils sont traités par des équipes dédiées qui déclenchent la bonne réponse opérationnelle. Un tel dispositif a pu être mis en place car les deux organismes sont placés sous la même autorité préfectorale à Paris. Des agents de surveillance ou de sécurité ont été mobilisés pour assurer le travail de filtrage et de priorisation, « après une courte formation, ça a très bien marché, se félicite le commandant David Vigier de la BSPP, ils n’avaient aucune tentation de garder l’appel pour leur propre corps de métier. On perd peut-être dix secondes au départ, mais on est beaucoup plus efficaces ensuite. » Les pompiers et policiers qui traitent ensuite les appels utilisent un système de gestion de l’alerte et des opérations (SGA/SGO) spécifique où ils localisent l’appel et le mettent en rapport avec les moyens d’intervention nécessaires.
La plateforme commune mise en place à Paris intéresse la direction générale de la Sécurité civile et de gestion des crises (DGSCGC), qui planche sur un projet de SGA/SGO unifié. En effet, les plateformes des SDIS sont globalement vieillissantes et peu connectées avec les services de police. Si certains centres d’appels sont communs avec le SAMU en France, le rapprochement est purement humain et non technique : tout le monde est dans la même salle, mais les appels arrivent sur deux plateaux différents selon le numéro composé et sont donc traités par des opérateurs différents. 15, 17, 18, 112… il y a en tout une bonne dizaine de numéros d’urgence en France et le besoin de partage d’informations est de plus en plus important. Le projet porté par le ministère de l’Intérieur facilitera la différenciation entre les actions liées au traitement de l’alerte et celles d’organisation des secours. Grâce à une architecture informatique adaptée, il permettra aux SDIS, SAMU, services de police et de gendarmerie de bénéficier des mêmes outils de traitement des appels, tout en laissant à chacun la main sur la gestion opérationnelle. Le projet en est à l’étude de faisabilité et ne verra sans doute pas le jour avant 2020, même si l’utilisation de la méthode Agile impliquera la livraison régulière de versions de travail. En termes de cartographie, un module commun devrait être intégré à la partie SGA, tout en maintenant des liaisons avec les solutions locales plus sophistiquées grâce au respect des standards actuels (mode SaaS, OGC, services Web…).
Applications mobiles et réseaux sociaux sur la sellette
Ce n’est sans doute pas un hasard si le bureau organisation de la DGSCGC a récemment multiplié ses effectifs par six (passant d’un à six !). Désormais, Olivier Galichet est officiellement en charge des évolutions technologiques et il a du pain sur la planche, puisqu’il supervise le projet de SGA/SGO unifié.
Mais il anime également plusieurs groupes de travail qui reflètent les problématiques actuelles. « Une trentaine d’applications d’alertes sont sorties ou sur le point de sortir. Cela pose de vraies questions ! » rappelle-t-il. Quid des gens qui utiliseront l’application des pompiers d’un département sur un autre territoire où elle ne déclenchera aucune action ? Comment gérer les remontées issues des applications des compagnies d’assurances, très actives sur le domaine ? Est-ce à chaque SDIS de développer son application qu’il connectera tant bien que mal à son système de gestion opérationnelle et d’alerte ? Le chargé de mission anime un autre groupe qui réfléchit à la place des réseaux sociaux. Rappelons que lors des attentats de novembre 2015, le « Safety Check » mis en place très rapidement par Facebook a été d’une grande utilité. Comment travailler avec Twitter, Facebook, Waze, Snapshat et tout autre application qui fera demain la une des boutiques en ligne ?
Réforme |
En SDIS, des géomaticiens comme les autres |
Les SDIS sont eux aussi impactés par la nouvelle organisation territoriale. Les fusions de communes ont des conséquences sur l’identification des hydrants, des bâtiments remarquables (mairies, églises, gymnases…) ainsi que sur les adresses. Chaque département se trouve ainsi confronté à la nécessité de mettre ses bases de données à jour, avec l’aide des collectivités locales. |
Open data |
Des données plus chaudes dans OSM ? |
Et si OpenStreetMap, déjà largement utilisé par les pompiers, pouvait servir à référencer des données « chaudes », tels que des événements, des alertes, etc. ? C’est l’un des objectifs d’OpenEventDatabase, un projet présenté par Christian Quest. « Les événements sont généralement de quatre grands types, précise le président d’OSM. Ceux qui sont prévus, ceux qui sont imprévus, planifiés ou observés. » Ensuite, il faut être capable de décrire leur nature (un accident, un vide-grenier, un embouteillage…), de les géolocaliser et de leur donner une durée qui peut être précisée de plusieurs façons (début/fin ou durée). Reste alors à partager ce nouveau type de données par le biais d’une API ouverte, afin de créer, de lire, de mettre à jour, de supprimer… les événements dans toutes sortes d’applications. Le projet démarre à peine. Une première base parisienne a été créée en récupérant (par aspiration de flux existants) toutes sortes de données (météo, Sytadin, raildar). Parallèlement, une expérimentation est en cours avec le SAMU du Loiret pour la diffusion de l’information sur les accidents sur la voie publique ainsi qu’avec la préfecture de police de Paris pour la diffusion de messages d’alerte. À suivre. |
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