Îlots de chaleur et défaut d’eau courante favorisent la dengue à Delhi en Inde
Catégorie: Communiqués, Environnement, Recherche
Maladie virale sans traitement spécifique ni vaccin, la dengue menace potentiellement 3,5 milliards de personnes à ce jour – un nombre qui pourrait augmenter avec l’urbanisation des zones tropicales et le réchauffement climatique. En effet, les moustiques tigres vecteurs de la maladie sont particulièrement bien adaptés aux milieux urbains et leur aire de répartition s’étend de plus en plus en direction des régions tempérées.
Depuis 1996, Delhi est touchée chaque année par une épidémie de dengue entre juillet et novembre. Pour savoir où et comment agir pour mieux combattre ces épidémies, une équipe associant géographes, virologues, entomologistes et épidémiologistes a étudié leur propagation à l’échelle de cette métropole de 16,7 millions d’habitants. Les scientifiques ont ciblé 18 quartiers de Delhi pour lesquels ils ont mesuré l’abondance des larves de moustiques, et recherché la présence d’anticorps (signe d’une infection passée) chez une partie des habitants. En combinant ces données de terrain aux cas repérés dans les hôpitaux, ils ont pu mettre en avant le rôle des facteurs sociaux et environnementaux dans la diffusion de cette maladie émergente.
Premier résultat : malgré une densité de moustiques plus faible, les quartiers riches sont presque aussi touchés par la dengue que les quartiers défavorisés, et davantage que les quartiers au statut socio-économique intermédiaire. Les scientifiques expliquent ce paradoxe par l’importance prise par les mobilités journalières dans la ville : quartiers favorisés et défavorisés sont dorénavant hyper connectés et partagent tout autant les espaces de vie que les virus. Deuxième enseignement : le manque d’accès à l’eau courante est le facteur de risque majeur d’infection par le virus de la dengue, plus que la pauvreté même si les deux sont souvent associés.
En effet, les rares cas hivernaux de dengue sont recensés dans les quartiers à la fois défavorisés et densément peuplés. Le manque d’eau courante oblige les habitants à y stocker l’eau dans des réservoirs qui constituent des lieux de ponte privilégiés pour les moustiques. Et la forte densité de ces types de quartiers crée des îlots de chaleur. La température y atteint en effet jusqu’à 15°C en janvier (10°C de plus que dans les zones moins denses) permettant aux moustiques de survivre à l’hiver et de continuer à propager localement le virus.
En somme, si les déplacements semblent expliquer la diffusion du virus pendant les épidémies, les déterminants sociaux jouent un rôle prépondérant dans l’ancrage du virus à Delhi, puisque le virus continue à circuler à bas bruit l’hiver dans les quartiers denses au faible accès à l’eau. Améliorer l’accès à l’eau dans ces quartiers devrait donc permettre d’atténuer l’épidémie dans toute la métropole, et pour tous ses habitants. Limiter les îlots de chaleur, ou du moins y concentrer la lutte anti-moustique en période hivernale, affaiblirait également le réservoir qui alimente l’épidémie chaque année. La planification urbaine pourrait ainsi être un instrument de lutte contre la dengue et plus globalement un levier majeur pour améliorer la santé de tous. Il s’agit là d’un concept utilisé bien avant la vaccination, et qui a permis au 19e siècle de contrôler les épidémies de choléra dans les villes européennes.
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Notes
1. 1. Les centres de recherche concernés sont le Centre de sciences humaines de Delhi (CNRS/Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères), le laboratoire Génomique évolutive, modélisation et santé (CNRS/Institut Pasteur), le National Institute of Malaria Research (Indian Council of Medical Research) et le laboratoire Géographie-cités (CNRS/Université Paris 1 Panthéon Sorbonne/EHESS/Université de Paris).
Bibliographie
Social and environmental risk factors for dengue in Delhi city: a retrospective study, Olivier Telle, Birgit Nikolay, Vikram Kumar, Samuel Benkimoun, Rupali Pal, B.N. Nagpal, Richard E. Paul. PLOS Neglected Tropical Diseases, 11 février 2021. DOI : 10.1371/journal.pntd.0009024 (lien actif après la levée de l’embargo).
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