Digital Globe : le roi en son royaume
Catégorie: Cartographie, Données, Entreprises, Imagerie, Institutions, Marché, Matériel/GPS, Reportages, Secteur public, Sécurité/défense
Au royaume de la très haute résolution, même si le roi étend son emprise, les sujets restent confiants. Les très bons résultats de Digital Globe lui permettent d’entraîner l’ensemble des acteurs dans une course au pixel qui ne sera peut-être pas du goût des industriels de la photographie aérienne !
À la conférence annuelle sur le marché de l’observation spatiale organisée par Euroconsult, Jeffrey Tarr, PDG de Digital Globe, arborait la mine satisfaite du premier de la classe qui sait qu’il le restera. Tous les clignotants sont au vert pour sa société avec un chiffre d’affaires 2013 qui devrait être supérieur à 650 millions de dollars.
Le marché commercial émerge
L’activité au profit du gouvernement américain n’a augmenté « que » de 28 % (incluant un doublement des services à valeur ajoutée hors ventes d’images), pendant que l’activité commerciale (secteur civil et défense export) connaissait une croissance impressionnante de 82 %, atteignant 45 % de l’ensemble des ventes mondiales. Le réalignement de l’offre commerciale à la suite de la fusion avec GeoEye se poursuit. Si une gamme tarifaire unique a été publiée en juin dernier, Digital Globe prend le temps d’apprécier le potentiel commercial réel de ses produits et services à valeur ajoutée.
Le changement d’orbite de GeoEye-1, en cours depuis la mi-septembre, en est un bon exemple. Le satellite est remonté à 770 km au-dessus de la Terre (altitude de WorldView-2). Il y perd un peu de résolution spatiale (de 41 à 46 cm) mais ce changement est invisible pour les clients (les images commercialisées sont échantillonnées à 50 cm). Par contre, il y gagne en capacité de couverture et les deux satellites de la constellation deviennent totalement interchangeables, ce qui accroît la flexibilité opérationnelle… et apporte une réponse à la constellation Pléiades.
Dès 2014, avec le lancement de WorldView-3, Digital Globe reprendra un avantage technologique, car le satellite combinera l’instrument actuel de WorldView-2 (poussé à 31 cm de résolution) par un second instrument proposant huit canaux SWIR à 3,70 m de résolution (Short Wave Infra Red) et douze canaux de correction atmosphérique.
De nouveaux sujets et alliés
Ces performances vont bien au-delà des autorisations réglementaires actuelles (les images SWIR seront commercialisées à 7,50 m de résolution). Mais Digital Globe peut compter sur un nouvel allié pour l’aider à convaincre l’administration fédérale américaine de relâcher ses contraintes. Ed Parsons a pour la première fois publiquement indiqué la position de Google sur ce dossier : la société milite pour une résolution spatiale « commerciale » à 30 cm. Une position qui fait l’unanimité, du fait des nouvelles offres aériennes accessibles. Marcello Maranesi (e-Geos) a même remarqué « qu’en zone urbaine, la barre devrait même être placée plus bas, autour de 10 cm ».
Les sujets s’organisent
Face à ce mastodonte, pas d’autre voie qu’un positionnement plus modeste pour les autres acteurs. Astrium Services GEO-Information Services devrait en 2014 abandonner ce nom qui ne s’est jamais imposé chez les clients (ni même en interne) pour Airbus « quelque chose ». Avec une constellation de trois et bientôt quatre satellites tout neufs (deux Pléiades et deux Spot 6 et 7) auxquels s’ajoutera en 2014 le modèle numérique de surface WorldDEM (issu de quatre ans de mission radar TanDEM-X), qui devrait redéfinir le standard du marché en matière de produit d’élévation mondial, l’entreprise européenne ne manque d’atouts. Le nouveau PDG Bernhard Brenner s’est évidemment félicité de la signature d’un contrat avec Google qui permettra aux utilisateurs de Google Maps Pro d’accéder à des contenus exclusifs Pléiades et Spot 6/7. Il a également souligné que huit contrats de stations de réception directe avaient déjà été signés sur 2013. Les améliorations récentes de la qualité image Pléiades et les nouveaux modes de prise de vue de TerraSAR-X doivent également donner confiance aux clients dans la capacité d’Astrium à proposer une alternative crédible à long terme.
L’arrivée de nouveaux entrants comme Skybox Imaging (qui lancera son premier satellite en novembre), Planet Labs ou UrtheCast (voir DécryptaGéo du mois dernier) est plutôt bien perçue par les industriels. En proposant des modèles économiques différents, ils devraient contribuer à créer de nouveaux marchés et non prendre des parts de marchés aux acteurs traditionnels. Accessoirement, le fait que ces nouveaux venus se financent auprès de sociétés de capital-risque est vu comme un signe de maturité de l’observation spatiale, jusque-là totalement dépendante d’investissements publics. L’année 2014 dira si tous ces rêves se concrétiseront.
Thierry Rousselin
GEO212