Tracking or not tracking ? That is the question : distinguer les objectifs
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Comment suivre, voir prédire l’évolution de la pandémie de la Covid-19 tant au niveau collectif qu’individuel ? Cette question éminemment géographique met sur le devant de la scène l’utilisation de diverses géographiques, notamment nos traces numériques géolocalisées via nos téléphones portables. Nous avons demandé à divers spécialistes de nous donner leur point de vue afin d’éclairer un débat complexe.
Géolocalisation, Covid19, des objectifs à bien distinguer : le point de vue d’Éric Mauvière, directeur de Géoclip (Ciril GROUP)
L’épidémie de Covid19 justifie-t-elle que notre téléphone devienne un instrument de flicage de tous nos déplacements ? De multiples initiatives, venant des opérateurs téléphoniques, des États ou des chercheurs, sèment le trouble.
Je vois deux objectifs assez différents :
- Surveiller les déplacements pour prévenir/sanctionner les déconfinements abusifs, ou mieux modéliser les afflux de patients vers les hôpitaux ;
- Identifier les personnes ayant pu être en contact avec un porteur du virus, pour les alerter et les prendre en charge (re-confinement, soins…)
Dans le premier cas, la localisation sommaire que permet le GPS de notre téléphone suffit. On cherche à savoir si les gens s’éloignent significativement de leur domicile, en filtrant si besoin sur un site hospitalier de destination (localisé lui aussi à grosse maille).
Dans le second cas, on n’a pas besoin de géolocalisation. Il s’agit plutôt de garder la trace d’avec qui vous avez été en situation proche (moins de 2 m), durable, ayant pu vous contaminer. Le but est de pouvoir vous contacter rapidement si avez subi un risque infectieux, parce que l’une de vos rencontres ainsi mémorisées a été testée « positive ». C’est alors la liaison Bluetooth, de courte portée, via une application (installée sur une base volontaire), qui parait pertinente, pas le GPS. L’appli doit être présente chez le maximum de personnes qui se déplacent ou interagissent significativement avec d’autres, et des tests de dépistage menés à grande échelle, régulièrement, chez les « déconfinés ». Stocker ces données au-delà d’un mois n’a pas d’utilité. Sauf a posteriori, sur échantillonnage seulement, à fins d’études scientifiques.
Tout cela soulève de sérieuses questions éthiques, juridiques, voire psychologiques. Faute de garanties suffisantes (conditions d’accès aux données, durée de conservation), un État ou un acteur privé pourrait détourner l’objectif affiché (sanitaire) pour surveiller qui vous rencontrez, où vous vous rendez, et à quelle fréquence. Et selon les curseurs de réglage des algorithmes, il y a le risque de vouloir reconfiner illico tous ceux que l’on aura laissés sortir, au motif qu’ils auront croisé quelqu’un qui aura croisé quelqu’un qui…