L’IGN planche sur le bois
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Rassemblés par le FCBA* et l’IGN fin mars, une quarantaine d’acteurs de la filière bois ont exprimé leurs besoins et leurs attentes en matière d’information géographique. Tous ne sont pas couverts par l’offre actuelle, loin de là. Mais l’IGN entend bien leur proposer des solutions.
Aujourd’hui, 75 % de la forêt française est privée, détenue par quelque 3,5 millions de propriétaires, dont la plupart ne connaissent même pas leurs parcelles, souvent héritées d’un lointain grand père. Comment, dans ces conditions, valoriser et protéger un tel patrimoine ? L’affaire n’est pas simple d’autant que le secteur économique est lui aussi morcelé, avec des transporteurs qui sont principalement des artisans et peu de grandes entreprises dans le domaine de la première transformation. Pourtant, la pression est vive. Entre les engagements énergétiques de la France, le développement de la compétitivité d’un secteur qui alimente de nombreux métiers et l’impact des tempêtes successives… Les acteurs économiques de la filière bois forêt ont, eux aussi, besoin de mutualiser certaines ressources, et notamment géographiques.
L’IGN, fournisseur de données
L’IGN a profité de cette journée (et c’était bien le but) pour présenter ses données et services, exploitables dans le domaine de la valorisation économique de la forêt. L’inventaire forestier, devenu BD Forêt, permet, grâce aux méthodes de recensement mises en place depuis quelques années, de suivre la ressource disponible à différentes échelles géographiques, d’effectuer des diagnostics forestiers, d’estimer les volumes sur pied par espèce et par région, et même de prévoir les volumes de bois mobilisables dans le futur selon différents scénarios. Grâce aux données recueillies sur les placettes, des informations complémentaires sur les sols peuvent être par exemple intégrées dans les analyses. En croisant ces données d’inventaire avec d’autres sources sur les structures des propriétés, l’accessibilité des dessertes, les contraintes économiques et techniques, des études de disponibilité réelles sont désormais possibles. Pour préparer l’offre de demain, le FCBA et l’IGN marchent main dans la main pour mieux quantifier les volumes, en intégrant des données Lidar (programme de recherche FORESEE*) permettant de calculer des modèles numériques de canopée, ou en exploitant des images Pléiades (projet Pinastereo*).
Des besoins très concrets
Mais le secteur économique a des besoins très concrets. « L’aide à la navigation est un enjeu crucial pour mon entreprise », explique ainsi Rose-Marie Rochatte, directrice de l’entreprise de transport du même nom qui possède une vingtaine de camions dans les Vosges. « Elle nous fait économiser 12 000 litres de carburant par an, mais elle nous coûte trop cher. La cartographie seule nous a déjà coûté 30 000 euros. » Tout aussi pragmatique, Paul Maurin de Fibre Excellence (fabricant de pâte à papier avec deux usines en France), voudrait accéder simplement aux coordonnées des propriétaires de parcelles forestières. « Aujourd’hui, en tant qu’entreprise privée, je ne peux faire que 120 demandes par an » se désole-t-il. Pour lui, cette information est essentielle pour passer les contrats qui lui permettront d’alimenter ses usines.
La voie du partenariat
Comment répondre à ces attentes ? En Auvergne, les acteurs de la filière ont su se rassembler, créer un partenariat pour produire ensemble les données nécessaires, notamment en matière de contours parcellaires et de zonages environnementaux, accessibles via une plateforme technique simple et collaborative, comme l’a présenté Cécile Duquet du CRPF Auvergne. Certains pays ont réussi à associer étroitement les acteurs économiques à la mise en place d’informations géographiques. Ainsi, Maryse Bigot de FCBA rapporte le cas de la Finlande où une loi répartit les rôles de chacun, permet la transmission des informations sur les propriétaires (après que chacun ait donné son accord) aux acteurs privés et a abouti à un portail qui fournit gratuitement des données de base, tout en proposant des services payants plus élaborés. En Allemagne, structures publiques et privées ont créé une entreprise, Navlog, chargée de valider et d’intégrer les données sur les dessertes forestières saisies sur le terrain par les acteurs concernés. Ces données, saisies dans un format standardisé (Geodat), sont ensuite accessibles via des services Web et fournies aux industriels de la logistique et du suivi de véhicules afin qu’ils les intègrent dans leurs solutions. Même si le paysage économique de la forêt est bien moins morcelé qu’en France dans ces deux pays, ces exemples montrent qu’une organisation est possible.
Vers une BD Desserte ?
L’IGN aimerait bien proposer une démarche du même type. L’Institut a mené une étude technique sur ce sujet, qui a montré l’utilité d’une base centrée sur les dessertes forestières (guidage notamment vers les piles de bois, calcul du coût réel des prestations, études sur les ressources réellement exploitables, entretien du réseau…). Mais l’information manque. Soit les acteurs se débrouillent tout seul (chez Rochatte, on récupère les traces GPS des camions pour enrichir la cartographie maison), soit ils mettent en place des coopérations qui sont souvent trop centrées sur une thématique particulière (DFCI, extraction bois dans les Landes) ou ont du mal à perdurer au-delà d’une saisie initiale. C’est pourquoi l’IGN propose de mettre en place une BD Desserte, exploitant l’information déjà disponible dans la BD Uni*, complétée par les données fournies par les acteurs de terrain, au sein d’une plateforme de type Ripart, une fois que tous les partenaires se seront mis d’accord sur le modèle de données à utiliser (pourquoi pas Geodat). Car l’IGN dispose déjà d’un tracé géométrique des dessertes forestières assez complet (98 %). Le problème est plus dans la mauvaise qualification de tronçons (revêtement par exemple) et dans l’absence d’attributs adaptés (largeur, dévers, utilisable en tout temps ou pas, restrictions de circulation), qui sont nécessaires pour adapter itinéraires et analyses aux différentes catégories de véhicules (grumiers, camions…). La base devrait également être complétée par un ensemble d’informations ponctuelles, sortes de POI forestiers, tels que points de retournement, places de dépôts, barrières, gués… « Mais ce sera donnant-donnant » prévient Rose-Marie Rochatte, qui tique quand l’IGN parle d’abonnement payant. Les contributeurs ont peur de devoir payer pour accéder à un service, aussi sophistiqué soit-il, exploitant des données qu’ils auront eux-mêmes fournies. Ça vous rappelle quelque chose ?
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FCBA : Institut Technologique Forêt Cellulose Bois Construction Ameublement
FORESEE : Programme ANR sur la caractérisation et spatialisation de la ressource forestière pour les bioénergies (FOrest RESsource Estimation of Energy)
Pinastereo : Programme de recherche sur l’estimation du volume de la biomasse forestière dans le massif de pin maritime aquitain à partir d’images Pléiades.
BD Uni : Cette base, non commercialisée par l’IGN, est celle qui sert à la production des différentes couches du RGE telles que la BD Topo. C’est elle que les opérateurs de terrain mettent à jour en continue. Elle contient des attributs qui ne sont pas présents dans les bases commerciales mais qui pourraient être exploités pour la base des dessertes forestières (voie privée ou publique par exemple)