Observer et accueillir
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Observer l’activité touristique n’a jamais été une mince affaire. Il faut dire que le touriste reste un être difficile à cerner, finalement peu soumis aux contraintes administratives et qui a une vilaine tendance à aimer se balader. Profitant des avancées technologiques et de l’exploitation des traces numériques, les dispositifs d’observation se renouvellent.
Qui sont les touristes ? D’où viennent-ils ? Où vont-ils ? Quels lieux visitent-ils ? Comment organisent-ils leurs périples ? Délaissent-ils vraiment les hôtels pour Airbnb ? Comment les amener à consommer mieux et plus sur mon territoire ? Autant de questions essentielles pour les collectivités, agences de développement et comités locaux.
Les grandes enquêtes peu spatialisées
Traditionnellement, l’activité liée au tourisme est suivie par le biais d’enquêtes. Celle sur la fréquentation dans l’hôtellerie, pilotée par l’INSEE avec l’aide des organismes locaux du tourisme, est réalisée à partir d’un questionnaire envoyé par courrier chaque mois à 12 000 hôtels (soit 70% de l’effectif) qui doivent décrire la fréquentation de leur établissement en nuitées, taux d’occupation, durées moyennes de séjour, part du tourisme d’affaires, pays d’origine des étrangers, etc. Elle est complétée par une enquête équivalente sur les campings et autres hébergements collectifs (villages vacances, auberges de jeunesse…), menée uniquement sur les mois d’été. Les résultats sont utilisés dans différentes études de l’INSEE et de la direction générale des entreprises. Elles peuvent également être exploitées par certains organismes locaux partenaires, mais la diffusion reste rudimentaire en termes de granularité spatiale (départements, régions). Même reproche à l’enquête sur la demande touristique des personnes résidant en France (SDT), réalisée par TNS-Sofres pour le compte de l’État par courrier sur un échantillon de 20 000 personnes. Si elle estime les taux de départs, volumes de séjours, destinations et caractéristiques principales des déplacements touristiques des personnes habitant en France, ses résultats ne sont disponibles qu’à l’échelle régionale. L’enquête auprès des visiteurs venant de l’étranger (alias EVE), exploite 80 000 questionnaires recueillis chaque année auprès de voyageurs au moment où ils quittent le territoire. Elle donne lieu à des publications de résultats par trimestre, distinguant les différents modes de transport, les régions visitées, les modes d’hébergement, les dépenses… sans référence géographique précise.
Ce rythme souvent annuel et la faible précision spatiale poussent les professionnels, comités locaux et collectivités à se tourner vers d’autres sources. Les traces laissées par les touristes sont ponctuellement mobilisées pour évaluer par exemple la fréquentation de sites ou d’événements sans billetterie : nombre de cierges brûlés à Notre-Dame de Paris, surplus de déchets dans les stations balnéaires, paiement en cartes bleues internationales aux autoroutes… Mais ces enquêtes restent ponctuelles, difficiles à mettre en œuvre et à généraliser. Elles nécessitent la mise en place de partenariats avec des opérateurs privés ou éloignés des problématiques touristiques. Les acteurs locaux sont finalement souvent obligés d’organiser leurs propres enquêtes locales et comptages pour mieux évaluer le tourisme sur leur territoire. Depuis peu, ils se tournent vers les données issues de la téléphonie mobile.
Une meilleure vision des flux grâce aux téléphones portables
Car Orange Labs a structuré une offre dédiée à l’observation touristique : Flux Vision. L’opérateur a même signé un contrat cadre avec le Rn2D (réseau national des destinations départementales regroupe les comités départementaux du tourisme et les agences de développement et de réservation touristique), afin de faciliter l’équipement des comités départementaux de tourisme. Mesure de la fréquentation d’événements (arrivée du Tour de France, férias…), fréquentation du territoires sur quelques zones cibles, mobilité entre ces zones… le tout en différenciant les touristes étrangers (avec leur pays de provenance), les Français, les excursionnistes, les personnes en simple transit, etc. « Ces données sont importantes pour l’aide à l’installation de porteurs de projets, note Véronique Brizon, directrice du Rn2D. Elles nous aident également à adapter nos politiques de promotion et de communication. » Pendant deux ans, après quelques tests en région (notamment en Côte d’Azur), les chargés de mission du Rn2D ont participé à l’élaboration de l’offre, à la définition d’une segmentation adaptée, prenant par exemple en compte les résidences secondaires. Aujourd’hui 47 départements sont équipés et bénéficient de tableaux de bords, cartes et graphiques fournis par Orange Labs. L’Ariège a ainsi découvert que des destinations perçues comme confidentielles bénéficiaient d’un bon rayonnement. Les Bouches-du-Rhône ont une meilleure compréhension de l’importance des mobilités entre ses différents bassins touristiques en Août, etc.
