Vérité Terrain, mais il est où le terrain ? Et elle est où la vérité ?
Catégorie: Cartographie, Décalagéo, Données, Logiciels, Satellite/Spatial
La vérité terrain n’est plus ce qu’elle était. Et vous, qu’en pensez-vous ?
De plus en plus de techniques d’analyse spatiale s’appuient sur « la vérité terrain » pour valider la qualité des résultats. Votre intelligence artificielle ou votre photo interprète préféré disent que ces parcelles sont des espaces enherbés, et la vérité terrain vous le confirme, permettant au passage de constituer une couche dédiée à la fiabilité des interprétations proposées, mesurée par écart à la vérité terrain. Les géomaticiennes et géomaticiens courent-ils les champs pour vérifier leurs analyses ? Que nenni. La plupart du temps aujourd’hui, la vérité terrain s’avère être… une autre base de données, déjà constituée et reconnue, parfois bien antérieure. La BD Topo, un plan cadastral, une autre base d’occupation du sol… généralement plus détaillée. Dans certains domaines, cette vérité terrain peut même être produite automatiquement (voir cet article, ou cet article par exemple).
Sans entrer dans un débat philosophique sur la notion de vérité, le bon sens nous dit que la vérité est la mise en correspondance entre une proposition et la réalité à laquelle elle se réfère. Quant au terrain cher aux géographes, disons, pour faire court, qu’il fait référence à la surface terrestre. Bref, la validation d’une interprétation par la « vérité terrain » nous indique clairement que cette interprétation devrait être confrontée à une réalité observable, en dehors de tout processus d’interprétation. Bien sûr, me direz-vous, tout n’est qu’interprétation puisque nous sommes, nous, pauvres humains, soumis aux filtres de nos sens, de nos sentiments, de nos humeurs, de notre culture… Alors, finalement, une base de données déjà reconnue ne fera-t-elle pas aussi bien l’affaire qu’un enquêteur de terrain ? D’autant plus que le terrain coûte cher et qu’il est donc souhaitable de le limiter (sans parler des contraintes sanitaires !).
Mais, au fur et à mesure que nous mettons le monde en bases de données et en chiffres, en nous appuyant sur d’autres bases de données pour vérifier qu’on fait toujours aussi bien, voire mieux, ne risquons-nous pas de figer nos représentations du monde ? De dériver doucement vers une seule vision interprétative, qui se nourrit d’elle-même, de plus en plus éloignée de la réalité (des réalités) ? Alors, ne faudrait-il pas trouver d’autres termes pour décrire les processus de validation des bases de données ? Amis géographes, philosophes et promeneurs, je vous pose la question…