Des géographes de la santé plus aguerris
Catégorie: Données, Dossier : Bonne géo-santé !, Environnement, Formation, Institutions, Recherche
Même si elle est encore loin d’avoir trouvé sa place dans les facultés de médecine, la géomatique commence à pointer le bout de son nez dans les études de santé publique. Elle est devenue incontournable pour les géographes de la santé qui jonglent entre approche terrain et analyse quantitative.
Parmi les causes de la méconnaissance de la géomatique dans le domaine de la santé, nos interlocuteurs évoquent souvent le manque de formation des médecins. Si ces derniers s’y connaissent en statistiques et en méthodes quantitatives, ils abordent peu la dimension spatiale au cours de leurs études. Les formations en géographie de la santé restent peu nombreuses : Nanterre, Rouen et Lyon proposent des parcours en master. Un maître de conférences a été recruté à l’École des hautes études en santé publique à Rennes. Mais les lignes bougent et le master de Nanterre qui comprend un volet important en géomatique accueille de plus en plus de médecins et infirmiers, notamment dans le cadre de la formation continue. « Quand on discute analyse spatiale avec des biostatisticiens ou des épidémiologistes, ils sont généralement assez fascinés et très enthousiastes » note Stéphane Rican, maître de conférences à l’université de Nanterre.
Gérer des données de plus en plus volumineuses
L’utilisation du big data, des données en ligne, de l’open data amènent une démocratisation des pratiques mais nécessite une solide formation en gestion et traitement des données. « Avant, nous formions les étudiants à l’analyse spatiale, à la cartographie statistique, ils devaient s’approprier les outils de traitement spatial, savoir pratiquer des krigeages, des lissages, etc., constate Stéphane Rican. Maintenant, en plus, nous devons leur apprendre à organiser et gérer des bases de données. » Même si l’accès aux données reste très encadré et que les étudiants doivent monter de gros dossiers CNIL pour effectuer leurs recherches, PMSI et bases Snirram leur offrent des perspectives très intéressantes, notamment sur les itinéraires de soins.
Les jeunes chercheurs en géographie de la santé associent de plus en plus étroitement enquêtes de terrain et analyse contextuelle à l’aide des bases de données. C’est par exemple le cas de Guillaume Chevillard qui a soutenu sa thèse en octobre dernier sur l’implantation des maisons de santé.
Urbanisation et santé : un sujet sans fin
La thèse de Daouda Kassié, aujourd’hui chercheur au CIRAD, associe télédétection, analyse spatiale et enquêtes de terrain afin de cerner les disparités de santé dans la ville de Bobo-Dioulasso (Burkina-Fasso). Pour rendre compte de la complexité des relations entre urbanisation et santé, le chercheur s’est appuyé sur une enquête menée auprès d’un millier de ménages. Dans un premier temps, il a cartographié la ville, son évolution et ses équipements. Une mission complexe qui a alterné photo-interprétation de six campagnes de photo aériennes, récupération de données éparses, de plans Autocad, relevés GPS des infrastructures de soin et autres équipements, classification d’images satellitaires (Pléiades 2012). Petit à petit, un SIG a été constitué, en partenariat avec l’université, la commune et l’IRD. Cette première caractérisation de la ville lui a permis de définir des zones morphologiquement homogènes. Ces différents territoires ont été caractérisés grâce à une classification ascendante hiérarchique réalisée sous PhilCarto en prenant en compte la densité du bâti, l’approvisionnement en eau potable, les équipements de soins, les zones inondables… Deux cent cinquante ménages ont ensuite été enquêtés dans chaque type de zone. Les questionnaires ont porté sur les conditions de vie, l’état de santé, le paludisme, l’état nutritionnel, etc. Les résultats ont ensuite été analysés et cartographiés à l’échelle des différents quartiers. Le niveau socio-économique, l’insécurité alimentaire des ménages, leur exposition au paludisme, les disparités spatiales de santé sont ensuite étudiées selon de multiples dimensions. Daouda Kassié montre ainsi comment la transition épidémiologique* affecte différemment les quartiers de la ville.
Explication |
Transition épidémiologique : |
Avec l’évolution démographique, les maladies infectieuses, parasitaires (paludisme) et les carences traditionnelles laissent place à des maladies chroniques et dégénératives (hypertension artérielle, diabète…). Mais ce passage n’est homogène ni dans le temps ni dans l’espace et certaines populations cumulent des pathologies des deux types, comme l’ont montré Gérard Salem et Florence Fournet en 2003. |