Le cadastre minier s’expose à tous avec Camino
Catégorie: Cadastre, Cartographie, Données, Environnement, Institutions, Logiciels, Open Data, Reportages, WebMapping
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Sur https://camino.beta.gouv.fr, chacun peut découvrir sur une carte interactive quelque 1 500 titres miniers et autorisations. Le projet, encore en cours, est mené en mode « startup d’État ». Détails avec Guillaume Levieux, l’intrapreneur de Camino, officiellement chargé de mission transformation numérique au sein de l’administration des mines du Ministère de la Transition Écologique et Solidaire (MTES).
Comment est né le projet ?
Le projet de cadastre numérique minier n’avançait pas malgré plusieurs études sur le sujet, car l’exercice était trop complexe. En France, le droit minier n’a cessé d’évoluer avec des titres miniers* dont certains remontent à l’époque napoléonienne voir au-delà. Seule une partie est aujourd’hui numérisée avec des données dans une vingtaine de systèmes d’information différents, sous des formats variés. De plus, ces systèmes d’information sont figés depuis plusieurs années et ne prennent pas en compte les évolutions de la réglementation, ce qui fait qu’il n’est pas toujours possible de retracer la vie administrative d’un titre minier. Bref, on ne connaît pas bien l’état du domaine minier, les demandes d’autorisation sont difficiles à instruire. En tant qu’instructeur des demandes de titres, je passais mon temps à fouiller dans les archives, à faire des copier/coller… et je n’étais pas le seul. Le numérique m’apparaissait pourtant comme une réelle opportunité pour simplifier les démarches des entreprises, faciliter le travail des agents, permettre aux citoyens et aux ONG de consulter les dossiers afin de suivre l’actualité des projets et réagir avec plus de transparence.
J’ai répondu à l’appel à projet lancé par le MTES, dans le cadre de la Fabrique Numérique, l’un des incubateurs du réseau beta.gouv.fr. Après un pitch devant les directeurs de l’administration centrale, le projet a été retenu et j’ai obtenu une lettre de mission. Nous avons monté notre petite équipe et nous nous sommes engagés à faire nos preuves en six mois. C’était il y a deux ans.
Travailler en start-up d’État, qu’est-ce que ça veut dire ?
Nous travaillons principalement à trois, à distance depuis nos bureaux respectifs mais également dans les locaux de la Fabrique Numérique, où nous nous retrouvons régulièrement. L’équipe de base s’étend en cas de besoin. J’ai le rôle de l’intrapreneur. Il y a également un développeur et un coach produit qui garantit la méthode de développement. Nous travaillons en lien étroit avec les utilisateurs, de manière itérative et incrémentale. Nous avons beaucoup travaillé avec les équipes de l’ONF et de la DEAL en Guyane qui nous ont expliqué leurs besoins et fourni leur patrimoine numérisé que nous avons reformaté et intégré. L’ONF a participé au financement du projet. Quand le projet a commencé, nous avons eu six mois pour produire une première version du cadastre minier numérique. Nous nous sommes concentrés sur la géolocalisation des titres miniers valides, décrits par leur périmètre, leur nom, les substances concernées ainsi que leurs caractéristiques administratives. Nous avons fait le choix de publier des données, même imparfaites, ce que nous avons tout de suite annoncé. Il a parfois fallu repartir des actes et dans certaines données restent ambiguës. Une part importante du budget de Camino, dans les premiers mois, a concerné la reprise des données.
Tous les six mois, nous avons un bilan d’étape. Nous montrons ce qui est réalisé, les usages et comment l’argent public est dépensé. À chaque fois, le projet peut s’arrêter. Cela nous oblige à avoir des priorités précises. Nous n’avons pas le temps d‘idéaliser un service ou une application. Nous construisons le service petit à petit en l’améliorant progressivement. Même si nous développons une fonction qui ne « prend » pas, nous ne nous trompons pas longtemps. Il y a une mise en production tous les dix jours.
Comment avez-vous abordé la dimension géographique du projet ?
Ce n’est pas ma spécialité. Mais nous avons été accompagnés par Jérôme Desboeufs du pôle géo d’Etalab. L’idée était de mettre l’information géographique à la portée de n’importe quel agent public, n’importe quelle ONG, n’importe quel artisan, pas qu’à ceux qui connaissent QGIS. Un titre minier est défini officiellement par son emprise, sous forme de coordonnées géographiques dans un système géodésique précis. En entrant ces coordonnées dans un formulaire, on voit immédiatement sur la carte à quoi ça ressemble. Les erreurs sautent aux yeux.
Nous avons pris le parti de réunir information administrative et géographique au même endroit. Les données sont stockées dans PostGreSQL et nous avons utilisé Leaflet pour l’interface cartographique. Plusieurs fonds de cartes sont accessibles par Webservice : flux Geoportail, carte géologique, fond OpenStreetMap. Il a y un géo-traitement afin de calculer les intersections entre les communes et les extensions des titres. Tout est en open source sur Github.
Où en est le projet aujourd’hui ? Et demain ?
Aujourd’hui, le site référence 99 % des titres miniers valides, grâce aux informations contenues dans 26 sources de données différentes. Nous avons proposé un système de remontées d’erreurs, qui a très bien marché avec plus de 200 signalements. À terme, quand nous aurons repris tout l’historique, nous aurons environ 7 000 titres géolocalisés et décrits.
Chacun peut explorer les titres. Les utilisateurs référencés bénéficient d’une interface afin de suivre l’instruction des nouveaux dossiers : environ 200 comptes ont été créés par des agents publics et des entreprises en Guyane principalement. Depuis janvier 2019, la procédure de déclaration trimestrielle de production d’Or en Guyane a été complètement dématérialisée. Deux autres procédures sont en cours de dématérialisation : les permis de recherche non énergétique et les déclarations de production de granulats marins. L’équipe Camino travaille avec un bureau d’études afin de dématérialiser complètement le dépôt de dossier avec récupération d’emprises sous forme de fichiers Shape ou GeoJson.
Toutes les données de chaque titre ne sont pas diffusées en open data car certaines relèvent du secret des affaires ou statistique. Ainsi, nous allons mettre en ligne un tableau de bord des données de production d’or par exemple en Guyane, mais qui donnera les montants consolidés, sans le détail par exploitation. Notre objectif est que l’ensemble des procédures du code minier soient numériques en 2022.
Titres miniers et autorisation, quelles différences ?
Le code minier instauré en 1956 par la reprise de la loi de 1810 fait la différence entre le titre minier, qui reconnaît les droits immobiliers de son détenteur et l’autorisation des travaux, qui est une procédure distincte, qui peut être soumise à concurrence ouverte. Les travaux peuvent être de plusieurs types : recherche, prospection préalable (en mer), exploitation minière, stockage sous-terrain… Le code minier concerne les minéraux énergétiques (pétrole, gaz, charbon) et non énergétiques (or, sel…) ainsi que la géothermie profonde. Pour en savoir plus voir le site http://www.mineralinfo.fr.