Voyage au pays des apps
Catégorie: Cartographie, Données, Dossier : Sur les traces des touristes, Entreprises, Grand public, Institutions, Logiciels, Marché, Matériel/GPS, Utilisateurs, WebMapping
Toutes sortes de sites Internet et d’applications à destination des touristes s’appuient sur une brique cartographique. Même si elle n’est pas toujours en page d’accueil, la carte reste essentielle pour organiser les données. Comment exister face à la suprématie de Google Maps ? Passage en revue de quelques exemples.
« La carte a toujours eu un lien fort avec le tourisme, même avant les nouvelles technologies, rappelle Mathieu Bruc, blogueur sur le e-tourisme, co-auteur de M-Tourisme et géolocalisation, chargé de l’animation numérique et du m-tourisme au CRDT d’Auvergne. Mais aujourd’hui, le couplage mobile et GPS permet de faire beaucoup de choses. » Même analyse de la part de Damien Palvadeau de Business Geografic : « La thématique n’est pas nouvelle dans le domaine de l’information géographique, mais l’évolution des techniques permet de réaliser des applications plus économiques et plus simples, plus accessibles. » Du coup, les éditeurs traditionnels de SIG se retrouvent en concurrence (ou en complémentarité) avec des agences de développement Web et autres spécialistes des développements sur mobile. Car la tendance est désormais au prolongement de l’interaction sur mobile : m-tourisme (exploitant les technologies mobiles) et e-tourisme marchent main dans la main. Les sites Web et les applications sur tablette exploitées au fond du canapé le dimanche, servent à choisir une destination, à préparer le voyage. Les applications mobiles sur smartphone devront, elles, guider le vacancier dans ses activités.
Mobiles, ludiques et interactifs, les sites et applications intègrent de mieux en mieux une brique cartographique, qui reste simple en termes fonctionnels. « Les fonctionnalités du site et de l’application de la Fête des lumières n’ont pas beaucoup évolué depuis 2007 en termes de cartographie et de guidage, confirme Paul Le Corre, responsable SIG à la ville de Lyon. Nous travaillons plutôt vers plus de simplicité et une meilleure intégration de la brique cartographique, fournie par Aigle. » Pour un tel événement qui a attiré 800 000 visiteurs en 2014, la carte sert surtout à démarrer la déambulation, car ensuite, les participants improvisent leur parcours. Ils s’assurent en outre qu’ils ne ratent pas d’animation à proximité. Côté informatique, il faut être sûr de tenir la charge !
Même si le ticket d’entrée pour introduire de la géolocalisation dans une application a beaucoup diminué, d’autant plus que tous les éditeurs de logiciels SIG proposent désormais des outils d’intégration de leur moteur cartographique, le développement d’applications mobiles reste une affaire de spécialistes, car il faut prendre en compte la fragmentation du matériel et des systèmes d’exploitation, qui évoluent très vite. « Mais il y a beaucoup d’applications très prometteuses » observe Mathieu Bruc, qui a fait développer Auvergne outdoor par My lucky day.
N’oublions pas non plus que les applications locales destinées aux habitants sont également utilisables par les touristes. « Il peut être vu comme un usager temporaire du territoire » rappelle Sabine Guillaume, directrice des systèmes d’information à la Métropole européenne de Lille, qui vient de lancer l’application mobile MELCOME (basée sur GEO de Business Geografic). Plus que les autres, le visiteur a besoin de s’y retrouver dans les transports en commun, les parkings, les stations de vélos en libre service, d’identifier les équipements à proximité et pourquoi pas, de connaître la qualité de l’air.
