Il construit son application cartographique en direct… et en 4 jours
Catégorie: Cartographie, Grand public, Logiciels, Reportages
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Grâce à Hoodmaps, vous saurez dans quel quartier aller boire un verre ou faire votre footing la prochaine fois que vous irez à Berlin, New York ou Marseille. Pour développer cette application collaborative, Pieter Levels n’a mis que quatre jours.
Pieter Levels, développeur de son état (et pas cartographe pour deux sous), avait un problème : « chaque fois que j’arrive dans une nouvelle ville, je ne sais pas où aller. Je finis très souvent dans le centre touristique. Étant originaire d’Amsterdam, je sais que 90 % des touristes n’ont aucune idée de ce qu’est réellement la ville parce qu’ils restent dans le centre. J’aimerais avec un aperçu rapide des quartiers, où sont les zones cool ? Les zones riches ? Les banlieues qui peuvent me paraître ennuyeuses ? » Il a même dessiné une première carte pour sa copine Amy en 2015, afin de lui présenter rapidement les grands quartiers de sa ville natale. « Et si je faisais une application collaborative pour présenter ces grandes catégories de quartiers ? » se demande le jeune homme. Mais il se pose un autre défi : Développer l’application en direct (histoire de se mettre la pression et d’aller au bout) grâce à un flux vidéo, en quelques jours et en faire une start-up !
Trop facile
Le 31 mars, le feuilleton « building a start-up in 4 days » commence, rapidement suivi par plusieurs centaines de personnes (Pieter avait déjà beaucoup d’abonnés à son fil twitter). Si vous n’avez pas la patience de rejouer l’ensemble des vidéos, un billet résume l’aventure ici https://levels.io/hoodmaps/.
Effectivement, en quatre jours, une première version de l’application est développée. De quoi rendre jaloux les développeurs géomaticiens qui, il n’y a pas si longtemps, ont sué pendant des semaines et des mois pour développer des sites Web ou des applications.
Pieter a bien sûr choisi de s’appuyer sur Google Maps, sans même se poser de question et sans même le mentionner dans son récit. « Au début, j’ai commencé simplement en HTML, CSS et JS ». C’est dire à quel point l’application Google est devenue une commodité incontournable.
Au fil des heures, Il a passé du temps à gérer la forme et la taille des mailles qui permettent de caractériser un quartier (le dur apprentissage des coordonnées géographiques). Il lui a fallu corser un peu ses développements, intégrer quelques scripts, s’appuyer sur une base SQLite, peaufiner son interface. Il a choisi d’ajouter des tags pour permettre aux contributeurs d’associer des commentaires… pour enfin disposer d’une application web (et mobile) encapsulée dans un site communautaire dédié aux nomades numériques (Nomad List) en seulement quatre jours.
Le projet prend rapidement et des milliers de contributeurs affluent, qui qualifient les villes qu’ils connaissent. Le principe d’attribution de couleur étant lié à la catégorie dominante (Si dix contributeurs pensent que le quartier est plutôt « hipster » et deux pensent qu’il est riche, c’est « hipster » qui gagne). Pieter étoffe un peu les fonctions (possibilités de votes de la communauté) et doit apprendre à éliminer les spams. Mais en quelques mois, les contributions arrivent et plusieurs dizaines de villes sont décrites par les Internautes.
Une touche de suspens
Ses ennuis techniques commencent quand il veut déposer son nom de domaine HoodMaps (Hood, contraction de « neighbourhood » qui signifie quartier) auquel il tient. Il se fait un peu rançonner. Et puis, au moment du lancement début juillet, c’est rapidement le black-out : il a dépassé son quota de 100 000 appels à l’API Google Maps et il est prié de passer à la caisse (10 000 $). Le site est fermé alors qu’il avait réussi une très belle opération de référencement (première page de Reddit, mentionné sur Hackers News, Product Hunt, promo sur Twitter…). Un développeur lui signale l’existence de Mapbox, aux conditions plus souples. « Il m’a fallu 2 heures pour changer tout le code Javascript » raconte Pieter. Il y gagne en plus une vision 3D. Hé oui, le monde du développement a bien changé (et ce garçon est doué !).
Un résultat qui arrange… et dérange
Force est de constater que l’application est à la fois simple et efficace. Mais elle nous rappelle également qu’une carte n’est qu’une construction, qu’une vision du monde. Pour Pieter, la population des villes se divise en six catégories : les hipsters, les costards cravates, les riches, les étudiants, les touristes et les « normies » alias gens normaux (c’est-à-dire les gens ennuyeux des banlieues). Une segmentation très subjective, exprimée de façon assez brutale, mais dans laquelle ses quelque 300 000 contributeurs semblent se retrouver. Il serait intéressant de la confronter aux typologies de quartiers réalisées par les experts en géomarketing.
Les tags sont tout aussi ambivalents : il y a du factuel, du guide touristique (« Great Park »), de l’humour (« Startup land » pour le Sentier, « carnaval de touristes » pour la tour Eiffel…) comme du cliché avec de nombreuses références aux communautés (à New-York par exemple) voire du carrément stigmatisant tel que ce « say goodbye to your iphone » à la Courneuve, relevé par Télérama ou ce « Car theft paradise » (paradis des voleurs de voitures) à Westlake près de San Francisco.
Quant au modèle économique de sa nouvelle start-up, il est encore à construire. Pieter a déjà eu quelques idées (posters, publicité locale…), mais qui ne lui ont rien rapporté. Si nos lecteurs veulent l’aider, ils peuvent le contacter !