Le secteur public se mobilise
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Comment convaincre les décideurs publics que l’information géographique est un bon investissement ? La question taraude les géomaticiens qui y sont de plus en plus confrontés. La liste des bienfaits de l’information géographique n’est plus suffisante et il faut produire des chiffres !
« En France, aucune étude vraiment poussée sur la valeur économique de l’information géographique n’a encore été menée. » Le constat de Bruno Iratchet, consultant chez Realia, est partagé par tous nos interlocuteurs. Pourtant, son cabinet fut sans doute l’auteur d’une des premières analyses, menée dans les années 1990 pour la communauté urbaine de Strasbourg (CUS). Pour la première fois, la valeur du patrimoine des données géographiques était évaluée, en mettant son coût de constitution en relation avec les bénéfices commerciaux qui en étaient tirés à une époque où la collectivité vendait ses données, plans et cartes. Pourquoi une telle préoccupation ? « Il fallait montrer à certains élus de l’opposition que le service, qui comptait une quarantaine de personnes, rapportait de l’argent » commente le consultant.
L’impact économique, une réponse au malaise des IDG ?
Aujourd’hui, les arguments ont évolué. « L’information géographique apparaît comme quelque chose d’hypertechnique, complète Marie-Christine Schott de la région Alsace. L’énergie à la produire occulte l’utilité du rendu. Nous avons le nez dans le guidon et nous sommes presque les seuls à comprendre pourquoi il faut se lancer dans certaines réalisations. » Ce manque de lisibilité, à l’heure où Google Maps semble mettre l’analyse géographique à la portée de tous, pèse sur les géomaticiens. D’autant plus que la situation de certains acteurs publics est fragilisée. Les difficultés à inscrire l’information géographique dans les derniers contrats de plan État-Région (CPER), la crainte d’une remise en cause des infrastructures de données géographiques (IDG) en période de recomposition territoriale et politique ont ainsi motivé les dernières études françaises (GEOPAL, PACA par exemple). En tant que politiques territoriales, les IDG doivent faire la preuve de leur utilité. « Personne n’a de doutes sur l’utilité de l’information géographique dans un organisme, résume Henri Pornon, fondateur de IETI consultants, alors que le débat sur les IDG est récurrent, surtout depuis qu’elles vont au-delà de leurs missions de mutualisation de l’acquisition de référentiels. »
« L’évaluation réalisée en 2014 a été menée dans la perspective du changement de mandature régionale, qui est l’un de nos principaux financeurs, confirme Christine Archias, directrice du CRIGE PACA, cheville ouvrière de la politique géomatique dans la région. Nous devions également convaincre nos nouveaux financeurs que sont les EPCI* de l’intérêt d’un centre de ressources régional. » Il s’agissait avant tout d’évaluer « ce qui avait été fait en PACA depuis dix ans, comme le précise Christine Artico, chef de projet études et observation à la région, et de préparer le troisième CPER ». Du coup, pas de chiffres mais une investigation rétrospective, même si des pistes d’amélioration sont proposées. Ici, ce sont les réalisations et les résultats qui ont été appréciés via une enquête approfondie auprès des ayants droit du CRIGE. « Nous avons poussé notre argumentaire sur les coûts évités pour les nouveaux entrants grâce aux éléments de base fournis par l’évaluation, » complète Christine Artico.
Car les décideurs veulent des chiffres. « Nos membres ont de plus en plus de difficultés à mobiliser des moyens financiers pour SIG L-R. Ils ont besoin d’arguments à fournir à leurs élus » ajoute Laurent Pigache, directeur de l’IDG languedocienne, qui vient, elle aussi, de mener une étude d’impact, centrée sur l’évaluation économique (voir article page 12).
Mêmes motivations en Alsace. « La question nous intéressait depuis longtemps, rappelle Marie-Christine Schott. Plusieurs régions étaient en situation de crise en 2013 et n’avaient pas bouclé leur budget, du coup, le sujet est revenu dans nos discussions entre régions, au sein de l’Afigéo puis de l’Association des régions de France (ARF) ». Et ce ne sont pas moins de cinq régions qui se sont mises d’accord pour cofinancer une thèse sur la valeur et l’impact de l’information géographique dans les territoires. Même si sa temporalité est incompatible avec l’urgence de la situation de certaines IDG, « la thèse nous donnera de solides éléments méthodologiques pour faire face à la prochaine crise » espère Marie-Christine Schott.
En l’absence d’une enquête d’ampleur nationale, qui pourrait être portée par le Conseil national de l’information géographique (CNIG), mais qui ne semble plus à l’ordre du jour, les IDG ont donc choisi de se mobiliser. Face au coût de l’évaluation, qui n’a rien de négligeable, espérons qu’elles arriveront à mutualiser leurs méthodes et leurs résultats.