En privé, pas de miracles ?
Catégorie: Dossier : inestimable information géographique ?, Entreprises, Marché
L’impact économique de l’information géographique ne peut se limiter à la mesure (encore partielle) des effets des politiques publiques en la matière. Une bonne partie de la richesse est générée par des acteurs privés, qui s’appuient peu sur des données publiques. Où en est la mesure de cet impact ?
Difficile d’avoir accès à des études précises dans le secteur privé. Nous ne disposons d’aucune analyse du marché des acteurs de l’information géographique à l’échelle nationale et les enquêtes internationales se contentent d’additionner les chiffres d’affaires des plus grands acteurs du secteur, vu de façon plus ou moins étroite.
Des gains de productivité au cœur des choix d’équipement
Quant aux utilisateurs de SIG, souvent créateurs de bases de données métier, ils sont encore moins bien connus. Pourtant, les gains de productivité sont au cœur de la plupart des projets dans des domaines tels que la gestion des réseaux, le géomarketing, etc. Ainsi, comme l’explique Laurent Dormal, responsable de l’information géographique chez Capgemini dans le journal de l’entreprise de juin 2013, « en moyenne, le traitement de chaque DICT* réclame 15 minutes à une organisation. Or, un grand opérateur de réseau peut en traiter jusqu’à 2 millions par an. Ne gagner que 5 minutes sur chaque procédure représente déjà une économie considérable. Et, en intégrant l’ensemble des processus dans un SIG, on doit pouvoir en gagner 10 ! » L’analyse de la valeur est, pour les consultants, « l’une des cinq clés d’une démarche SIG réussie ». Kilomètres évités par l’optimisation de tournées, rédaction des délais d’intervention et amélioration de la satisfaction client… les SIG doivent aider les entreprises à réaliser des économies et à augmenter leurs revenus.
Le secteur privé produit-il des études systématiques qui vérifient cette promesse, même non diffusées ? Rien n’est moins sûr vu la difficulté de nos « informateurs » à nous mettre en contact avec des entreprises pouvant répondre à nos questions. « Je ne connais aucune entreprise capable de dire que l’information géographique lui a fait gagner x % de chiffre d’affaires » résume Thierry Rousselin. Ayant dernièrement eu à accompagner un groupe industriel dans le choix de son SIG, Henri Pornon remarque que l’argumentaire économique faisait partie du dossier « temps gagné, optimisation économique dans le rapport aux partenaires, fiabilisation de certaines opérations, sécurisation juridique… tout était écrit noir sur blanc ». Pourtant, le consultant reconnaît bien volontiers que ses clients (principalement publics) lui demandent très rarement des bilans quantitatifs. Une ambiguïté qui hante finalement tout le secteur de l’informatique, indispensable, mais dont la rentabilité est difficile à évaluer !
Google ose parler de milliards
Pourtant, un acteur clé de l’information géographique n’a pas hésité à chiffrer l’impact de l’information géographique dans notre société : Google. En 2012, la firme de Mountain View a commandé deux rapports, l’un au Boston Consulting Group et l’autre à Oxera sur l’impact économique des géo-services, résumés dans l’infographie ci-contre. Qu’entend Google par géo-services ? Toutes les activités liées à la cartographie numérique, à l’imagerie spatiale et aux services géolocalisés, ce qui représente selon les auteurs un chiffre d’affaires de 150 à 270 milliards de dollars par an et quelque 90 milliards de dollars de salaires à l’échelle mondiale (soit 500 000 emplois aux États-Unis). En étendant l’analyse à l’apport des géoservices pour les entreprises utilisatrices (celles qui calculent des itinéraires, qui font du géomarketing, qui consultent simplement une carte de l’état de trafic…), le chiffre monte à 1,6 billion de dollars (soit 1 600 milliards). Malheureusement, les détails ne sont pas en ligne et il est impossible d’en savoir plus sur la méthodologie utilisée.
Même si ces chiffres alimentent les fantasmes sur une information géographique essentielle à l’économie, ils doivent être pris au sérieux. Car Google dispose aujourd’hui d’une équipe d’une centaine d’économistes, et ils ne font pas tous de l’optimisation fiscale, loin de là ! « Leur rôle est aussi d’identifier les micro-valeurs cachées qui peuvent être monétisées, analyse Thierry Rousselin. En Europe et en France, le dossier n’est pas traité assez sérieusement. »