« Dans la pratique, si la téléphonie mobile offre de nombreux avantages, les données qu’elle est en mesure de fournir ne satisfont pas encore entièrement les besoins du statisticien, même si elles peuvent faire le bonheur de l’observateur* » tempère Patrick Vece, directeur de l’observation du tourisme au CRT Côte d’Azur qui a testé Flux Vision en 2012. En effet, malgré leurs nombreux avantages (absence d’enquête, maille spatiale et temporelle fine, segmentation des différents types de visiteurs, captation des mobilités à l’intérieur d’un département…), ces données posent encore plusieurs questions, notamment dans l’appréciation des touristes étrangers. Le coût des communications internationales, l’absence d’abonnement « data » font que beaucoup de téléphones restent éteints en vacances à l’étranger ou ne sont utilisés qu’en présence de WiFi. Là où une famille française sera « vue » à travers plusieurs téléphones (papa, maman, chaque enfant à partir d’un certain âge), une famille équivalente venue de Chine, d’Italie ou de Russie n’aura sans doute pas la même « signature », surtout si l’un de ses membres a décidé d’acheter une carte locale prépayée. De plus, les types et niveaux d’équipements (les Estoniens ont sans doute des téléphones moins sophistiqués que les Japonais) ainsi que les accords internationaux entre opérateurs, peuvent brouiller les analyses quantitatives. La distinction entre les différents profils des français n’est pas non plus exempte de confusions possibles. Les quantifications de flux doivent donc être prises avec prudence et l’offre continuer à s’affiner. « Les équipes dans les départements doivent se saisir de ces données pour les comprendre et les confronter à leur territoire. Car le tourisme n’est pas le même dans la Drôme et le Finistère » conclut Véronique Brizon.
Toutes ces données sont mobilisées par les comités régionaux, départementaux mais aussi par les collectivités locales et leurs diverses agences pour alimenter des observatoires. « La thématique tourisme arrive rapidement sur la table quand on est en lien avec des élus, note Marion Tillet, chargée d’études sur le sujet à l’IAU*. Le secteur est important en termes d’emplois, d’autant plus que ces derniers sont peu délocalisables et souvent peu qualifiés. Il y a de plus un enjeu d’identité des territoires. Un élu qui souhaite développer le tourisme, devra en quelque sorte donner une marque à son territoire. » L’institut propose une méthodologie, qu’il est en train d’appliquer aux nouveaux territoires d’Île-de-France afin de réaliser des diagnostics de l’activité touristique. Proximité des moyens de transports, éléments du patrimoine, offre culturelle et hôtelière, fréquentation des équipements… un territoire touristique doit être pensé comme un véritable système.
* citation extraite de l’article « Observation des données de la téléphonie mobile, des perspectives prometteuses qui restent à confirmer », paru dans la revue Espaces n°316 (janvier/février 2014)
Définition |
Le tourisme, c’est quoi ? |
Le tourisme comprend les activités déployées par les personnes au cours de leurs voyages et séjours dans des lieux situés en dehors de leur environnement habituel pour une période consécutive qui ne dépasse pas une année, à des fins de loisirs, pour affaires et autres motifs non liés à l’exercice d’une activité rémunérée dans le lieu visité. La durée du séjour permet de distinguer deux catégories de visiteurs : les touristes qui passent au moins une nuit hors de leur environnement habituel, et les excursionnistes, qui n’en passent aucune. (Sites INSEE et tourisme.gouv.fr) |
Inventaire |
De Sirtaqui à DATAtourisme |
Les offices du tourisme, comités départementaux et régionaux sont en première ligne pour la connaissance des infrastructures (hébergement, restauration, patrimoine, circuits…) et des animations locales (fêtes, événements…). Voilà longtemps qu’ils constituent des bases de données par divers moyens. Les démarches de mutualisation sont nombreuses et il y a aujourd’hui en France une quarantaine de bases de données départementales et régionales, plus ou moins interopérables. Citons par exemple Adipae en Rhône-Alpes ou Sirtaqui sur l’Aquitaine. Tous les acteurs locaux peuvent référencer leurs ressources. Les informations sont ensuite exploitables en interne par les services (renseignements, applications de mailings, édition de brochures, etc.) ainsi que dans toutes sortes de sites Web, bornes d’informations et applications grâce à des flux (API). 270 structures alimentent la base Sirtaqui, qui contient 90 000 objets, chacun gardant la main sur son territoire et sa façon de présenter. Ici, la géolocalisation se fait par adresse ou saisie sur Google Maps. |
Assembler ces quarante bases régionales qui ont toutes leurs spécificités est un projet ambitieux, porté par le Rn2D sous la bannière DATAtourisme. Définir une structuration commune des données, un processus de consolidation afin, là encore, d’alimenter tous les acteurs du tourisme en informations ouvertes, validées et fiables prendra encore quelques mois. Mais le projet avance bien, soutenu par l’État dans le cadre du programme d’investissement d’avenir. Un premier appel d’offres est en cours pour définir une ontologie et un deuxième en préparation pour la plateforme technique, le tout avec le soutien de la société Ikoula qui assure l’hébergement informatique. Les premiers jeux de données devraient concerner les fêtes et manifestation et les points d’intérêt « à voir » et « à faire ». À suivre prochainement sur http://www.datatourisme.fr. |
Une courte vidéo présentant l’utilisation de Flux Vision par Bouches-du-Rhône Tourisme :
- Pour aller plus loin, le site www.veilleinfotourisme.fr présente dans le détail l’ensemble des enquêtes et publications statistiques qui existent sur le sujet en France.
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