Intelligent ? Vous avez dit intelligent ?
Catégorie: 3D, Données, Entreprises, Environnement, Institutions, Marché, Open Data, Recherche, Reportages, Secteur public, Utilisateurs
« Géomatique et territoires intelligents », c’est ce couple que les étudiants du mastère Silat avaient choisi comme thème pour leur Géoséminaire annuel le 3 mars dernier. Un duo qui permet d’englober de nombreuses expériences, de l’impact de la mésange sur le tourisme en Corse au pilotage hydraulique d’une grande ville. Mais qui pose également des questions de définition.
Est-ce faire preuve d’intelligence que de mobiliser les pêcheurs pour cartographier les herbiers de zostères de l’étang de Thau ? Certainement, comme l’a montré Julian le Viol du Syndicat mixte du bassin de Thau (SMBT). Il a pu comparer cette cartographie « à dire d’acteurs » à des méthodes plus classiques (télédétection, relevés par plongeurs) et s’est aperçu qu’il en apprenait beaucoup plus, même si les contours étaient parfois plus flous.
Est-ce faire preuve d’intelligence que de proposer aux Montpelliérains une application de calcul d’itinéraires multimodale ayant une dimension prédictive ? Forcément, puisqu’elle va permettre de mieux équilibrer les différents modes de transports et évitera aux utilisateurs de perdre du temps dans des embouteillages prévisibles.
Une nouvelle utopie ?
La géomatique est depuis longtemps au service d’une compréhension plus approfondie des territoires, de leur fonctionnement, de leur gestion quotidienne. Est-ce à dire que la géomatique est l’un des maillons des territoires intelligents ? Pour Sylvie Daniel, professeur à l’université de Laval au Canada, la ville, devenue trop complexe, se doit d‘être gouvernée en meilleure intelligence entre acteurs publics, privés et citoyens participants. À ses yeux, la ville intelligente est une stratégie, une vision qui doit être partagée par tous les acteurs économiques, sociaux et politiques. Du coup, le numérique et la géomatique peuvent être mobilisés à différentes étapes : la 3D présente les projets d’aménagement de façon plus compréhensible, l’open data permet aux citoyens de construire et documenter leur vision personnelle de la ville et de sa gouvernance, les outils participatifs les aident à proposer leurs propres aménagements…
Un certain sens de la mesure
Mais dans les faits, la ville intelligente se réduit aujourd’hui à des expérimentations essentiellement basées sur le déploiement de capteurs et sur le croisement de données techniques. Pour commencer à exister, la ville semble d’abord avoir besoin de se connaître, de se mesurer, afin d’être plus résiliente, mieux optimisée, plus économe en énergie. Bien sûr, cette vision, certes plus étroite mais moins utopique, s’appuie également sur de l’information géographique, comme l’a bien montré Raphael Hartmann d’IBM, venu présenter l’expérimentation menée à Montpellier. Même à ce niveau, tout est loin d’être réglé. « Nous avons dépensé beaucoup d’énergie sur des problèmes de plomberie, avoue le spécialiste des smartcities. Comme nous étions dans le cadre d’un projet de recherche et développement limité dans le temps, trouver les données pertinentes, pouvoir en estimer la qualité, les récupérer… n’a pas toujours été facile. » Du coup, tous les thèmes envisagés au départ n’ont pas pu être traités. Impossible par exemple de se lancer dans un calculateur d’itinéraires pour les personnes à mobilité réduite, les données de la ville étant incomplètes tout comme celles collectées lors de cartoparties citoyennes. Au temps pour la participation citoyenne !
Cet exemple, aussi anecdotique soit-il, montre bien qu’acteurs publics, privés et habitants ont des visions différentes des enjeux informationnels qui sous-tendent l’aménagement urbain. Les villes ont constitué des bases de données techniques pour servir leurs différents métiers, souvent en silo. Silos que les industriels tentent de briser, pour aboutir à un système de systèmes, capable de suivre en temps réel tout le fonctionnement de la ville. Quant au citoyen, on le consulte ponctuellement et, lorsqu’il prend lui-même en charge la constitution de données, il n’est pas dit que ces dernières soient utilisées.
C’est pourquoi il est fondamental que les collectivités se forment et réfléchissent ensemble à ces concepts, comme semblent le faire les villes québécoises. « Comment garder la maîtrise de la connaissance quand les missions sont de plus en plus sous-traitées ? » interroge Marc Aparicio de Montpellier Méditerranée Métropole. Quelle place pour les habitants au-delà des applications censées faciliter le quotidien des mieux nantis ? Pour développer une véritable posture d’intelligence territoriale, les villes ont besoin de mener une réflexion de fond qui va bien au-delà des aspects techniques et numériques.
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