Pleine nature pleine de cartes
Pour préparer sa mise au vert, rien de tel qu’un bon site Internet. À la limite des pratiques sportives et de loisir, les activités de pleine nature s’appuient de plus en plus sur des sites et des applications dédiées. Du coup, les propositions fleurissent par entrée thématique ou territoriale. Certaines applications restent centrés sur les activités (recherche de parcours, impression de mini-guides, téléchargement de points GPS, profils en long…) tandis que d’autres misent sur une information plus globale (points d’intérêt, hébergement et restauration…). Impossible de citer toutes les initiatives. Certaines sont d’abord nées d’une volonté d’information et de communication, d’autres ont été conçues comme des prolongements naturels des outils SIG de gestion des sentiers de randonnée ou des PDIPR (plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée), et marient gestion et valorisation comme Geotrek. Dans ce domaine, Google ne règne pas encore en maître absolu et il y a de la place pour de « petits » acteurs. Car ici, le fond de carte est crucial et l’IGN reste une référence de poids, même si l’achat de dalles limite son utilisation dans certains sites. Certains n’ont d’autre choix que de se débrouiller seuls. Pour disposer d’un fond de carte homogène adapté à la haute montagne (avec courbes de niveaux, falaises…) à cheval sur trois pays, la communauté de communes Pays du Mont Blanc a dû faire appel à un cartographe spécialisé. Le site Internet et l’application mobile du Tour du Mont Blanc, développés par arx IT sur des technologies Esri, ouverts en 2012/2013, offrent une vision topographique uniforme alors qu’ils s’appuient sur des données différentes.
Des vacances bien organisées
Le lien entre activités et offre touristique devient de plus en plus important afin d’éviter au vacancier de jongler entre plusieurs applications et sites Internet. « Pour nous, il était essentiel d’associer les informations sur le parcours et sur l’hébergement » explique Yann Jacaz, maire de Praz-sur-Arly qui a suivi le projet du Tour du Mont Blanc. Les randonneurs organisent désormais leur itinéraire sur plusieurs jours sans avoir à annuler toutes les étapes si un seul refuge est complet. La saturation de certains gîtes est également évitée. Une démarche qui a généré pas moins de 8 600 nuitées de refuge en 2014, soit 1,4 millions d’euros ! « Notre cible privilégiée, c’est le grand public qui prépare ses vacances afin qu’il découvre toutes les activités possibles dans le parc et les possibilités de séjour », explique Marie-Hélène Gravier, en charge de l’accueil et de l’animation au parc national des Cévennes. Pour répondre à ces attentes, en lien étroit avec le responsable SIG et l’administrateur des données, un site Web a été développé avec Makina Corpus exploitant Geotrek. Si la première version de la plateforme open source développée pour les parcs des Écrins et du Mercantour était très orientée randonnée, celle-ci reprend plusieurs sources de données pour une approche plus globale, orientée écotourisme, ce qui a nécessité un année de travail pour mettre clairement au point l’interface, la sélection et l’organisation des informations. Un budget de 50 000 € a été nécessaire, en partie financé par des fonds européens. Le site a été ouvert fin février et les premiers retours sont bons, même s’ils viennent plutôt des professionnels, heureux de voir leurs prestations valorisées. Aujourd’hui, les chargés de mission thématiques mettent à jour les données qui les concernent. À terme, le parc aimerait déployer la plateforme vers ses partenaires (offices du tourisme, communautés de communes…) afin qu’ils puissent, eux-aussi, injecter directement leurs données.
