Le satellitaire cherche ses usages
Catégorie: Données, Formation, Imagerie, Marché, Open Data, Reportages, Utilisateurs
Malgré des réussites exemplaires et une course en avant aux capteurs, l’observation de la Terre par satellite semble avoir du mal à se développer, surtout en France. Qu’est-ce qui bloque ? Institutionnels, chercheurs et entreprises réunis lors du séminaire Thieia Geosud début juin ont essayé d’analyser la situation.
Rien n’y fait. Même avec des données gratuites ou à coût minimal, l’utilisation de l’imagerie satellitaire peine à décoller au pays de SPOT. Ainsi, les 40 % de capacité réservée aux utilisateurs institutionnels autorisés sur les acquisitions Pléiades à coût réduit (5,22 €/km2), sont encore très largement sous-utilisés.
De réels efforts
Pourtant, ce souhait de lever les verrous à la sous-exploitation des données spatiales est à l’origine même de dispositifs comme Geosud* et Theia*. Agir sur les prix en organisant la mutualisation à l’amont grâce à des financements publics (Labex EQUIPEX pour Geosud, projets ANR…), rapprocher les experts scientifiques des utilisateurs « opérationnels », mutualiser les outils et l’accès grâce à des plateformes techniques simples, développer des produits thématiques à valeur ajoutée et des méthodologies prêtes à l’emploi, coordonner une offre de formation mieux adaptée, etc. Toutes ces actions sont bien accueillies mais ne suffisent pas à populariser le recours à l’imagerie satellitaire dans les politiques publiques.
L’enquête menée dans le cadre de Geosud auprès d’une centaine d’utilisateurs plus ou moins avertis par Cécile Martignac du CIRAD, montre que chez les non adhérents, ce sont le coût des images, du matériel et des logiciels qui sont perçus comme les principaux freins à l’utilisation. Chez les adhérents à Geosud, c’est plutôt le manque de moyens, de compétences et de temps qui est mis en avant, devant un manque de connaissance sur les disponibilités. Certaines des formations proposées n’ont pas trouvé preneurs, notamment au niveau avancé (pratique de la télédétection, télédétection avec ENVI et Geosud…). Et parmi les organismes qui ont fait partie de la recette thématique des utilisateurs Pléiades et qui ont bénéficié d’un soutien actif pour développer des projets, certains ont des inquiétudes sur la disponibilité future des données.
Comment étendre le réseau des utilisateurs ?
Les dispositifs de mutualisation semblent bien fonctionner tant qu’ils restent dans leur sphère d’origine. Ceux qui connaissent la télédétection et ce qu’elle peut leur apporter en termes de gestion territoriale accèdent désormais plus facilement aux ressources. Mais, à l’échelle d’un petit pays comme la France, ils sont peu nombreux. Pour les autres, même s’ils voient régulièrement des images satellitaires (météo, globes virtuels…), elles ne sont pas perçues comme des outils pouvant leur être utiles. « Il est nécessaire d’hybrider les expertises pour passer de l’image aux métiers » analyse Pierre Maurel, coordinateur de Geosud. « Les commanditaires se fichent de connaître l’origine des données, ce qu’ils veulent, c’est une occupation du sol correcte et reproductible » rappelle fort à propos Hélène Durand d’Alisé Géomatique. « L’utilisateur n’a pas de besoin satellitaire, il a besoin d’outils pour évaluer les politiques publiques, renchérit Lucie Chadourne-Facon du CEREMA. Le marché de la donnée satellitaire pour les utilisateurs publics n’existe pas. Le collectif doit proposer des produits intégrés répondant à des problématiques métiers, permettant de prendre des décisions avec un niveau de certitude maîtrisé. » Pour arriver à nourrir ces utilisateurs potentiels, qui feront de la prose sans le savoir, le petit monde de la télédétection va devoir revoir son vocabulaire, sa façon de se présenter, simplifier encore ses modes de diffusion. Il devra aussi s’appuyer sur des médiateurs capables de découvrir la dimension télédétection dans des besoins métiers très opérationnels et de développer des méthodologies robustes et « encapsulables » dans diverses chaînes de traitement ou applications. Même s’ils sont loin d’avoir trouvé LA solution, un coup d’œil sur la façon dont les nouveaux opérateurs de l’imagerie spatiale se présentent devrait au moins ouvrir les esprits (voir article page précédente). Il va également falloir abandonner le leurre du tout automatisable et de la télédétection presse-bouton (même si derrière, les traitements complexes s’enchaînent). Les retours d’expérience montrent bien que la photo-interprétation reste une des clés essentielles dans bien des analyses. Mais ces médiateurs, qui devraient être des entreprises privées, pourront-ils trouver leur marché à l’échelle de l’hexagone ? La question reste posée et sera la clé du renouveau du modèle économique d’un programme comme Geosud, qui doit trouver de nouvelles modalités économiques au-delà de l’impulsion données par l’Equipex.
* Geosud : Démarré en 2008 dans une logique de mutualisation des acteurs, Geosud fait partie des investissements d’avenir (Equipex) et a permis l’acquisition systématique de couvertures nationales annuelles ainsi que d’autres données satellitaires, et leur diffusion gratuite pour toute la sphère publique. |
* Theia : Convention signée en 2012 entre différents organismes publics (CNES, CIRAD, IGN, INRA, CNRS, IRD, IRSTEA, Météo France, CEA) pour développer et diffuser l’expertise autour de l’information satellitaire. Le CEREMA a rejoint le dispositif en 2014. |
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