Humanitaires : des utilisateurs sous pression
Catégorie: 3D, Cartographie, Données, Environnement, Imagerie, Institutions, Mobilité, Open Data, Recherche, Reportages, WebMapping
Malgré une actualité plus que chargée pour les organisations humanitaires, le colloque GeONG, organisé par CartONG à Chambéry, a rassemblé quelque cent cinquante participants venus de soixante-seize organisations différentes. Pendant deux jours, responsables d’associations, développeurs, géomaticiens, ont échangé leurs expériences et leurs idées pour un usage amélioré de l’information géographique dans leurs structures.
Ce ne sont plus des données que veulent les humanitaires, mais des informations utiles. Utiles pour comprendre, pour décider, pour agir. Et les exemples ne manquent pas pour prouver que l’information géographique sait se mettre à leur service. Soutien à la lutte contre le choléra au Congo, en Sierra Leone ou en Guinée, aide à la reconstruction en Haïti, évaluation des dommages aux Philippines… « Les organisations humanitaires ont compris l’intérêt de l’information géographique, se félicite Maeve de France, présidente de CartONG, en ouverture du colloque. Mais il y a encore du travail à faire, elles peuvent aller plus loin. » Ainsi, Médecins sans Frontières Suisse a fait appel à la petite ONG chambérienne pour l’aider à mettre en place un véritable centre de ressources géomatiques. Non seulement les thématiques abordées par les organisations sont très étendues (économie, santé, déminage, logistique…), mais elles doivent servir différents publics : les opérationnels de terrain, les chefs de missions, les directeurs de programme et le top management… sans oublier les financeurs et les journalistes, maillons essentiels dans le succès des opérations.
La boîte à outils s’étend
Ainsi, pendant deux jours, on a parlé cartes, tableaux de bord, traitement d’enquêtes, drones, dataviz, imagerie satellitaire… C’est toute la panoplie des outils de collecte, de traitement et de diffusion des données géographiques (ou simplement géolocalisées) qui peut être mobilisée par les humanitaires. « N’oublions pas que la carte papier reste le meilleur allié de l’opérationnel de terrain, puisqu’elle marche sans électricité et sans réseau, » a tenu à rappeler René Saameli de la Croix Rouge internationale. Paul Spiegel du Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) a pour sa part montré comment une analyse statistique et spatiale a été nécessaire pour comprendre que la prévalence du sida chez les réfugiés dans les camps n’était pas supérieure à celle des populations locales. Et pour convaincre les hauts commissaires de financer des programmes alimentaires complémentaires pour lutter contre l’anémie dans certains camps, c’est une représentation très simple (mais basée sur des données complexes) à base de feux verts et rouges qui a été présentée.
Ébola rebat les cartes
L’épidémie d’Ébola fait une fois de plus bouger les lignes et oblige chacun à se repositionner. Ici, pas d’événement soudain et « naturel » qui déclenche la mobilisation générale, mais des cris d’alerte restés sans écho pendant de trop longs mois. Pourtant, là encore, l’information géographique a fait ses preuves. Même si la mobilisation de la communauté OSM a été tardive (mars dernier), elle a été efficace et en six mois, 7,4 millions d’objets ont été saisis par quelque 1 300 contributeurs sur les principales villes touchées. Pour la première fois, MSF Suisse a déployé quatre coordinateurs SIG sur le terrain, qui ont su établir une collaboration fructueuse avec les épidémiologistes et intervenants sur le terrain. « Les missions sur le terrain ne durent que six semaines. Il faut donc former en permanence les nouvelles équipes, leur fournir des outils simples pour saisir les cas, et rendre compte de la propagation de l’épidémie. L’information géographique nous aide à assurer une certaine pérennité » reconnaît Mathieu Soupart, directeur de la logistique chez MSF.
Malgré ces succès, l’information géographique reste sous observation par les humanitaires, qui craignent que la facilité d’utilisation des outils ne les pousse à accumuler des données inutiles, à saisir pour saisir et à oublier leur éthique. Un sujet d’autant plus important que la simple géolocalisation peut permettre de pointer du doigt des individus ou des communautés, et qu’il existe encore plein de coins de la planète où il ne fait pas bon se balader avec un GPS !
Article « Des bénévoles numériques cartographient les zones touchées par Ebola » paru dans La Croix du 12 octobre 2014 : http://www.la-croix.com/Solidarite/En-France/Des-benevoles-numeriques-cartographient-les-zones-touchees-par-Ebola-2014-10-12-1247844