Cibler des thématiques particulières
Les SIG peuvent aussi nourrir d’autres thématiques ciblées, comme le prouve le syndicat intercommunal du bassin d’Arcachon (SIBA) dont l’application mobile E-navigation a remporté l’an dernier le label d’or des Interconnectés. Développée en 2011 par le pôle de ressources numériques du SIBA sur le générateur Aigle, E-navigation se décline en modes Web et mobile (moteur GEO) et répondait à un besoin bien identifié. « Les professionnels ont tous des GPS avec des applications très professionnelles de navigation, mais elles sont trop complexes pour les plaisanciers, explique Anne-Laure Langevin, responsable du système d’information au SIBA. Or naviguer sur le bassin est complexe. Il est très facile de s’échouer entre deux chenaux ou sur un banc de sable, voire d’accrocher des installations ostréicoles. » Sur la base du fond de plan du SIBA, toutes sortes d’informations sont proposées : profondeurs, limitations de vitesse, zones d’interdiction de pêche, emprise des parcs ostréicoles, balises, bouées, mais aussi ressources touristiques telles que loueurs de bateaux, plages aménagées.., le tout couplé à des données sur les marées et la météo. Les données sur la cadastre ostréicole et sur les arrêtés de navigation viennent de la DDTM (direction départementale des territoires et de la mer), celles sur la bathymétrie et les activités viennent du service tourisme et tout est mis à jour au moins une fois par an. Sur le Web, E-navigation permet de préparer ses sorties, de visualiser les équipements grâce à l’intégration d’une fenêtre StreetView. En mode mobile, l’utilisateur est localisé en permanence, il peut enregistrer son parcours et mémoriser ses coins de pêche préférés. Il envoie une alerte s’il rencontre un équipement défectueux par exemple, qui sera transmise rapidement aux autres utilisateurs de l’application après vérification par le SIBA. Même si le bassin est bien couvert par les réseaux de téléphonie mobile il reste une petite zone blanche et les visiteurs étrangers n’ont pas toujours accès à leur abonnement « data ». C’est pourquoi un mode hors connexion plus complet que les simples caches raster proposés aujourd’hui est à l’étude.
La 3D fait son entrée
En plein développement dans les musées et grands sites culturels, testée dans certains parcs d’attraction comme Vulcania, la réalité augmentée intéresse aujourd’hui des territoires plus larges. « De plus en plus, c’est le récit qui sert de porte d’entrée. L’application est là pour soutenir un propos de médiation, analyse Xavier Zimmermann, l’un des fondateurs de Camineo, qui développe depuis plusieurs années des applications pour le tourisme au grand air et les visites multimédia. Le déclenchement d’actions géolocalisées est devenu beaucoup plus facile. Il suffit de disposer de la position géographique du mobile, même grossière et d’analyser le flux d’images captés par la caméra pour recaler une position ou reconnaître un lieu. »
Colmar, qui accueille quelque 3,5 millions de touristes chaque année a pour sa part fait développer « Colmar au fil du temps » par Allucyne qui guide le promeneur tout au long d’un circuit historique matérialisé par une quarantaine de points d’intérêt. Reconstitution de bâtiments en 3D qui n’existent plus, cartes postales et tableaux anciens, vieux actes de naissances et autres documents d’archives, quiz, avatar d’Auguste Bartholdi qui raconte l’histoire de la ville… toutes ces informations sont accessibles en situation sur tablette et smartphone. L’utilisateur choisit de suivre un parcours ou de se guider seul en suivant la carte (à l’ancienne, elle aussi) et découvrir les points d’intérêt à son rythme. « Nous sommes en train d’installer des bornes WiFi dans les différents musées de la ville et offices du tourisme afin d’inciter les visiteurs à télécharger l’application. Mais elle est aussi exploitable à la maison, pour revivre et compléter sa visite », explique Frédéric Macler, du service communication de l’agglomération.
Plusieurs applications autour de la montagne et de la randonnée exploitent déjà le relief et les vues en 3D. Face au Sud, spécialiste de la carte touristique de montagne, propose même une vision 3D située. « Nous achetons nos modèles numériques de terrain et textures directement aux États-Unis » prévient Gilles Cazauvieilh, l’un des fondateurs de Face au Sud. Le randonneur visualise le modèle 3D de son parcours, le refuge à atteindre, directement dans son axe de vision, grâce à une fonction caméra au sol. Une aide précieuse pour celles et ceux qui n’ont pas un grand sens de l’orientation et très utile en cas de brouillard épais. Une approche qui ne laisse pas indifférent Vincent Fonvieille, le fondateur de la Balaguère, qui étudie aujourd’hui les possibilités de développement d’une application 3D pour ses clients qui partent en randonnée libre. « Y a t’il un risque que les gens finissent par se contenter d’une balade virtuelle ? Qu’ils aient le nez sur la carte ou sur leur smartphone ne change pas grand chose. À nous d’être à la pointe et de proposer un service réellement adapté à la demande de nos clients » conclut le chef d’entreprise.
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