Manifestations à Hong Kong : quand la carte se met en marche
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Le mouvement de révolte à Hong Kong semble ouvrir une nouvelle ère dans l’utilisation des outils de cartographie numérique. Désormais, la carte guide les manifestants en direct.
Organisées au départ afin de contester le projet de loi d’extradition, les manifestations qui se déroulent à Hong Kong depuis début juin ont pris une nouvelle ampleur. C’est désormais la mainmise de Pékin sur le territoire qui est en jeu. Les défilés sont nombreux, la mobilisation impressionnante et la répression l’est tout autant. La bataille est dans la rue, mais également dans l’espace numérique, et les cartes y jouent un rôle non négligeable.
Comme dans les précédents mouvements de protestation, les réseaux sociaux et les messageries instantanées son largement mobilisés par les habitants de Hong Kong. Mais désormais, de nouveaux outils sont utilisés, en temps réel, qui relient les manifestants entre eux et renforcent la mobilisation. Ainsi, la diffusion de séquences vidéo en « live stream » participe au sentiment de communauté. Il a permis la mobilisation de nouveaux manifestants ayant eu la sensation de vivre en direct les défilés et ayant découvert ainsi la violence de la répression, comme l’explique un article de MIT Tech Review.
La carte liquide
Suivant l’injonction de Bruce Lee « Soyez de l’eau », les manifestants misent également sur la surprise et la fluidité dans leur organisation, leurs choix de lieux de rassemblement. Hyperconnectés, ils partagent des cartes « en live » grâce à la fonctionnalité AirDrop de leurs iPhones. Plusieurs groupes de volontaires se sont constitués pour construire en direct des cartes des actions en cours et les renvoyer aux manifestants.
Kuma a ainsi lancé début août le service HKMap.live. Comment ça marche ? La carte, disponible via Telegram, est zoomable et cliquable. Elle est enrichie par des contributeurs sur le terrain, grâce à des émoticons (un chien représente la police par exemple).
Les contributions sont analysées par un groupe de modérateurs qui les confrontent aux autres sources d’information en temps réel, avant de valider la mise à jour qui est alors disponible pour tous. Pour éviter les contributions malveillantes, le système s’appuie également le projet Galileo de cybersécurité qui bloque les attaques et certaines IP. La dissémination au sein même de la manifestation passe par AirDrop. Kuma, le créateur du site, annonce avoir touché plus de 200 000 utilisateurs certains jours, même s’il reconnaît qu’il subsiste certains décalages temporels.
Orca propose une autre approche avec 103.hk. Dans ce service, le modérateur publie des cartes statiques sous forme de photos, toujours via Telegram, mais il en publie plusieurs par heure lors des manifestations. Des codes couleurs indiquent où se trouvent les manifestants, les forces de police, les barrages, les postes de secours, etc. Des flèches indiquent le sens et la vitesse des déplacements, les rues par lesquelles s’échapper.
Là encore, ce sont des volontaires dans les cortèges qui alimentent une carte vierge via iPad. Le 18 août, Orca annonçait 600 000 hits dans la journée.
Enfin, Hong Kong liveuamap, déclinaison de Liveuamap, déjà utilisée dans le suivi en direct de conflit, décrit également les événements en temps réel, associant photos, posts sur Twitter et pictogrammes pour rendre compte de la situation.
Désormais tous équipés d’un smartphone (surtout des IPhone), évoluant dans une ville hyperconnectée, sensibilisés à la protection des données, les manifestants de Hong Kong montrent que la carte, apanage du pouvoir, sait se retourner contre les autorités et alimenter en direct la rébellion. Bien conscients de ces enjeux, les manifestant attaquent les infrastructures qui peuvent se retourner contre eux, telles que les caméras de surveillance. Même après l’annonce du retrait du projet de loi sur l’extradition, la révolte continue. Alors que Pékin envisage l’état d’urgence, des associations rappellent qu’en Chine, la géolocalisation n’est pas une donnée personnelle et que les opérateurs sont tenus de transmettre ce type de données à la Police sur simple requête. La bataille numérique, elle aussi, est loin d’être finie, et c’est désormais la neutralité d’Internet qui est en jeu.