Ceci n’est pas une image satellite, mais est-ce une « fake news » ?
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Les incendies qui ravagent l’Australie depuis septembre ont fait l’objet de nombreuses cartes et visualisations. Celle publiée par Anthony Hearsey sur son compte Instagram le 5 janvier a fait le tour des médias sociaux et créé la polémique.
Faut-il ranger les cartes et autres géovisualisations au rang des fake news ? C’est bien la question que nous pose le photographe et retoucheur australien Anthony Hearsey dont la représentation de l’Australie en feu a suscité de nombreux commentaires.
Des internautes à la recherche d’icônes
Depuis le début des incendies en septembre dernier, les satellites ont acquis de nombreuses images qui ont été largement reprises par les médias. Nuages de fumées (c’est bien la première fois que des images ennuagées ont un tel succès), points chauds, changements de couleurs des glaciers néozélandais… Alors qu’en cas de catastrophe, ce sont plutôt les images à très haute résolution qui sont recherchées, cette fois-ci, ce sont celles acquises par les satellites à moyenne résolution (Landsat, Modis), voire à très basse résolution qui ont été reprises. Journalistes, relais d’information, Internautes ne cherchent plus des détails vus de l’espace (les photos d’animaux morts se chargent de cette vision de près), mais bien à montrer l’ampleur du « Monster », images « objectives » à l’appui, c’est-à-dire sans intervention humaine.
Alors, quand la géovisualisation d’Anthony Hearsey a commencé à circuler, nombreux ont été ceux qui s’en sont emparés sur les réseaux sociaux, parfois en tête d’article sans légende, sans vraiment se poser de questions sur sa nature. Pourquoi ? « La compréhension n’est qu’une connaissance adéquate à nos intentions » disait un philosophe. Désormais habitués aux vues satellites dont ils ont cru reconnaître l’allure, soucieux de dénoncer une catastrophe exceptionnelle frappant tout un continent, les internautes ont fait suivre une icône (dont de nombreux « people » comme le décrypte Libé), qui résumait si bien la situation !
Un auteur qui utilise la carte pour dénoncer
Pourtant, il s’agissait bien d’une « visualisation 3D », d’un « graphique » comme le décrit son auteur, qui cherchait, par sa publication, à mobiliser le public. Une « carte » générée à partir des données publiées par la NASA sur son site FIRMS et reprenant les analyses de zones en feu menées à l’aide des images de MODIS (résolution : 1 km) et VIIRS (résolution : 375 m) sur un mois (depuis le 5 décembre). Oui, l’Australie brûle mais l’image reprise à l’envi par les réseaux sociaux n’est pas un instantané des feux vus de l’espace (certains ont même évoqué la station orbitale) ! C’est une composition cartographique reprenant un mois d’incendies, habilement retravaillée pour donner l’impression que le continent est tout simplement en train de se consumer.
Dès le lendemain, devant l’ampleur de la reprise et de la méprise, l’auteur a associé un correctif à sa carte sur Instagram, expliquant encore une fois ses sources, son mode de production. De nombreux articles ont également expliqué l’origine de cette représentation. Trop tard, sa carte est désormais classée parmi les fake news !
Pour aller plus loin
Quelques articles pour « voir » et « comprendre » les incendies australiens :
– Australie : ces graphiques qui révèlent l’ampleur d’incendies historiques (Les Échos, 10 janvier 2020)
– L’Australie vue de l’espace : des images saisissantes avant et pendant les feux de brousse (The Conversation – 8 janvier 2020)
– Australia bushfires as seen from space: Satellite pictures reveal overwhelming scale (Geo awesomeness, 5 janvier 2020)
– Top maps and charts that explain the terrifying 2019-20 Australian bushfires (Geo awesomeness, 6 janvier 2020)
– Des images satellites révèlent l’étendue des feux de brousse en Australie (Business Insider, 3 janvier 2020)